En janvier 2017, un nouveau parti politique, dirigé par le jeune juriste András Fekete Győr, apparaît sur la scène politique hongroise : le Momentum Mozgalom (MoMo). Ce parti cherche à renouveler la vie politique hongroise et à dépasser les clivages gauche-droite.
Le Momentum devient connu à l’échelle nationale et européenne lors de sa campagne « NOlimpia » dont le but est de pousser le gouvernement à retirer la candidature de Budapest comme ville organisatrice des Jeux Olympiques d’été 2024. D’après les dirigeants du Momentum, l’obtention du droit d’organisation des JO entraînerait une crise financière irrémédiable pour la Hongrie. De plus, sous prétexte de cette organisation l’élite politique pourrait s’emparer – sans aucune transparence – des fonds dédiés à la construction des établissements sportifs pour les jeux. Dès lors, au printemps 2017, le MoMo commence à recueillir les signatures pour réclamer un référendum municipal quant à l’organisation des JO 2024.
Les 266 000 signatures recueillies, suffisantes pour organiser un référendum, et la polémique de plus en plus importante suscitée par le sujet, contraignent le gouvernement du Premier ministre Viktor Orbán à faire marche arrière et à retirer la candidature de Budapest.
À la suite de ce succès important, le Momentum décide de présenter des candidats aux élections législatives d’avril 2018. Ces élections seront décisives quant à l’avenir de la Hongrie et de sa position au sein de l’Union européenne. Dans le cadre de ces scrutins, le Momentum cherche à concurrencer le Fidesz et son dirigeant populiste, le conservateur Viktor Orbán qui est au pouvoir depuis 2010 en tenant deux tiers des sièges au Parlement.
Quelques semaines avant les élections législatives d’avril 2018, nous avions rencontré le porte-parole du Momentum, Miklós Hajnal, afin de mieux comprendre la ligne directrice et les aspirations de leur parti.
Au lendemain des élections municipales en Hongrie, comprendre le Momentum est plus que jamais nécessaire.
Si vous deviez formuler votre devise politique en quelques mots pour qu’elle tienne sur une boîte d’allumettes, quelle serait-elle ?
En quelques mots ce serait difficile, mais je vais essayer d’être synthétique. Notre but est de faire un grand ménage politique. Nous représentons une génération politique nouvelle qui cherche à aboutir à des changements opérationnels dans notre système politique actuel. Il faut oser toucher aux domaines qui n’ont jamais été réformés afin de créer un régime stable et un consensus social qui ne s’effondre pas tous les quatre ans suite aux élections législatives.
Parlons alors plus concrètement des élections. Sur les 106 circonscriptions électorales, dans combien pourrez-vous présenter un candidat individuel ? Pensez-vous parvenir également à faire une liste électorale nationale ? Avez-vous une chance réelle de dépasser le seuil d’entrée au Parlement, qui est de 5 % ?
Je répondrais oui aux deux questions. Nous aurons des candidats individuels dans toutes les 106 circonscriptions et pour le moment nous pensons que la plupart de ces candidats seront sur notre liste électorale nationale.
En ce qui concerne le seuil de 5 %, je trouve que c’est tout à fait faisable. Néanmoins, en ce moment il est impossible de prévoir le pourcentage exact que l’on pourrait obtenir.
Au cours des élections envisagez-vous de créer une alliance électorale avec certains partis pour nommer des candidats communs ?
Non. Nous ne voyons pas l’utilité d’entrer dans une alliance électorale. Cependant nous trouvons qu’une certaine coopération au cours de la campagne peut être envisageable et utile pour les différents partis.
Concernant votre base électorale à l’échelle nationale, dans quelles régions pouvez-vous déjà établir une base solide ?
En premier lieu, je dirais Budapest, mais bien évidemment Budapest ne suffit pas pour obtenir un bon résultat. Dans certains chefs lieux et villes universitaires nous sommes très forts, comme à Szeged ou à Debrecen. Nous avons également une base solide dans la région de la Grande Plaine méridionale (Békéscsaba). En revanche, dans le Nord-Est et l’Est de la Hongrie, c’est une autre histoire : dans les micro-communes (3 000-5 000 habitants) de cette région c’est le parti d’extrême droite – le Jobbik – qui est le plus populaire. On n’a pas pu établir un canal de communication avec les habitants de ces micro-communes qui se trouvaient spatialement très éloignées les unes des autres. Dès lors, les clivages qu’on observe actuellement ne sont pas entre la campagne et Budapest mais plutôt entre les villes et les villages.
Quittons maintenant le territoire national et parlons de votre base électorale au sein d’une part la diaspora hongroise – c’est-à-dire des Hongrois émigrés – et d’autre part des Hongrois d’outre-frontières : ceux qui vivent en Roumanie (Transilvanie), en Ukraine (Oblast de Transcarpatie) ou encore en Slovaquie (Feldivék) et en Serbie (Vajdaság). Vous les ciblez avec votre campagne ?
Dès le début, on a mis un accent particulier sur cette question et on cherche à établir des liens réels avec ces Hongrois. En ce qui concerne les Hongrois d’outre-frontières, jusqu’ici il n’y avait que le Fidesz qui s’occupait d’eux et visait à gagner leur voix. Quant à la diaspora, c’est un peu différent car presque tous les partis aspirent à obtenir leur vote mais sans disposer pour autant d’une installation principale dans les pays concernés, notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne. Nous, au contraire, nous avons des installations dans quatre villes allemandes, par exemple. Ce que les autres partis font à l’étranger pour gagner la sympathie de la diaspora, je le définirais comme un « show business » et pas un travail réel sur l’établissement de liens véritables avec ces gens.
