Rome. L’été italien est enflammé par la résurgence des guerres culturelles. Une discussion a eu lieu sur un projet de loi (DDL) présenté par Barbara Saltamarini, membre de la Ligue, le 26 mars, quelques jours après l’installation des Chambres, et que l’on pouvait lire depuis quelques jours sur le site internet de la Chambre des députés. Le texte propose d’afficher le crucifix dans tous les bureaux publics, tels que les écoles, les salles d’audience, les ports et les gares, sous peine d’une amende de 1000 euros (1).

Les critiques se concentrent sur les raisons d’une telle démarche : en effet, Barbara Saltamarini définit le crucifix comme “un symbole de la civilisation et de la culture chrétienne, dans ses racines historiques, considérée comme une valeur universelle, indépendamment d’une confession religieuse spécifique ». « Respecter les minorités ne signifie pas renoncer, délégitimer ou changer les symboles et les valeurs qui font partie intégrante de notre histoire, de notre culture et de nos traditions « , a déclaré Saltamarini (4).

Les paroles de la députée montrent que la proposition n’est pas seulement une boutade de propagande : il s’agit plutôt d’un autre épisode dans lequel le catholicisme est redécouvert comme instrument politique pour les « guerres culturelles » menées avec vigueur par le nouveau courant identitaire et nationaliste de la Ligue. Son leader, Matteo Salvini, se réfère souvent à sa foi catholique et au message de l’Évangile pour justifier ses positions (2). Dans ce contexte, le crucifix devient un symbole politique et un symbole de redécouverte d’une tradition chrétienne présumée en opposition à la laïcité ou au multiculturalisme : « une banalisation », dit Matteo Matzuzzi, journaliste de Il Foglio. « C’est l’ostentation inutile d’un symbole utilisé dans les guerres politiques qui empiètent inévitablement sur la banalisation idéologique de ce que ce signe représente pour ceux qui ont la foi » (6).

En effet, certaines des critiques les plus sévères à l’égard du projet de loi et de Salvini lui-même provenaient de la galaxie catholique italienne. En particulier, l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana a publié une couverture dont le titre est « Vade Retro Salvini », comparant le leader de la Ligue à Satan (3). « Rien de personnel, il s’agit de l’Évangile », expliquent-ils dans l’éditorial de l’hebdomadaire ; « La CEI (Conférence épiscopale italienne), les évêques individuels, les initiatives des religieux. L’Église réagit aux tons agressifs du ministre de l’Intérieur », dans une tentative des catholiques italiens de s’éloigner d’une interprétation politique et restrictive du message évangélique.

Quoi qu’il en soit, ce ne sont que les premiers signes d’un affrontement politique qui se poursuivra même après l’été. Les questions religieuses et identitaires seront probablement de plus en plus centrales dans les mois à venir, alors que la campagne se prépare pour les prochaines élections européennes : dans un monde de plus en plus laïc, la prochaine bataille politique sera pour la conquête des âmes.

Perspectives :

  • Les positions traditionalistes et identitaires de la Ligue ne sont pas isolées dans le panorama italien : elles sont liées à la stratégie européenne plus large des mouvements conservateurs pour créer une nouvelle Europe basée sur les valeurs catholiques, comme l’a déclaré Orban dans son récent discours (5).
  • Pour cette raison, il sera fondamental de suivre les questions transnationales qui émergeront au cours de la campagne électorale pour les Européens : une bonne partie de la confrontation dépendra de la capacité des partis nationalistes à maintenir un projet commun pour une « nouvelle Europe ».

Sources :

  1. Camera dei deputati, Proposta di legge n. 387
    , 26 mars 2018.
  2. Salvini con il rosario, il richiamo dell’arcivescovo di Milano Delpini : “Nei comizi si parli di politica”, Corriere della Sera, 26 février 2018.
  3. Famiglia Cristiana, “Vade Retro Salvini””, la chiesa reagisce a certi toni sprezzanti, 25 juillet 2018.
  4. Crocifisso obbligatorio nelle scuole e nei porti : la proposta della Lega scatena il dibattito, Huffington Post, 25 juillet 2018.
  5. La doctrine d’Orban, Le Grand Continent, 21 juin 2018.
  6. MATZUZZI Matteo, L’inutile ostentazione ideologica del crocifisso, Il Foglio, 25 juillet 2018.