Les équipes du Grand Continent et du Groupe d’études géopolitiques ont travaillé depuis plusieurs semaines à la mise en place de la plateforme Europawal, qui permet de suivre en temps réel les résultats des votes dans les États-membres. Dimanche, elles ont passé la journée à analyser ces données et à parcourir les presses nationales pour couvrir de la façon la plus claire possible les issues de ces journées électorales. Les graphiques et cartes ci-dessous présentent en images les résultats de ce scrutin.
Ne nous y trompons pas toutefois, s’il est important de garder en tête les résultats d’hier soir et la composition potentielle du prochain Parlement européen, la campagne européenne commence ce matin. En effet, c’est à partir d’aujourd’hui que chaque représentant des forces en place va commencer à chercher les meilleurs alliances possibles. Plusieurs facteurs seront alors à prendre en compte, tant à l’échelle du Parlement qu’au niveau géopolitique des rapports entre États-membres. Le 24 juin, les groupes déclareront leurs compositions ; d’ici là, le début de l’été s’annonce mouvementé : entre tractations et négociations : quel visage aura le prochain Parlement ?
Le nouveau Parlement
Les coalitions envisageables
La majorité n’est trouvable ni selon la « Grande coalition »…
…ni au centre-gauche…
…ni à la droite de la droite.
Restent les deux choix de la « Très grande coalition » avec les libéraux :
…ou avec les Verts
Dans ces circonstances, le flou de la campagne électorale permet d’envisager une recomposition politique profonde : le Parti populaire européen paraît de plus en plus tiraillé entre la droite et l’option macroniste.
Les profils géographiques des différents groupes
Le Grand continent a sélectionné quelques cas particulièrement significatifs d’alliances entre partis au niveau européen à partir des résultats de ces derniers jours. Ce sont les principaux indices pour comprendre les tendances qui décideront des jeux de pouvoir effectifs au sein du Parlement de demain.
En l’état, c’est-à-dire sans considérer de possibles ralliements, l’Alliance autour de Matteo Salvini est surtout une un duo entre la Lega (27 sièges) et le RN de Marine Le Pen (22 sièges) à laquelle s’adjoignent 11 autres députés issus de formations diverses, dont aucune ne dépasse 3 mandats (seuls le Vlaams Belang et le FPÖ atteignent d’ailleurs ce niveau).
Les Verts restent essentiellement une formation du Nord et de l’Ouest, qui n’est représentée dans aucun des États méditerranéens à l’exception de l’Espagne (et de la France) et dans aucun État de l’ex-bloc de l’Est en-dehors des États baltes. Là aussi, on assistera à un pas de deux, cette fois franco-allemand (12 sièges pour EÉLV, 21 pour die Grünen), tout de même moins hégémonique (puisqu’ils siègeront avec 36 autres députés).
Pour les S&D, on observe un « no-man’s land de la social-démocratie » qui s’étend de la France à la Pologne (plus la Grèce et l’Irlande) et dans laquelle ces partis sont en passe ou déjà achevés d’être marginalisés. Ailleurs, leurs scores sont au moins honorables. Le nouveau groupe aura certes un fort tropisme méditerranéen (20 PSOE, 18 PD) et y a enregistré ses meilleurs scores (55 % pour le PL maltais !) mais il reste fort de 18 députés allemands malgré la débâcle et reste localement un poids lourd au Nord du no-man’s land (Wallonie, Suède etc.).
L’ALDE macronienne est un groupe curieusement bicéphale (21 « Renaissance » ~ LREM, 19 LibDem britanniques dont on ne sait s’ils resteront longtemps) et surtout très éparpillé, avec 117 députés issus de 34 partis différents dont les profils sont assez inégaux et la répartition géographique relativement erratique. La synthèse risque d’être complexe à opérer
Cas nationaux remarquables
En Hongrie, le FIDESZ d’Orbán dévaste tout sur son passage (et le PPE fait… son meilleur score).
