Abou Dabi. Le 2 juin The New York Times a fait du bruit avec un article selon lequel « le dirigeant arabe le plus puissant n’est pas MBS (Mohammed Ben Salmane, de l’Arabie Saoudite), mais MBZ (Mohammed Ben Zayed, des Émirats Arabes Unis) » 1. Selon le journal américain, Ben Zayed, qui contrôle le plus riche fond souverain et l’armée plus forte du monde arabe, a gagné progressivement une position de favorable auprès des États-Unis en devenant son allié le plus proche dans la région. Un position qui peut lui donner un avantage stratégique fondamental pour réaliser son propre agenda, devenu aujourd’hui plus agressif.
Il y a un peu plus d’un an déjà, Le Grand Continent, par des sources diplomatiques confidentielles mais bien informées du dossier, soulevait l’attention sur les liens méconnus entre les deux dirigeants arabes : 2
Il faut expliquer que son principal modèle politique [de MBS] est Mohammed Ben Zayed (MBZ), prince héritier et ministre de la défense d’Abou Dabi, et que son objectif est, au fond, de transformer l’Arabie Saoudite en « Arabie Salmanite » , du nom de la branche du roi Salman et de son fils MBS, qui tâcherait de devenir peu à peu indépendante des États-Unis, en dépit des contrats d’armements juteux signés entre les deux pays, et de limiter le rôle des oulémas.
Pour atteindre ces objectifs, MBS est obligé de mettre au pas ses rivaux à l’intérieur du pays, mais également de réaffirmer son autorité vis-à-vis des rivaux extérieurs, et notamment du Qatar, dont la ressemblance (wahhabite) et la dissemblance (modèle politique différent et à certains égards plus libre) ont conduit l’Arabie Saoudite à s’opposer frontalement à son rival depuis le blocus du 5 juin 2017.
Ces rivalités s’expliquent notamment par le pari qatari de se rapprocher des Frères musulmans dans les années 2000, afin d’affirmer l’indépendance du pays vis-à-vis de l’Arabie Saoudite et des Émirats, qui auraient voulu que le Qatar fasse partie de leur union, et souhaiteraient désormais le finlandiser.
Un an après, avec les effets du cas Khashoggi qui ont endommagé la percée du prince saoudien, il est évident que la lutte pour l’hégémonie dans le Golfe suit son cours aussi entre des pays alliés, et une part non négligeable s’y joue sur l’accès à la Maison Blanche. Une réalité qui compte encore plus dans un contexte de tensions accrues avec l’Iran dans la région (voire carte).
Sources
- KIRKPATRICK David D., The Most Powerful Arab Ruler Isn’t M.B.S. It’s M.B.Z., The New York Times, 2 juin 2019
- Le modèle méconnu de Mohammed Ben Salman, Le Grand Continent, 8 avril 2018.