Londres. Depuis la publication d’un Livre blanc, dit “accord de Chequers”, au début de l’été, une sortie sans parachute se dessine à l’horizon comme une possibilité concrète. La Première ministre Theresa May semble vouloir adopter une nouvelle approche, plus “individuelle”, afin de convaincre son propre parti et ses partenaires européens de la validité de sa version du Brexit.

Cas par cas au sein du Parti conservateur. Theresa May semble avoir pris acte que le positionnement de son parti sur la question du Brexit n’est pas homogène. Dans l’optique de rallier le plus de consensus possible autour du plan de Chequers, en vue de la conclusion d’un accord au mois d’octobre, elle a adressé aux “Tories” les moins convaincus par son projet une lettre individuelle. Dans cette lettre de trois pages, Theresa May invite les membres du parti au compromis nécessaire pour mener à bien la conclusion d’un accord avec l’Union (5). De son côté, Michel Barnier s’est dit convaincu, début août, que les négociations peuvent aboutir à un bon résultat, tout en maintenant une ligne claire sur la frontière nord-irlandaise et en rappelant que l’Union “a proposé un accord de libre-échange sans droits de douane et sans restrictions quantitatives pour les marchandises” (1). Le Parti conservateur parviendra-t-il à dépasser ses divisions ? Pour l’instant, le Livre blanc proposé par Mme May – qui prévoit la création d’une zone de libre-échange avec un ensemble de “règles communes” pour les biens industriels et les produits agricoles – a provoqué la démission de deux ministres et l’opposition des “hard Brexiters”.

Cas par cas à l’international. Début août, la Première ministre s’est rendue au Fort de Brégançon, la résidence de villégiature du président Macron, où les deux dirigeants ont discuté du Brexit de façon informelle (3). La tentation est grande, à Londres, de vouloir dialoguer séparément avec les leaders européens afin de faire valoir les raisons britanniques et atténuer la rigueur de la Commission européenne. Mais le négociateur de l’Union, Michel Barnier, la veille de la visite de Mme May à Brégançon, a rappelé que jusqu’ici l’unité des Européens a été sans failles sur ce dossier et qu’il en va des règles mêmes de fonctionnement de l’Union. Une façon de retenir les dirigeants européens, notamment M. Macron et Mme Merkel, face à toute tentation de compromis.

Une sortie sans accord provoquerait des effets immédiats de l’autre côté de la Manche. Le poids d’un “Brexit dur” sur les entreprises françaises reste à établir, mais le prix à payer risque d’être élevé, à cause des tarifs douaniers, si le Royaume-Uni doit se conformer aux règles de l’OMC (2). Il est tout aussi vrai que des banques et entreprises britanniques pourraient envisager de déménager outre-Manche. C’est ce que certains groupes ont commencé à faire. La semaine dernière, la banque HSBC a transféré ses branches irlandaises et polonaises de Londres à Paris (6).

Après sa rencontre avec Theresa May, Emmanuel Macron a fait le point avec la Chancelière allemande sur les dossiers européens de la rentrée, parmi lesquels le Brexit figure au premier plan (7). Un sommet européen informel, prévu le 20 septembre, sera l’occasion pour la Première ministre britannique de défendre son plan de divorce auprès des 27 partenaires de l’Union (4).

Perspectives :

  • Le sommet informel du 20 septembre, prévu à Salzbourg par la présidence autrichienne de l’Union, est le prochain moment-clé du Brexit et sera déterminant pour les plans de Theresa May.
  • Octobre 2018 : date prévue pour une version définitive de l’accord de retrait.

Sources :

  1. ELGOT Jessica, May letter aims to rally grassroots Tories to Chequers Brexit plan, The Guardian, 8 août 2018.
  2. Emmanuel Macron reçoit Theresa May à Brégançon pour parler Brexit, Huffington Post, 3 août 2018.
  3. MOUKANAS Hanna, Brexit. “Les entreprises françaises doivent se préparer tout de suite”, Ouest-France, interview réalisée par Thomas Moysan, 5 août 2018.
  4. Brexit on agenda for September EU leader’s meeting in Salzburg : Britain, Reuters, 28 juillet 2018.
  5. Barnier espère un « partenariat ambitieux » avec Londres après le Brexit, Reuters, 2 août 2018.
  6. Macron et Merkel font le point sur les dossiers européens, Reuters, 10 août 2018.
  7. WHITE Lawrence, HSBC shifts European branches to French unit control ahead of Brexit, Reuters, 8 août 2018.