Le Royaume-Uni se divise en deux types de citoyens, les leavers (qui votent Nigel Farage sous n’importe quelle étiquette) et les remainers (qui votent pour le parti le plus anti-Brexit qu’ils trouvent, du côté du centre qui les arrange le mieux) ; entre les deux, les Tories n’existent plus.
La Roumanie aurait-elle regagné de sa vigueur civique ? En tous cas, le Parti national-libéral du Président Iohannis (PPE) et la nouvelle Union Sauvez la Roumanie (ADLE) font jeu égal avec le très controversé PSD. Son allié du parti ALDE (c’est bien le nom du parti roumain) est très loin.
En Autriche, la coalition n’a étrangement pas perdu sa majorité.
Un nouveau bipartisme en Grèce ?
Pas d’échappatoire en Italie : la seule majorité disponible (en prenant les européennes comme test) est Lega-M5S.
En Allemagne, c’est le quadripartisme qui s’impose ; et aucune majorité à deux ne peut exister.
En Pologne, le PiS a désormais un concurrent clair.
Les équilibres régionaux
Nordiques et Baltes :
- ? ? Danemark. Percée des verts, l’Alliance rouge-verte remporte son premier siège au PE avec 11 % des voix. Les sociaux-démocrates arrivent en tête avec 23,4 % des votes, devant le parti de centre-droit (au pouvoir) Venstre, 21,9 %.
- ? ? Estonie. Victoire du parti libéral (23,2 %), suivi par le parti socialiste (23,3 %).
- ? ? Finlande. Percée des Verts, qui obtiennent 15,8 % des voix par rapport à 9,3 % en 2014. La première place va au KOK (20,7 %, PPE).
- ? ? Irlande. Percée des Verts, qui obtiennent 15 % des voix. Le parti Fine Gael (PPE) arrive en tête avec 29 % des votes.
- ? ? Lettonie. Le parti Nouvelle unité (JV) arrive en tete avec 26 % des voix, suivi par le parti social-democrat Harmonie qui obtient 17,5 % des votes.
- ? ? Lituanie. Le parti Chrétien-démocrate, l’Union de la patrie arrive en tête avec 18,1 % des voix, suivi par le Parti social-démocrate (LSDP), 16,6 %.
- ? ? Royaume-Uni. Le Brexit Party de Nigel Farage arrive en tête avec 31,5 % des voix, suivi par les libéraux-démocrates anti-Brexit (19,4 %). Le parti conservateur (au pouvoir) obtient 8,3 % des voix.
- ? ? Suède. Le parti social-démocrate du premier ministre Stefan Löfven (S&D) est arrivé en tête, avec le 25,1 % des voix, suivi par le parti Modéré (EPP, 17,6 %) et par les populistes Démocrates Suédois (16,9 %).
Les mêmes… sans le Royaume-Uni :
Méditerranées :
- ? ? Chypre. Le parti libéral au pouvoir, le Ralliement Démocratique (ΔΗΣΥ) perd du terrain mais se positionne en tête avec 29 % des voix. Le Front populaire national (ΕΛΑΜ), qui s’inscrit dans une ligne ultra-nationaliste, ne sera plus représenté au Parlement européen.
- ? ? Croatie. Victoire de l’HDZ (PPE), le parti au pouvoir, avec 23,04 % des voix. En deuxième position, on trouve le parti social-démocrate (17,9 %).
- ? ? Espagne. Le parti social-démocrate arrive en tête, Vox ne fait pas la percée attendue, ni aux Européennes (même si le parti obtient des sièges), ni pour les élections municipales et régionales.
- ? ? Grèce. Défaite pour Syriza (gauche radicale), qui demande des élections législatives anticipées. Le parti du premier ministre, Alexis Tsipras, obtient 23.94 % des voix (6 sièges) derrière son premier opposant, le parti de droite, Nouvelle démocratie (PPE), 33.28 %.
- ? ? Italie. La Ligue de Matteo Salvini arrive en tête, avec 34 % des voix, ce qui en fait le plus grand parti de l’hémicycle. On note la dégringolade de son partenaire au gouvernement : le Mouvement 5 étoiles (16,9 %) qui se place en troisième position, derrière le Parti Démocrate (S&D), qui obtient 25 % des voix.
