Munich. Du point de vue du reste de l’Allemagne, la campagne pour les élections bavaroises dure depuis la formation du dernier gouvernement fédéral et la reconduction de la grande coalition en mars dernier. La nomination du ministre-président de Bavière (2008-2018) Horst Seehofer au ministère de l’intérieur a entraîné un jeu de chaises musicales pour les ténors de la Christlich-Soziale Union (CSU). Son successeur à la tête de la Bavière, Markus Söder, jusque là ministre régional des finances, a pris les rênes en pleine année électorale, alors que Seehofer est resté chef de parti.

Malgré des postures toujours plus provocatrices de la part du nouveau ministre de l’intérieur (qui s’est par exemple arrogé un portefeuille de la “patrie”), les perspectives ne sont pas bonnes pour la CSU, qui souffre, comme son partenaire de la CDU dans le reste de l’Allemagne, de la montée de l’AfD. Le Landtag de Bavière n’a jamais échappé aux chrétiens-sociaux depuis la fondation du Land en 1946. Mais dans les sondages, la CSU ne parvient plus à dépasser les 40 pour cent des intentions de vote (3). Bien loin derrière arrivent en général les Verts (crédités de 15 pour cent des votes environ) et l’AfD, tandis que le SPD, jusqu’ici seconde force, poursuit sa chute.

Face aux opérations médiatiques de Seehofer à Berlin, le reste de l’Allemagne s’est donc senti pris au piège d’une campagne régionale de la CSU. La menace de rupture de l’union avec la CDU début juillet a été l’épisode le plus violent de cette suite de crises entretenues artificiellement par le ministre de l’intérieur. Un accord in-extremis sur les centres de rétention de migrants a finalement “sauvé” le gouvernement Merkel IV (1). Après les événements de Chemnitz des semaines passées, Seehofer a déclaré que l’immigration “est la mère de tous les problèmes” en Allemagne (4), des propos simplistes qui semblent conçus pour singer le discours extrémiste de l’AfD.

Markus Söder semble cependant avoir acté l’échec de la stratégie d’escalade de son prédécesseur (2) et tente désormais de se présenter comme une figure paternelle et bienveillante à même de réunir un Land divisé, en soulignant un bilan flatteur. Économiquement et financièrement, le Land se porte comme un charme, tire la croissance allemande vers le haut, verse inlassablement des fonds pour les Länder de l’Est, et attire des entreprises et des travailleurs venus de toute l’Europe. Mais la Bavière paie en quelque sorte la rançon du succès : inflation du foncier et des loyers, étalement urbain, infrastructures de santé, d’éducation et de transports sous la pression d’une croissance permanente. Ce sont seulement des sujets régionaux qui sont évoqués sous les traditionnels Bierzelten, ces chapiteaux de campagne qui réunissent la passion du houblon et de la politique.

Alors que le bavarois Manfred Weber a officialisé sa candidature pour le poste de président de la Commission, une débâcle électorale de la CSU le mois prochain pourrait peser dans la campagne interne au PPE qui s’annonce. Les chrétiens-sociaux se voient volontiers comme un pivot dans la recomposition des droites européennes, entre Angela Merkel, Sebastian Kurz et Viktor Orban. Mais une coalition forcée avec un autre parti (et à fortiori avec l’AfD) sonnerait comme l’échec d’un an de campagne acharnée pour placer un petit parti régional au coeur des rapports de force émergents en Europe.

Perspectives :

  • 14 octobre 2018 : élections du Landtag de Bavière (scrutin proportionnel).
  • 7-8 novembre 2018 : Congrès du PPE à Helsinki devant acter la nomination d’un candidat à la présidence de la Commission.

Sources :

  1. CDU und CSU : Darüber streiten Horst Seehofer und Angela Merkel, Der Spiegel, 02/07/2018.
  2. OTTO, Ferdinand, “Markus Söder : Verwandlungskünstler in der Krise”, Die Zeit, 14/08/2018.
  3. Umfragen zur Landtagswahl Bayern 2018 : CSU ohne eigene Mehrheit, Merkur, 07/09/2018.
  4. Seehofer nach Chemnitz ‘Mutter aller Probleme ist die Migration’, Welt, 06/09/2018.