Chemnitz, Land de Saxe. L’ancienne Karl-Marx-Stadt est agitée depuis dimanche 26 août par des manifestations après le meurtre par un irakien de 22 ans et un syrien de 23 ans d’un allemand de 35 ans au cours de la fête de la ville. Par l’intermédiaire des réseaux sociaux, des rassemblements spontanés se sont organisés. Aux côtés de personnes venues rendre un hommage sincère à la victime, ont défilé environ 800 militants d’extrême droite, qui ont agressé dans les rues des passants d’apparence étrangère, et ont scandé des slogans fascistes. La police a semblé dépassée par l’escalade de violence et a été la cible de critiques de la part du monde politique et de la société civile pour une certaine passivité envers des manifestants agressifs, qui faisaient pour certains le salut nazi face à la presse, un acte criminel grave en Allemagne (2). Les jours suivants les débordements ont continué.
La police a cependant fait appel à des renforts d’autres Länder pour juguler la violence, dénoncée par le gouvernement fédéral comme une “chasse à l’homme”. La plupart des hommes et femmes politiques ont condamné les émeutes, mais quelques voix discordantes se sont fait entendre. Wolfgang Kubicki (FDP) a notamment affirmé que “les racines des débordements se trouvent dans le ‘Wir schaffen das’ (‘nous y arriverons’) d’Angela Merkel” (4). Des propos repris et vivement critiqués.
L’événement est révélateur de la puissance de mobilisation conservée par la nébuleuse d’ultra-droite en Saxe. Comme le rappelle une enquête de l’hebdomadaire Die Zeit, les groupes néo-nazis avaient été interdits à Chemnitz en 2014. Si les actes de violence raciste ont baissé depuis 2015, la mouvance s’est réorganisée, grâce aux réseaux sociaux et en s’appuyant sur des groupes de hooligans (3).
La mise en ligne par plusieurs personnalités de la scène d’ultra-droite d’un mandat d’arrêt à l’encontre des assassins a provoqué de nouvelles critiques contre les autorités publiques. La fuite émane d’un fonctionnaire de justice de Dresde, qui a été suspendu (1). La police du Land de Saxe avait été accusée il y a deux semaines de proximité avec la droite nationaliste et le mouvement anti-islam Pegida. Il y a un an, l’AfD a réalisé dans le Land son meilleur score, 27 pour cent, en devenant ainsi le 1er parti. Il y a deux semaines un employé du Landeskriminalamt et membre de Pegida avait attaqué verbalement des reporters de la ZDF. Par la suite des policiers censés surveiller la manifestation avaient interdit à l’équipe de filmer. L’homme, rapidement identifié à son bob aux couleurs du tricolore allemand, a dû lui aussi quitter ses fonctions.
Perspectives :
- 1 er septembre 2019 : Elections régionales (Landtagswahl) en Saxe. La coalition CDU-SPD au pouvoir pourrait perdre sa majorité au profit de l’AfD, devenant le 1er Land contrôlé par le parti.
Sources :
- Haftbefehl geleakt. Dresdner Justizbeamter suspendiert, Der Spiegel, 30/08/2018
- ZDF-Team beschimpft. LKA-Mann muss seinen Hut nehmen, Der Spiegel, 30/08/2018..
- GRUNERT, Johannes, Die Rechte organisiert sich neu, Die Zeit, 27/08/2018.
- HAUSNER, Joseph, Kubicki-Aussagen : Merkel schuld ? Wie die FDP über Chemnitz streitet, offenbart ihr Grundproblem, Focus, 30/08/2018.