L’année 2025 — celle d’un nouveau pape, celle où Trump a décidé de faire la guerre commerciale au monde et de rencontrer Poutine et où Israël et l’Iran, l’Inde et le Pakistan, la Thaïlande et le Cambodge se sont affrontés dans des conflits armés, celle où nous sommes désormais plus proches de 2050 que de 2000 et où le brainrot est entré dans nos vies — touche à sa fin.

Dans une année vertigineuse où les dernières règles du jeu semblent avoir sauté, qu’est-ce qui, au fond, a réellement changé ?

De l’IA à l’économie mondiale en passant par l’explosion de la Chine, le front ukrainien ou la monarchie en Amérique, nous vous proposons cette semaine une rétrospective sur les chiffres et les mots d’une année vertigineuse.

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1 — États-Unis  : le plus important relèvement des barrières commerciales tarifaires de l’après Deuxième guerre mondiale

Le taux moyen « statutaire » des droits de douane aux États-Unis — calculé ex ante sur la base de la composition passée des importations — a été relevé d’environ 14 points de pourcentage depuis le début de l’année 2025, pour atteindre 18 %.

Cette moyenne recouvre néanmoins de fortes disparités  : plus de 35 % sur les importations en provenance de Chine et d’Inde, un peu au-dessus de 10 % sur les grands pays de l’Union européenne, et moins de 5 % sur Singapour et l’Irlande,.

Le taux moyen effectif — mesuré ex post après ajustement de la composition des importations — a toutefois moins augmenté et se situe fin 2025 peu au-dessus de 10 %. Cela tient à la fois aux délais de répercussion — les importateurs américains ayant accumulé des stocks avant l’entrée en vigueur des majorations de droits de douane — et à l’optimisation des chaînes d’approvisionnement en faveur des biens ou des pays les moins pénalisés.

2 — Plus de peur que de mal en termes d’impact des droits de douane sur la croissance — pour le moment

Au printemps dernier, les projections de croissance pour 2025 avaient été nettement révisées en baisse à la suite des annonces américaines du « Liberation Day ».

Toutefois, elles sont aujourd’hui revenues à peu près aux mêmes niveaux qu’il y a un an, avant les élections américaines.

Plusieurs facteurs peuvent notamment contribuer à expliquer cette situation  :

  • Les hausses effectives de droits de douane ont finalement été un peu moins élevées qu’annoncé initialement.
  • Le commerce mondial au début de l’année a été gonflé par l’accumulation de stocks en anticipation des relèvements de barrières tarifaires.
  • Le boom des dépenses et des valorisations boursières lié à l’intelligence artificielle a joué un rôle compensateur en stimulant par ailleurs la demande mondiale.

Pour autant, une partie de ces facteurs sont transitoires ou fragiles, et les distorsions induites par la montée du protectionnisme pourraient se faire sentir sur le potentiel de croissance à plus long terme.

3 — Redirection des exportations chinoises hors des États-Unis et notamment vers l’Europe 

Au cours des six mois qui ont suivi le relèvement des droits de douane américains — mai-octobre 2025 comparé à la même période de 2024 —, le volume des exportations chinoises s’est contracté de plus d’un quart en direction des États-Unis, mais a augmenté de 14 % en direction des économies émergentes d’Asie et d’un peu plus de 10 % en direction de l’Union européenne.

Dans le cas des pays de la zone euro, cette pression concurrentielle a été amplifiée par l’appréciation du taux de change de l’euro contre la devise chinoise — de près de +10 % depuis le début de 2025 —, cette dernière suivant étroitement de facto l’évolution du dollar américain.

4 — Le profil « en K » de l’économie américaine : une large divergence d’évolutions au sein de la population des entreprises et des ménages

La divergence de performance boursière entre les « 7 Magnifiques » — les entreprises de la Tech à la plus importante capitalisation boursière : Amazon, Apple, Google, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla — et les autres sociétés se retrouve à tous les niveaux de l’économie américaine  :

  • Boom des dépenses d’investissement liées aux centres de données et à l’intelligence artificielle, faiblesse des autres dépenses d’investissement.
  • Robustesse de la croissance du PIB mais fléchissement des embauches et de l’emploi.
  • Creusement de l’écart de situation financière entre les ménages qui détiennent des actions et ceux qui n’en détiennent pas et vivent de leur seul salaire face à une inflation persistante.

5 — Face aux incertitudes internationales et nationales, une prudence accrue des consommateurs en zone euro et plus particulièrement en France

En zone euro, le taux d’épargne a continué de remonter en 2025 pour atteindre 16 %, soit +3,5 points de pourcentage au-dessus de ses niveaux pré-Covid.

Dans un contexte national d’incertitudes politique et budgétaire, ce mouvement est encore plus marqué en France, avec un taux d’épargne supérieur à 18,5 % en 2025, soit +5 pp au-dessus de ses niveaux pré-pandémiques.

À l’inverse, le taux d’épargne aux États-Unis se situe près de 2 points de pourcentage en dessous de ses niveaux pré-Covid — autrement dit : les ménages américains dépensent la sur-épargne qu’ils avaient accumulée pendant la pandémie.

