Washington/Pékin. Tout au long de l’année 2018 et 2019, l’administration Trump imposait une série de taxes sur des volumes d’importations chinoises. A la fin 2019, ce sont deux tiers des importations chinoises qui sont sous le coup des sanctions américaines1. Après 18 mois de tensions commerciales, l’administration américaine conviait le 15 janvier à Washington la partie chinoise pour signer une trêve sous la forme d’un document de 86 pages qui n’a pas rang de traité commercial2. Le président chinois, absent, était représenté par Liu He, vice-premier ministre, un économiste formé à Seton Hall et Harvard (entre autres), homme clef du dossier sino-américain3.

L’accord permettrait de doubler les exportations américaines sur deux ans à destination du rival chinois : près de 80 milliards de dollars de produits agricoles (soja, blé, viande de porc – suite à la profonde crise porcine chinoise, viande de poulet) ; 80 milliards de biens manufacturés (avions, automobiles, appareils médicaux, machines agricoles) et 50 milliards de produits chimiques et d’hydrocarbures4. Si l’accord prévoit une série de mesures de contrôle d’application et de suivi, il est difficile de déterminer si la Chine appliquera à la lettre ces mesures. Les américains s’assureront des moyens de pression, essentiellement par la hausse des droits de douane. Aussi, avec la phase 2 du deal sino-américain, les Etats-Unis veulent que Pékin abandonne ses politiques de subventions des secteurs stratégiques et des transferts de technologies et le respect de la propriété intellectuelle, mais aussi ouvrir davantage son secteur financier et s’abstenir de manipuler sa devise. Sur ces paramètres, qui font la stratégie chinoise, les autorités chinoises ne souhaitent pas s’y soumettre, d’autant que la partie chinoise n’a pas obtenu l’arrêt des sanctions contre Huawei et le retrait des droits de douane sur ses exportations vers les Etats-Unis.

En apparence c’est un triomphe pour Donald Trump en pleine année électorale5. Dans les faits, à travers le renforcement de la guerre commerciale, de l’appareil de renseignement et de la justice, les Etats-Unis visent à freiner voire enrayer les capacités chinoises. Les puces électroniques, les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle et les réseaux informatiques sont les principaux éléments de la rivalité. Cette trêve permettra à la Chine d’accélérer la montée en gamme de ses propres technologies et de limiter au maximum sa dépendance technologique.

Mieux réguler la Chine à l’OMC : un accord tripartite UE, Japon, États-Unis

De l’autre côté de l’Atlantique, l’UE, le Japon et les Etats-Unis se sont réunis à Bruxelles pour signer une déclaration commune visant à intensifier la réforme de l’OMC et rompre progressivement avec les particularités dérogatoires de Pékin. Le trio suggère de monter en puissance la liste des subventions publiques soumises a davantage de contrôle, de redéfinir la notion d’organe public pour exclure les sociétés d’Etat, limiter les transferts de technologie forcées, interdire les garanties illimitées et les subventions à des entreprises insolvables, meilleur filtrage des investissements directes étrangers etc.6. Sans évoquer directement la Chine, cette déclaration vise à déstructurer les habitudes prises par Pékin depuis son adhésion à l’OMC en 2001, une véritable rupture dans le commerce international, préfigurant une nouvelle dynamique mondiale.7

En écho au revirement de l’Union, qualifiant la Chine de « rival systémique » au printemps 2019, cette déclaration est le fruit de plusieurs mois de négociations entre les pôles de la « Triade » des années 1990, avant l’arrivée de la Chine comme grand concurrent commercial et stratégique. Est-ce que la montée en puissance de la Chine, l’autoritarisme renforcé de son régime et la duplicité dans le respect des règles du commerce feront-ils se solidifier un front commun lui étant opposé ? La réunion du mercredi 15 janvier à Bruxelles est bien la preuve qu’un terrain d’entente transatlantique sur le commerce international peut se forger. Espérons qu’un retour du multilatéralisme (année électorale américaine mise de côté !) dépasse cet accord très important porté par les institutions européennes.