Johannesburg. « L’évolution des événements en Syrie, tant à Tal Rifaat qu’à Manbij, ne va pas dans la direction souhaitée », a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdoğan le 25 juillet dernier, lors d’une conférence de presse tenue à Ankara avant sa visite à Johannesburg (1), où s’est tenu le sommet des Brics. Au contraire, les seuls endroits où les événements « vont dans la direction souhaitée », a dit le chef d’Ankara, « sont l’Afrin, Jarablus et al-Bab », c’est-à-dire les zones actuellement sous contrôle turc après l’opération « Olive Branch », lancée le 20 janvier et achevée le 18 mars, menée par l’armée turque avec l’armée syrienne libre. « Ce que nous voulons – dit Erdoğan – c’est que le peuple syrien soit protégé contre les attaques brutales ». La situation en Syrie continue de poser de nombreux problèmes et suscite un vif intérêt de la part du président Vladimir Poutine.

Le mois dernier, le régime syrien – avec l’appui de l’armée de l’air russe – a lancé une opération militaire majeure à Daraa (2), assurant ainsi le contrôle de la plus grande partie de la frontière syrienne avec la Jordanie. À la fin de l’opération, environ 350 000 civils ont fui Daraa, entassés dans des zones proches de la frontière (3).

Pour Erdoğan, ce sont les Accords d’Astana (4), le plan de cessez-le-feu entre les groupes rebelles et les forces combattant au nom du gouvernement de Bachar al-Assad, qui sont en danger, ainsi que l’organisation des quatre zones dites de désescalade dans des zones principalement gardées par l’opposition du pays, avec la garantie de la Russie, la Turquie et l’Iran. Pourtant, avec le temps, Idlib (également une zone de conflit en désescalade) est devenue la seule province entièrement contrôlée par les rebelles : une éventuelle attaque du régime syrien fait craindre une énorme migration vers le nord de la Turquie.

Perspectives :

  • L’inquiétude d’Ankara reprend le ton de la question migratoire, en appuyant sur la situation précaire d’Idlib : si la ville était attaquée, une migration massive vers la Turquie pourrait se produire. Depuis le 19 juillet, des milliers de résidents ont été évacués des deux villages de Kafraya et de Fuaa, les deux dernières zones contrôlées par des groupes armés pro-régime. Le transfert des habitants du village sur le territoire du gouvernement faisait partie d’un accord conclu le 17 juillet entre la Russie et la Turquie.
  • Dans le contexte des tensions entre l’Iran (un autre garant de l’accord d’Astana) et les États-Unis, Erdoğan, commentant les sanctions américaines contre l’Iran, a déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce que Washington fasse « un faux pas » sur la question. Le président turc, en effet, s’était prononcé contre la mise en discussion (voire la rupture) des liens économiques avec l’Iran, alors que les Etats-Unis s’attendaient à des sanctions. L’Iran est en effet un partenaire stratégique pour Erdoğan, même s’il n’a pas les moyens de s’opposer frontalement aux États-Unis. Pour le président turc, cependant, la question se pose sur le long terme, et le problème, entre autres, est aussi : « qui va chauffer mon pays pendant l’hiver ? ».

Sources :

  1. 10th Brics summit, Site officiel.
  2. Al Jazeera, Syria’s ‘de-escalation zones’ explained, 4 juillet 2017.
  3. AUSAF Syed Tausief, Daraa battle : Russia, Assad forces unleash heavy airstrikes as talks bog down, ArabNews, 5 juillet 2018.
  4. BBC, Syria War : UN seeks inquiry into ‘Russian’ Idlib air strikes, 11 juin 2018.