Berlin. Trois mois après la démission de la présidente du SPD Andrea Nahles (15ème présidente en 19 ans), les candidats ne se bousculent pas pour la présidence du parti. Jadis « le plus beau poste, outre celui du pape » comme le décrivait l’ex-président Münthefering, être chef du SPD a perdu en attractivité tout autant que le parti a perdu d’électeurs (actuellement à 13-15 % dans les sondages). L’exercice s’annonce difficile.

Compte tenu de l’ampleur et l’importance de la tâche, la quasi absence de candidats de grande notoriété surprend, voire inquiète, de nombreux observateurs et militants. En effet, tous les ministres, sauf un (Olaf Scholz), ont refusé de déposer leur candidature, et ceci même de la part de Kevin Kühnert, chef des jeunes socialistes, considéré par certains comme le grand espoir du SPD. Pour un parti jadis à 40 % sous Schröder, seul un tiers des candidats peut prétendre est reconnu par la population, ce qui pourrait expliquer un engouement relatif pour la personnalité de Jan Böhmermann, mauvais élève de la télé et candidat non-accepté, qui pourtant inspire plus de socialisme par ses tweets saritiques que moults des candidats respectables du SPD.1 Cela dit, réel enthousiasme ? Fausse alerte.

À ce jour, peu est clair sur les positions des candidats, et encore moins les chances de réussite de ceux-ci. Il faudra attendre les 23 conférences régionales au cours desquelles les huit duos pourront confronter leurs visions et ambitions pour le SPD pour en savoir plus.2 Cela dit, résumons :

Olaf Scholz et Klara Geywitz. D’orientation conservatrice et plutôt favorable à la Grande Coalition (GroKo). Un sondage (précoce) auprès des membres du SPD place le duo en tête au premier tour avec 26 % d’intentions de vote. Cependant, Scholz co-dirige le SPD par divers biais depuis 2002 et est représentatif de l’ancienne garde à laquelle on reproche l’état actuel du parti. De plus, il est vice-chancelier de la GroKo actuelle, soi-disant « maudite ». Geywitz est relativement inconnue au niveau fédéral. Ses atouts : elle vient de l’Est, est compétente et ressemble plus à un citoyen lambda que Scholz. Cependant, elle vient de perdre sa circonscription aux élections régional du 1er septembre. Une victoire au second tour reste difficile – ainsi que le renouvellement du SPD avec eux.

Petra Köpping et Boris Pistorius. Gauche conservatrice et plutôt favorable à la GroKo. En théorie, une victoire est envisageable. Ils ont de nombreuses expériences gouvernementales (il est ministre de l’Intérieur en Basse-Saxe, elle ministre de l’Intégration en Saxe) sans néanmoins incarner l’establishment du SPD. Köpping dit d’elle-même qu’elle est le visage de l’Est qui manque au SPD, alors que le côté “Law and Order” de Pistorius pourrait rassembler l’aile droite du parti. Ils ont déjà le soutien d’un grand nombre de fonctionnaires du SPD mais n’évoquent pas une vrai renaissance social-démocrate.

Gesinne Schwan et Ralf Stegner. Quoique vétérans du SPD, ils sont peut-être le duo le plus dynamique. Moins intéressés par un SPD traditionnel au pouvoir, ils militent pour un parti de gauche qui aspire à autre chose (dont une alliance avec les verts et la gauche de die Linke). Avec d’un côté l’académicienne et ex-candidate pour la présidence fédérale de l’Allemagne et de l’autre le secrétaire d’état et vice-président fédéral du SPD, le duo Schwan-Stegner savent prendre des responsabilités. Cependant, leur côté intellectuel et leurs positions parfois polarisantes pourraient les isoler.

Nina Scheer et Karl Lauterbach. Pas forcément ceux qui rassembleront le plus de votes, mais ces deux députés expérimentés pourraient marquer des points par leur sérieux, leur vision d’un SPD socialiste, leur souhait d’en finir avec la GroKo et surtout, pour Scheer, par une expertise dans le domaine de l’écologie et l’énergie. Peu à reprocher à ce duo, mais est-ce encore suffisant pour gagner ?

Norbert Walter-Borjans et Saskia Esken. Derniers à être entrés en lice, d’orientation plutôt de gauche et anti-GroKo. L’ex-ministre des finances en Rhénanie du Nord-Westphalie (NRW), connu pour son combat contre l’évasion fiscale, et la parlementaire du Baden-Wüttemberg bénéficient du soutien du président des jeunes socialistes allemand (avantage non négligeable) et celui de la fédération du NRW, plus grande fédération du SPD. Duo à ne pas sous-estimer.

Les trois duos restants, Christina Kampmann et Michael Roth, Simone Lange et Alexander Ahres, ainsi que Hilde Mattheis et Dierk Hirschel, ont des chances de réussites plutôt modérés. Néanmoins, ils diversifient et « rajeunissent » le débat, avec, entre autres, des thèmes comme le rôle des élus locaux au sein du parti et la démocratie participative.

Jusqu’à l’élection mi-octobre, les candidats devront répondre à cinq questions choisies par les membres du parti : quelle réponse pour la crise climatique ; comment faire face aux inégalités de richesse ; quel nouveau profil pour le SPD ; comment sauver les services publics ; et pour qui voulons-nous faire politique ?3 Contrairement aux attentes, le sujet de la Grande Coalition n’a pas été choisi comme l’un des grands thèmes de l’élection. Cependant, la question n’en devient pas moins importante, et risque tout de même d’avoir une influence sur la décision de rompre cette alliance une bonne fois pour toutes lors du congrès du parti début décembre.

L’automne 2019 sera crucial pour le SPD. Au vu des candidats actuels, le combat de ce parti populaire historique est loin d’être gagné, d’autant plus qu’il s’ouvre sur des résultats historiquement faible lors des élections régionales le 1er septembre dans le Brandenburg et en Saxe, ainsi qu’un fiasco électoral possible en Thuringe le 27 octobre. Cependant, après des années d’errance politique, le SPD a aujourd’hui l’opportunité de réellement se poser la question de son identité politique et d’« abolir » son héritage libéral-centriste à la Schröder que tant d’électeurs lui reproche. Peut-être est-il même avantageux que quasi aucun poids lourd du parti soit candidat ? Peut-être s’initiera ainsi une renaissance crédible et fondamentale ? L’automne 2019 nous en dira plus. Il est néanmoins certain, comme l’exprime Kevin Kühnert, qu’« une social-démocratie qui ne dépasse pas les dix pour cent a peu à perdre, mais en réalité, tout à gagner. »4

Perspectives :

  • Rendez-vous à suivre, les 23 conférences régionales au cours desquelles les candidats duos pourront confronter leurs visions et ambitions pour le SPD
  • L’élection des nouveaux présidents de parti se fera lors du congrès du parti début décembre, congrès au cours duquel le SPD décidera aussi de rompre ou poursuivre la Grande Coalition avec le CDU/CSU. De nouvelles élections fédérales pourraient alors avoir lieu début 2020, ce qui menace la présidence allemande de l’Union fin 2020.
Sources
  1. CAPELLAN Frank, Viele Bewerber – kein Favorit. Deutschlandfunk, 28 août 2019.
  2. SAUL Philipp, Diese Kandidaten sind im Rennen, Süddeutsche Zeitung, 28 Août 2019.
  3. SPD, Unsere Fragen an die neue Spitze. Unsere.spd.de, 21 août 2019.
  4. SCHEER Olga, Acht Kandidatenduos und Jan Böhmermann wollen die SPD retten. Neue Zürcher Zeitung, 1 septembre 2019.