- ? ? Malte. Le Parti travailliste du Premier ministre Joseph Muscat a remporté une victoire éclatante, obtenant 55,9 % des voix (4 sièges).
- ? ? Portugal. Victoire du parti socialiste (S§D), 32,90 %, 9 sièges, suivi par le parti social-démocrate (PPE), 25,30 %, 7 sièges.
Centres
Derrière l’apparence de la modération, mais la radicalité est cachée sous les couleurs des partis dont sont issus les membres qui siègeront : FIDESZ, ANO, PSD.
- ? ? Allemagne. Les Verts doublent leur score à 20,9 % (21 sièges) et arrivent en deuxième position, derrière la CDU qui obtient 22,40 % des voix (23 sièges).
- ? ? Autriche. Le vainqueur incontestable du scrutin et probablement aussi du « Scandale Ibiza », est l’ÖVP (PPE) du Chancelier Sebastian Kurz qui obtient 35,4 % des voix, comparé à 27 % en 2014.
- ? ? Bulgarie. Faible participation (32 %) et victoire du parti conservateur GERB au pouvoir (PPE), 32 % des suffrages (6 à 7 sièges). La liste socialiste BSP (S&D), arrive en deuxième position avec 24 % des voix et 5 sièges.
- ? ? Hongrie. Large victoire de Viktor Orban (PPE, pour l’instant) qui arrive en tête avec 52,14 % des voix.
- ? ? Pologne. Victoire du PiS (CRE) qui obtient 42.40 % des votes, à 3 points de la Coalition européenne (PPE). Composée de cinq partis, allant du centre droite aux sociaux-démocrates, et conduite par le président du Conseil européen Donald Tusk, elle obtient 39,10 % des voix.
- ? ? République Tchèque. ANO (ALDE), le parti du premier ministre Andrej Babis , arrive en tête avec 21,18 % des voix. En deuxième position, les conservateurs de l’ODS (ECR), 14,54 % ; bon résultat pour le parti pirate, 13,95 %.
- ? ? Roumanie. Mobilisation massive (49 % contre 18 % en 2014) et grande défaite pour le parti social-démocrate (au pouvoir) qui n’obtient que 25,7 % des voix.
- ? ? Slovaquie. La coalition Progressive Slovakia–SPOLU, arrive en tête avec 20,11 % des voix, devant, le parti du Vice-Président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, SMER-SD (au pouvoir) qui recueille 15,72 % des voix.
- ? ? Slovénie. Victoire du SDS +SLS (PPE), avec 26,43 % des voix ; en deuxième position, les socialistes (18,64 %). Délusion pour le parti du premier ministre Marjan Šarec qui arrive en troisième position.
Bulles
- ? ? Belgique. Victoire (12 %) du parti d’extrême droite séparatiste Vlaams Belang (ENF), qui devient le deuxième parti du pays, derrière les nationalistes flamandes du N-VA (14,1 %). Percée des Verts (7,3 %), les socialistes arrivent en tête en Wallonie.
- ? ? France. Le RN arrivé en tête avec 23,3 % des voix (22 sièges), devant La République en Marche, (22,1 %, 21 sièges). Percée des Verts qui obtiennent 13,1 % des voix, défaite pour les Républicains (8,4 %), la France Insoumise et le PS (tous les deux à 6,6 %).
- ? ? Luxembourg. Le parti du Premier ministre (DP) arrive en tête avec 21,44 % des voix (2 sièges) suivi par le CSV à 21,1 % (2 sièges) et les Verts 18,91 % (1 siège).
- ? ? Pays-Bas. Le Parti travailliste (PvdA) est le grand gagnant, avec 18,1 % des votes, la Gauche verte arrive en cinquième position, avec 10,5 % des voix.
Scores des groupes
Les résultats détaillés avec une introduction aux enjeux pays par pays peuvent être suivis en direct ici ou sur notre plateforme exclusive Europawal. Elle sera mise à jour tout au long de la journée.