Ankara. En 2007, lors d’un programme diffusé sur la chaîne télévisée NTV, Kadir Çöpdemir avait demandé à Recep Tayyip Erdoğan, alors premier ministre, comment son fils avait eu les moyens de s’offrir un bateau. Erdoğan avait répliqué en disant que l’affaire était exagérée et qu’il s’agissait plutôt d’un “petit bateau” (2). Le terme qu’il a employé, “gemicik” (le suffixe “-cik” servant à faire le diminutif de “gemi”, qui signifie bateau en turc), est resté dans le vocabulaire politique turc. Aujourd’hui, le même débat tourne autour d’un autre moyen de transport : l’avion. Néanmoins, celui-ci n’est certainement pas petit. Il s’agit d’un Boeing 747, souvent désigné par son surnom “Jumbo Jet”.
Selon Erdoğan, il n’y aurait rien à craindre car l’avion serait un cadeau offert par l’émir qatari Tamim ben Hamad à l’État turc et ne lui appartiendrait pas personnellement. Or, des critiques se font entendre dans l’opposition. Le leader du Parti républicain du peuple, Kemal Kılıçdaroğlu, a remis en cause le caractère public de l’avion dans la mesure où les citoyens ne peuvent pas l’utiliser (4). Le leader adjoint du même parti, Veli Ağbaba, a souligné l’incohérence entre l’appel à l’épargne que fait le président Erdoğan et le coût de l’avion, qui n’est peut-être pas un don mais un achat à un prix estimé d’environ 400-500 millions de dollars (1). Le porte-parole du Bon Parti, Buğra Kavuncu, a affirmé qu’un remplissage des réservoirs de carburant de cet avion coûterait 280 000 dollars à l’État turc (5). Est-ce viable compte tenu de la crise monétaire que traverse la Turquie ?
Après la promesse de l’émir, qui avait affirmé lors d’une rencontre avec le président turc que Qatar fournirait 15 milliards de dollars d’investissements à la Turquie, ce “don” vient renforcer les liens entre les deux pays (3). Le Qatar représente-t-il une “porte de secours” pour la Turquie qui fait face à l’effondrement de sa monnaie ainsi qu’à une crise diplomatique avec les États-Unis ?
Perspective :
- Trois députés du Parti républicain du peuple (Engin Altay, Özgür Özel et Engin Özkoç) ont rédigé une proposition de loi (6). Si celle-ci est adoptée, l’avion devrait être retourné au Qatar dans les quinze jours qui suivent la décision. Outre les conditions obscures de son acquisition, ce qui pose problème par rapport au Boeing 747 en question est, selon les auteurs de la proposition de loi, l’atteinte à l’indépendance de la Turquie. Si l’émir qatari fait une demande quelconque à la Turquie, serait-elle en mesure de la refuser ?
Sources :
- Veli Ağbaba’dan Katar uçağı sorusu : Hediye edildiyse eniştem beni niye öptü ?, Cumhuriyet, 19 septembre 2018.
- Erdoğan : Oğlum gemi değil gemicik aldı, Hürriyet, 17 juin 2007.
- Katar Türkiye’ye 15 milyar Dolar yatırım yapacak, Hürriyet, 15 août 2018.
- Katar’ın uçak hediyesi vatandaş olarak onuruma dokunuyor, Hürriyet, 18 septembre 2018.
- Katar’dan hediye uçağın deposu 280 bin dolara dolacak, Sözcü, 26 septembre 2018
- Katar uçağını iade için kanun teklifi, Sözcü, 27 septembre 2018.
- Cumhurbaşkanı Erdoğan Katar Emiri’nin hediye ettiği uçağın perde arkasını açıkladı, Yeni Şafak, 17 septembre 2018