Les gains boursiers de ceux qui détiennent des actions alimentent aussi ce mouvement.

6 — Les premiers signes d’érosion du statut international du dollar

Le choc négatif sur l’appétit au risque des investisseurs induit par les annonces américaines d’avril dernier s’est traduit aux États-Unis par une baisse des cours des actions, une hausse des taux d’intérêt à moyen-long terme et une dépréciation du dollar, soit une configuration inhabituelle dans une telle situation.

En particulier, le dollar n’a pas joué son rôle habituel de valeur refuge, comme en témoigne la rupture de la relation entre le taux de change euro/dollar et l’écart de taux d’intérêt à deux ans entre les deux zones.

Cette relation s’est rétablie depuis l’été — mais sans que la perte de valeur du dollar survenue au printemps ne soit rattrapée.

Avec le recul, il ne semble pas que les investisseurs internationaux, qui étaient très surpondérés sur les marchés américains, soient massivement sortis de ces derniers. Ils ont en revanche accru la couverture de leurs portefeuilles américains contre le risque de change.

7 — L’inflation en zone euro s’est stabilisée autour de 2 % — mais persiste au-dessus de cet objectif commun dans les autres grandes économies avancées

En zone euro, le retour de l’inflation autour de l’objectif de 2 % s’est confirmé en 2025, et ceci sans que la décrue de l’inflation ne s’obtienne au prix d’une récession, contrairement aux épisodes inflationnistes antérieurs. 

L’inflation se révèle toutefois plus persistante dans les autres grandes économies avancées, qui partagent le même objectif de 2 %.

  • Aux États-Unis, la remontée du prix des biens résultant de la répercussion progressive des hausses de droits de douane s’oppose au mouvement de décélération des prix des services.
  • Au Royaume Uni, les anticipations d’inflation et les hausses de salaires restent encore relativement élevées, ce qui contrarie le repli de l’inflation.
  • Au Japon, la faiblesse du taux de change du yen et la pénurie de main d’œuvre continuent d’exercer une pression haussière sur l’inflation.

8 — La BCE est en meilleure position que les autres grandes banques centrales

L’inflation en zone euro étant revenue autour de 2 %, le taux directeur de la BCE a pu être ramené au voisinage de sa zone de neutralité à 2 %. 

Le mouvement de repli des taux directeurs de la Fed et de la Banque d’Angleterre est quant à lui contrarié par la persistance de l’inflation, en dépit du fléchissement de l’emploi. Dans le cas des États-Unis, la tâche de la banque centrale est en outre compliquée par les tentatives d’entrave à son indépendance.

La Banque du Japon est la seule des grandes banques centrales à être engagée dans un cycle de hausse de son taux directeur  ; son rythme reste très graduel afin de ne pas compromettre la sortie de la longue phase de déflation.

Toutes ces banques centrales ont par ailleurs poursuivi en 2025 la normalisation à la baisse de la taille de leurs bilans — ce mouvement touchant toutefois désormais à sa fin dans le cas de la Fed.

9 — Pas de réduction des taux d’endettement public en 2025 — mais de larges disparités

En 2025, les ratios d’endettement public des grandes économies sont à peu près inchangés (Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis) ou en hausse (France, Italie).

L’Allemagne — juste au-dessus de 60 % du PIB — et l’Italie — près de 140 % du PIB — se situent aux deux extrémités de la hiérarchie.

Au milieu se trouvent le Royaume-Uni — un peu supérieur à 100 % — et les États-Unis et la France — tous deux entre 115 % et 120 %.

  • Outre l’alourdissement de leur charge d’intérêts, les États européens vont devoir faire face à l’augmentation de leurs dépenses de défense (ainsi que des dépenses d’infrastructure dans le cas de l’Allemagne dans le cadre de son plan de relance).
  • Aux États-Unis, le déficit public (7,5 % du PIB en 2025) n’est pas attendu en réduction dans la période à venir, en dépit des recettes douanières accrues. Le ratio dette/PIB devrait donc repartir tendanciellement à la hausse.

10 — Le resserrement des écarts de taux d’intérêt à long terme par rapport à l’Allemagne en zone euro — sauf dans le cas de la France rattrapée par l’Italie

Dans un contexte de repli puis de stabilisation des taux courts, le taux d’intérêt à 10 ans de l’Allemagne — qui constitue la référence en zone euro — a fluctué en 2025 dans une bande relativement étroite entre 2,5 % et 2,8 %.

La poursuite de la réduction des ratios de déficit public dans les pays du « sud » de la zone euro (Espagne, Italie, Portugal) a contribué à une réduction sensible de leurs écarts de taux à long terme avec l’Allemagne.

La France — avec un déficit public persistant et attendu à 5,4 % du PIB en 2025 — a fait exception à ce mouvement  : l’écart de taux longs par rapport à l’Allemagne a fluctué cette année entre 70 et 80 points de base — à comparer à environ 50 points de base avant la dissolution de 2024 — au gré des aléas politiques et des incertitudes sur l’issue des débats budgétaires au Parlement.

En fin d’année, le taux à 10 ans sur la dette publique italienne se situe désormais proche de celui sur la dette française.