Washington. Le discours sur l’état de l’Union prononcé par M. Trump au Congrès hier, mardi 5 février, est un événement remarquable qui mérite une analyse approfondie l’année où le président est réélu. Si le discours ne plaît peut-être pas à beaucoup de commentateurs, il a un aspect stratégiquement positif pour les longs mois à venir : il présente un récit fortement partisan mais cohérent qui, d’une part, rend ses électeurs heureux et renforce la base électorale, mais qui, surtout, pour l’instant, fait cruellement défaut à l’opposition démocratique.1 Un récit qui est fondé sur les points suivants :

  1. Alors que l’emploi et le PIB sont en plein essor, le pays est menacé par le socialisme : les démocrates sont trop à gauche sur la culture, l’économie et l’immigration et, comme le montre le chaos des primaires de l’Iowa, ils ne savent même pas compter2 ;
  2. Pas même un soupçon de changement climatique ou de mise en accusation dans le cadre de la procédure d’impeachment, dont il sera acquitté aujourd’hui au Sénat3 ;
  3. La formule gagnante avec laquelle il se présente aux électeurs est un mélange de libéralisme économique corrigé par un peu de protectionnisme populiste, une baisse des impôts pour les classes supérieures et une déréglementation pour les multinationales alternant avec un certain interventionnisme « keynésien » sur la monnaie et l’industrie, un retrait progressif des théâtres de guerre sans renoncer à l’impérialisme et un néoconservatisme post-libéral contre les dangers du modernisme de gauche ;
  4. Autres succès épars : la réintroduction de la fierté protestante dans les écoles ; la lutte contre l’avortement ; la défense des armes à feu ; la lutte contre l’islamisme radical à Cuba et au Venezuela ; le plan de paix final au Moyen-Orient et le pillage des Coréens ; l’assassinat d’al-Baghdadi et du général Soleimani ; l’indignation contre les « villes sanctuaires » cosmopolites et la vantardise du « mur long, haut et très puissant ».

Entre-temps, les sondages donnent sa popularité à 49 % (un record depuis son élection), 50 % des personnes interrogées désapprouvant son travail et seulement 1 % ne s’exprimant pas4. Le Parti républicain est granitiquement compact derrière lui, ce qui constitue un cas d’insurrection presque bolchevique qui a réussi à hégémoniser un groupe au pouvoir (le contraire de ce qui arrive à Sanders avec les démocrates) et atteint 51 % d’approbation (le plus haut niveau depuis 2005).

Lors des prochaines élections présidentielles, une nation divisée exactement en deux se présentera aux urnes. Pour l’instant, une moitié est fermement entre les mains de Trump, l’autre est encore à mi-chemin du gué.

Perspectives :

  • 11 février : Primaires en New Hampshire
  • 3 mars : Super Tuesday 2020
Sources
  1. HARRIS John F., The strangest State of the Union ever, Politico, 5 février 2020
  2. MORRISON Sara, The Iowa caucus smartphone app disaster, explained, Recode, 4 février 2020
  3. Live impeachment trial updates : Senate votes on articles of impeachment against Trump, CNBC, 5 février 2020
  4. JONES Jeffrey M., Trump Job Approval at Personal Best 49 %, Gallup, 4 février 2020