Doctrines du premier tsar: lettres retrouvées d’Ivan le Terrible

Un prince déchu. Un tsar tyrannique. Un pouvoir qui s’affranchit de toutes les limites. Une joute épistolaire qui finit dans le sang. Pour essayer de comprendre la Russie de Poutine, son dilemme capital entre Europe et Asie, entre Sud et Nord, faut-il rouvrir une mystérieuse archive du XVIe siècle? En accès libre cet été, nous publions et commentons la traduction signée Bernard Marchandier, désormais introuvable, de la correspondance intégrale entre le prince humaniste Andreï Kourbski et Ivan le Terrible, le premier Tsar de toutes les Russies. À la fois traité du Prince et première œuvre littéraire russe, dans les cinq lettres de cet épistolaire deux visions du monde s’affrontent — dans cet agôn, un mythe et une institution se forgent: l’autocratie russe. Saura-t-on y déceler aussi des lignes de fracture et un remède ?

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« Rappelle-toi les jours de ta jeunesse et de ton règne bienheureux ! » : quatrième et cinquième lettres d’Andreï Kourbski à Ivan le Terrible

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« Tu me diffames et calomnies » : deuxième et troisième lettres d’Andreï Kourbski à Ivan le Terrible

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En 1577, fort de ses succès militaires lors de sa nouvelle campagne en Livonie, Ivan le Terrible reprend la plume après un silence de treize ans. Dans cette seconde lettre, le premier tsar lance un acte d’accusation et une justification  : se plaçant en victime, il affirme que d’incessantes oppositions auraient forgé sa sévérité et renforcé sa détermination—et que, pour preuve, Dieu serait à ses côtés.

Cinquième épisode de notre série d’été  :«  Doctrine du premier tsar  : lettres retrouvées d’Ivan le Terrible  »

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Dans la dernière partie de sa première lettre, Ivan le Terrible est encore déchiré entre ses deux hypostases  : le souverain invincible et le bon chrétien. Après avoir tonné et fulminé dans les sections précédentes, le tsar s’acharne désespérément à blanchir son nom et à dévaloriser tous les faits d’armes de Kourbski. Il défend ardemment son autorité légitime, justifiant les châtiments infligés comme nécessaires pour maintenir l’ordre et la justice. Multipliant des citations scripturaires sans fin, il invoque la justice divine, convaincu que ses actions seront sanctifiées par Dieu.

Ivan le Terrible continue son offensive contre le prince Kourbski. La deuxième partie de la lettre nous plonge dans la vie tourmentée du tsar révélant les complots, les trahisons et les luttes de pouvoir qui ont marqué son règne. Ivan lamente ses souffrances depuis son enfance, les attaques des ennemis étrangers et les manigances des boyards qui ont usurpé le pouvoir. À travers ce récit, Ivan justifie ses actions pour défendre et consolider son autorité, en se montrant impitoyable contre ses ennemis.

En juillet 1564, en proie au courroux, Ivan le Terrible envoie une longue lettre de réponse à Andreï Kourbski. Ce texte, devenu un classique, dévoile crûment la logique impitoyable du despote. Saturée de malédictions, d’analogies bibliques et de fioritures linguistiques, cette lettre a un but — justifier le droit absolu de régner sans entrave. Nous la publierons en trois volets.

Deuxième épisode de notre série d’été  : «  Doctrines du premier tsar  : lettres retrouvées d’Ivan le Terrible  » à lire cette semaine dans nos pages.

Mai 1564, en pleine tourmente de la guerre de Livonie, un messager parvient à Moscou. Malgré d’atroces tortures, il meurt sans trahir aucun secret. Sa mission est accomplie  : livrer la première lettre du prince Andreï Kourbski à Ivan le Terrible. C’est ainsi que débute une correspondance qui s’étendra sur quinze années. Dans ces échanges passionnés et féroces, deux visions du monde s’affrontent, deux paradigmes politiques et poétiques s’entrechoquent, jetant les bases écrites de la samoderzhaviye — l’autocratie russe.