La Paz. Aujourd’hui, 20 octobre, se tient le premier tour des élections présidentielles boliviennes, la neuvième depuis le retour du régime démocratique à la tête du pays en 1982 et la quatrième depuis que le président Evo Morales est arrivé au pouvoir le 22 janvier 2006.

D’après les derniers sondages, trois principales forces politiques se font face pour ce nouveau scrutin : le MAS d’Evo Morales, la Comunidad Ciudadana (CC), de tendance centre-droite et dirigée par l’ancien président Carlos Mesa (2003 – 2005), et Bolivia Dice No (BDN) avec le sénateur de droite Oscar Ortiz comme tête de liste. Cependant, au cours de ces dernières semaines, le sursaut du Parti Démocrate Chrétien (PDC) place le pasteur évangélique conservateur, Chi Hyun Chung, en position de disputer la troisième place. Cinq autres partis politiques participent également aux élections, mais ceux-ci sont crédités d’une intention de vote inférieure à 3 %. 

Cette élection est avant tout marquée par la controverse de la candidature d’Evo Morales 1. Alors que le 21 février 2016, 51,3 % des électeurs avaient voté contre la modification de l’article 168 de la Constitution bolivienne, qui fixe la limite à une seule réélection présidentielle, le Tribunal Constitutionnel Bolivien a finalement autorisé l’actuel président à participer aux élections. En faisant appel à l’article 13 de la Convention Interaméricaine des droits de l’homme, selon lequel tous les citoyens ont le droit « d’élire et d’être élus », le Tribunal a interprété que la limitation des mandats constitue une atteinte au droit de participer librement aux élections. Le rejet des résultats du référendum du 21 février a provoqué une vague de protestations et a redonné force à l’opposition. 

L’ancien président Carlos Mesa est à la tête d’une alliance (CC) soutenue par deux partis politiques, le Frente Revolucionario de Izquierda (FRI) et Soberanía y Libertad por Bolivia (SOL.bo) Pour rappel, Carlos Mesa était devenu président en octobre 2003, après une série de protestations sociales qui s’étaient traduites par la démission du président Gonzalo Sánchez de Lozada. La complexité du contexte politique et social, ainsi que l’ingouvernabilité, avaient poussé Mesa à démissionner en juin 2005. 

Le sénateur Oscar Ortiz, candidat de l’alliance Bolivia Dice No qui se regroupe autour du Mouvement Démocrate Social, compte sur sa base régionale, ancrée à Santa Cruz, pôle économique du pays, et sur la mobilisation autour d’un discours qui préconise la défense du résultat du référendum du 21 février. 

Les programmes gouvernementaux des trois forces politiques majeures, le MAS, la CC et BDN, ne proposent pas de changements substantiels des politiques publiques suivies jusqu’ici. En économie, le MAS se vante du succès des treize dernières années en affirmant qu’il est le seul parti capable d’assurer la croissance et le progrès économique. Les partis CC et BDN proposent quant à eux une lecture différente, en exprimant leur volonté de travailler davantage avec le secteur privé, sans pour autant négliger la fonction redistributive de l’État. Si les partis d’opposition accusent le parti au pouvoir d’avoir négligé la santé publique au cours des treize dernières années et proposent l’accroissement de l’investissement dans ce secteur, les discours plus largement mobilisés par l’opposition lors de campagne sont axés autour de la lutte contre la corruption. De nombreux cas de corruption ont été révélés ces dernières années, impliquant des personnalités du parti au pouvoir. 

Alors que les sondages placent l’actuel président Morales largement en tête, il reste à savoir si cette différence sera suffisante pour éviter un deuxième tour. La loi électorale bolivienne établit que pour gagner au premier tour, il suffit d’obtenir 40 % des voix avec une différence de dix points de pourcentage avec le deuxième candidat. C’est cette différence qui explique l’effort d’un bon nombre de dirigeants de l’opposition pour concentrer les suffrages derrière Carlos Mesa. En cas d’un deuxième tour entre Morales et Mesa, le candidat de Comunidad Ciudadana est donné favori par les derniers sondages. 

Perspectives :

  • Une forte participation est attendue, la Bolivie se classant parmi les pays dont les taux de participation de ses électeurs sont les plus élevés du continent, avec des pourcentages de l’ordre de 80 %.
Sources
  1. DESBARRES Anne-Priscille, DESBARRES Guillaume, Evo Morales et le moralismo : entre phénomène politique et mutations socio-économiques durables en Bolivie, Le Grand Continent, 19 octobre 2019