Vienne. Bien que l’époque où les mariages des dirigeants autrichiens avaient des conséquences géopolitiques est révolue depuis longtemps (1), c’est le mariage récent de la ministre des Affaires étrangères Karin Kneissl (indépendante proposée au gouvernement de coalition par le parti d’extrême droite FPÖ) qui a déclenché une controverse au niveau national et international. Le président russe Vladimir Poutine a assisté à la réception et y est resté brièvement avant de rejoindre la chancelière allemande Angela Merkel dans le Brandebourg.

La présence inhabituelle de Poutine lors d’un événement qui, comme l’a clairement spécifié le Ministère des Affaires étrangères, était strictement privé se prête à diverses interprétations. Selon le plus grand expert autrichien de la Russie, le professeur Gerhard Mangott (4), puisqu’aucune relation personnelle entre le ministre et le dirigeant russe n’a été démontrée, il est probable que le Kremlin ait en réalité saisi l’occasion d’une « charm offensive » inattendue adressée à l’opinion publique européenne.

Le chancelier Kurz n’a pas pris position sur le sujet, mais il a repris le devant de la scène lors du Forum annuel à Alpbach, Tyrol. À l’occasion de son 32ème anniversaire, il y a prononcé un discours d’un grand esprit pro-européen (5), n’abordant que marginalement le thème des migrants et mettant l’accent sur la nécessité d’un élargissement de l’Union aux Balkans occidentaux et sur une gestion ordonnée de Brexit. Un signal montrant que le Chancelier a l’intention de concentrer les efforts diplomatiques de Vienne davantage sur l’avenir de l’Union que sur l’établissement d’une « relation spéciale » avec Moscou.

Perspectives :

  • Les images du mariage ont porté un coup dur non seulement à la crédibilité de la ministre, mais aussi à la réputation de l’Autriche en tant que négociateur honnête sur des dossiers internationaux sensibles, comme celui de l’Ukraine. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Kiev a explicitement exprimé sa déception sur Twitter (5), malgré le fait que le leader du FPÖ, Heinz-Christian Strache, considère que le geste de Kneissl s’inscrit dans la meilleure tradition diplomatique autrichienne (3).
  • La présence de Poutine en Autriche a été chaleureusement accueillie par le FPÖ (qui a déjà conclu des accords de coopération avec le parti Russie unie dans le passé) : une relation encore plus forte avec Moscou aura-t-elle des conséquences politiques et économiques concrètes pour Vienne ?
  • Le poids spécifique de l’Autriche et de sa politique étrangère se mesure avant tout dans ses relations avec d’autres partenaires européens (à commencer par l’Allemagne) et dans ses relations historiques avec la région des Balkans, que Kurz connaît très bien. Avec les six mois de présidence en cours, il est probable que le Chancelier prendra lui-même la tête, même en attendant de mieux comprendre comment les familles des partis européens s’organiseront à l’approche des élections européennes.

Sources :

  1. Weltpolitik abseits der Weinberge, Die Presse, 17 août 2018.
  2. Kneissl-Hochzeit : Ukrainischer Minister ätzt über Wiener Außenamt, Die Presse, 18 août 2018.
  3. Profile Facebook d’Heinz-Christian Strache.
  4. MANGOTT Gerhard, Politische Unvernunft, gerhard-mangott.at, 25 août 2018.
  5. RENNER Georg, Spuren von einem früheren Kurz, Kleine Zeitung, 27 août 2018.