La question migratoire fait apparaître un clivage profond au sein de l’Union. À l’échelle des neuf pays sondés par la dernière vague de notre sondage Eurobazooka, l’immigration est principalement perçue comme une menace pour la cohésion nationale (46 %). Un tiers des Européens considèrent que celle-ci constitue une nécessité pour compenser le vieillissement de la population, et 18 % ne la voient ni comme une nécessité, ni comme une menace.

Cette moyenne européenne recouvre une fracture géographique très nette.

  • Dans plusieurs pays du Nord et de l’Est, la perception de l’immigration comme une menace est majoritaire : celle-ci atteint 61 % en Pologne, 60 % en Belgique, 54 % en France et en Croatie, et 50 % aux Pays-Bas.
  • L’immigration est ainsi d’abord lue comme un facteur de pression identitaire et de désordre social.
  • À l’inverse, les pays du Sud — et surtout dans la péninsule ibérique — se distinguent par une lecture plus sensible aux enjeux démographiques : 49 % des Espagnols, 45 % des Portugais et 44 % des Italiens voient l’immigration comme une nécessité, même si la perception de menace reste élevée.

L’Italie offre un paradoxe : alors que le gouvernement Meloni est arrivé au pouvoir sur une ligne très dure sur l’immigration, l’opinion publique italienne place clairement la nécessité devant la menace.

  • En 2019, Giorgia Meloni publiait avec Alessandro Meluzzi — un journaliste controversé, connu pour ses positions complotistes, anti-vax et d’extrême droite — un livre intitulé Mafia Nigeriana.
  • Dans celui-ci, elle évoquait l’enracinement de la criminalité organisée dans certaines zones du territoire italien, en la liant à une série de thèses ouvertement racistes ou complotistes sur l’immigration et les mutations de la société italienne.

L’Italie a été l’un des premiers pays d’Europe occidentale à avoir atteint son pic de population, dès 2014 ; depuis plus d’une décennie, le pays perd ainsi plus d’habitants qu’il n’en gagne, et pourrait voir sa population divisée par deux d’ici la fin du siècle sans immigration extérieure.

  • La conscience du défi démographique auquel est confronté le pays pourrait ainsi expliquer la perception favorable qu’a l’opinion publique de l’immigration.
  • Plus d’un tiers (35 %) de la population perçoit néanmoins l’immigration comme une menace, tandis que 20 % n’y voient ni une nécessité pour compenser le vieillissement ni une menace.

En France — le pays européen où l’idée de migration de travail est la moins débattue —, la loi dite « immigration » du 26 janvier 2024 a durci certains mécanismes de contrôle des flux migratoires, tout en facilitant l’immigration de travail. La France rejoint ainsi l’Allemagne et l’Italie dans un mouvement d’ensemble de déclin de la politique migratoire traditionnelle, fondée sur l’asile.

  • Le taux d’emploi des immigrés dans l’Union européenne reste pourtant plus faible que celui des natifs, avec des écarts variables : 10 points d’écart en Allemagne, 7 points d’écart en France, et 3 points en Espagne.
  • L’Italie fait cependant exception, avec un taux d’emploi similaire entre immigrés et natifs 1.