En Saxe, une configuration inédite et le record de l’AfD
Dresde. L’AfD n’est finalement pas parvenue à devenir le premier parti de Saxe. D’après les résultats provisoires, la CDU du ministre-président Michael Kretschmer obtient 32,1 % des suffrages et l’AfD 27,5 %, soit le meilleur résultat du parti lors d’un scrutin régional. Les sociaux-démocrates, jusque-là partenaires de coalition de la CDU, n’atteignent que 7,8 % des voix – leur pire score dans l’histoire de la République fédérale. Le parti de gauche radicale Die Linke, qui jouait naguère encore un rôle majeur dans l’Est du pays, n’atteint que 10,4 %, alors que les libéraux de la FDP échouent aux portes du Parlement (4,5 %). Les Verts ne réussissent pas à capitaliser sur leurs bons résultats lors des dernières élections régionales et européennes, et n’obtiennent que 8,6 %.
La seule coalition vraisemblable réunit la CDU, la SPD et les Verts – la CDU ayant exclu formellement tout accord avec l’AfD ou Die Linke. Ce serait la deuxième coalition « kenyane » à voir le jour, après celle qui gouverne actuellement en Saxe-Anhalt, et une preuve supplémentaire que les coalitions à trois pourraient bientôt devenir la norme. La comparaison avec les dernières élections fédérales est particulièrement éloquente : la CDU et les Verts ont fortement amélioré leur résultat (de 26,9 % à 32,1 % et de 4,6 % à 8,6 % respectivement) ; la SPD, mais surtout Die Linke et le FDP ont subi une baisse importante. Seule l’AfD a obtenu un nombre de voix essentiellement inchangé. On a pu un temps penser que le verdict du tribunal constitutionnel de Leipzig, qui n’avait validé que les 30 premiers noms de la liste électorale déposée par le parti en raison de manquements formels, aurait pu le pénaliser, lui faisant perdre jusqu’à 8 des 38 sièges qu’elle a finalement reçus. Arrivant en tête dans 15 circonscriptions sur 60, l’AfD a cependant reçu autant de sièges directs, et ne devrait pas souffrir de ces manquements.
Au soir de l’élection, le soulagement domine : l’AfD n’est pas parvenu à devenir le premier parti de la région. Ce résultat un peu moins mauvais que prévu passe pour un demi-succès. Les membres de la Grande coalition berlinoise respirent – la fin prématurée de l’alliance gouvernementale entre CDU et SPD au niveau fédéral semble pour le moment exclue.
Autre enseignement de cette soirée électorale : la proximité de l’AfD saxonne avec les milieux d’extrême-droite ne semble pas l’avoir desservie – au contraire. Le gouvernement régional sortant n’a plus de majorité. L’espoir pourrait venir de la participation en hausse ; on aura rarement vu un Land de l’Est aussi politisé. Les résultats historiques de l’AfD dans ce contexte suggèrent cependant que la mobilisation d’un nouvel électorat a en fait profité massivement au parti néo-nationaliste, dont le nombre d’électeurs a pratiquement quadruplé depuis 2014
Au Brandebourg, une coalition élargie à gauche
Potsdam. Dans le Brandebourg également, la coalition de deux partis (SPD – Linke) actuellement au pouvoir est en passe de vaciller. Le ministre-président Woidke (SPD) devrait pouvoir se maintenir à son poste malgré les pertes de son parti (26,2 %, -5,7pp), mais son alliance gouvernementale avec Die Linke, fortement affaiblie (10,7 %, -7,9pp) ne suffira plus pour atteindre la majorité absolue au parlement régional. Les Verts apparaissent comme un troisième partenaire naturel, établissant avec 10,8 % (+4,6pp) un record dans les Länder de l’Est. La coalition rouge-rouge-verte qui en résulterait, menée par la SPD, devrait disposer d’une majorité étroite. Une majorité plus large pourrait être obtenue grâce à une alliance à trois entre SPD, CDU et Verts (coalition kenyane), cependant à peine évoquée au vue des plus grandes proximités de fond entre les trois partis de gauche et du centre.
Au vu des résultats décevants de la CDU (15,6 %, -7,4pp), c’est l’AfD qui constituera la plus grande force d’opposition, doublant presque son score à 23,5 % (+11,3pp). Tandis que la FDP échoue à entrer au Landtag (4,1 %, +2,6pp), les « Mouvements citoyens unis du Brandebourg », branche locale des « Électeurs libres » et de tendance conservatrice, réussissent une percée à 5,0 % (+2,3 %). Les 88 sièges seront répartis parmi les même 6 partis qui étaient déjà représentés au Parlement lors de la législature précédente.
À plus d’un titre, l’issue de l’élection brandebourgeoise est moins révolutionnaire que celle de sa consoeur saxonne. Toutefois, elle confirme clairement une tendance commune à tout l’Est du pays : le parti de masse autrefois dominant (ici la SPD) conserve une avance ténue sur l’AfD ; le deuxième ancien parti de masse (ici la CDU) perd du terrain ; les Verts améliorent leurs positions pour atteindre de l’ordre de 10 % des voix ; enfin les anciennes alliances gouvernementales de deux partis deviennent, par nécessité, des coalitions à trois.