En ce qui concerne le profil socio-professionnel de vos partisans et de vos électeurs, comment le décririez-vous ?
En ce qui concerne la tranche d’âge de nos partisans, ce sont plutôt les jeunes qui sympathisent avec nous, mais pas que. L’âge moyen de nos partisans est passé de 26 ans à 35 ans. Il n’y a pas d’âge limite. Notre candidat le plus âgé a 84 ans.
Pourtant, nous visons principalement les jeunes électeurs. Nous pensons qu’il y a un potentiel très significatif dans la jeunesse, qui n’est pas encore très active politiquement. Ainsi l’une de nos priorités est de politiser les jeunes et de communiquer avec eux d’une manière efficace.
En ce qui concerne le profil et l’attitude politique de nos sympathisants, d’une part, ils sont plutôt de ceux qui ont encore confiance dans les nouveaux partis politiques qui n’ont jamais gouverné ou même qui n’ont jamais obtenu un siège au Parlement (les électeurs « protest »). D’autre part, nos sympathisants sont aussi des électeurs ayant une certaine sensibilité sociale et qui votent traditionnellement plutôt pour les partis libéraux de gauche. Je pense que nous avons gagné la sympathie de ce dernier groupe avec notre campagne anticorruption, par exemple. En troisième lieu je voudrais également mentionner qu’il se trouve parmi nos sympathisants des électeurs déçus de droite dont le nombre est considérable. Eux, ils sont des électeurs clés qui votent plus pour le Fidesz.
D’après vous, quels sont les principaux clivages sociaux qui divisent les électeurs ?
Je ne dirais pas qu’il y a des clivages fixes et définitifs vraiment clairs. Ce que je vois, c’est qu’Orbán crée des clivages et joue avec eux comme il veut. Nous avons plutôt des thèmes « fantômes » qui sont créés d’une manière artificielle par le Fidesz. Néanmoins, si je devais identifier un clivage je dirais que c’est la relation de la Hongrie avec l’Occident. On observe, que même si quelqu’un est pro-européen, il n’est pas forcément contre l’« ouverture à l’Est » et l’établissement de liens étroits avec la Russie ou la Chine.
Si vous pouviez réformer le système électoral afin de le rendre plus démocratique quelles seraient vos principales propositions ?
En premier lieu nous voudrions un président de la République directement élu par les citoyens. Ce Président nommerait par la suite trois de neuf magistrats de la Cour constitutionnelle. De ce fait, nous imaginons un régime semi-présidentiel à la place de notre régime actuel ou le Président a uniquement un rôle symbolique.
En deuxième lieu nous aimerions créer un poste de candidat individuel pour la Transylvanie, car actuellement la minorité hongroise peut uniquement voter sur la liste électorale nationale mais n’a pas de candidat individuel.
Finalement, en troisième lieu, il serait nécessaire de modifier la loi sur le financement des partis politiques dont le contenu est devenu archaïque et dépassé. Personne n’a touché à cette loi depuis le changement de régime en 1989.
Passons enfin de l’échelle nationale à l’échelle européenne. Le Momentum voudrait-il de se présenter aux élections du Parlement européen de 2019 ? Au sein de quel groupe politique envisage-t-il de siéger ?
Il est facile à répondre à votre première question : oui, c’est sûr et certain que nous participerons aux élections de 2019. Cependant, j’ai du mal à répondre à votre deuxième question, car cela n’a pas encore été décidé au sein du Momentum. Je n’ai dès lors pas de réponse définitive. Nous sommes face à un certain certain dilemme. Peut-être que nous siégerons dans l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe ou dans le PPE. Pourtant, étant donné que le Fidesz fait également partie du PPE, cela ne serait pas forcément une bonne idée ni politiquement acceptable au niveau national.
Par ailleurs, à quel point vos liens avec les partis politiques étrangers et notamment avec la « République en Marche » sont-ils forts et vos contacts réguliers ?
Nous trouvons l’activité de Monsieur Macron et de son parti très sympathique. Malheureusement en Hongrie nous n’avons pas un Macron. Je trouve que le message principal du succès d’En Marche est l’espoir : on peut remarquer certaines similarités avec la première campagne d’Obama. Cependant, comme la Hongrie n’est pas un régime présidentiel, on ne peut pas copier le même modèle. La victoire de Macron nous a montré qu’on peut mener une politique centriste sympathique pour les citoyens.
Et en ce qui concerne la régularité des liens entre le Momentum et la République en Marche, je dirais qu’on est en contact mensuel.
Souhaitez-vous participer aux Conventions démocratiques d’Emmanuel Macron ?
Théoriquement, oui. Cependant, pour le moment nous n’avons pas de plan avec des étapes pratiques.
Finalement, la dernière question, plus populaire que les précédentes. Pourquoi avoir choisi le pourpre comme couleur ?
On voulait une couleur assez moderne et nouvelle sur la scène politique. Pour nous, le pourpre symbolise le renouveau et le « grand ménage » politique dont nous avons parlé au début de l’entretien.