Ukraine : le plan européen en réponse à Trump en 24 points (texte intégral)
Obtenu par le quotidien britannique The Daily Telegraph, le plan européen pour mettre fin à la guerre en Ukraine propose des conditions nettement moins favorables à la Russie de Poutine.
Nous le traduisons et analysons les différences entre ce plan et celui de Trump.
- Auteur
- Le Grand Continent
Le plan européen pour mettre fin à la guerre en Ukraine se comprend comme une alternative beaucoup plus favorable à Kyiv que la proposition américaine portée par l’équipe Trump.
Là où Washington envisage des concessions territoriales importantes à la Russie et des limitations pour l’armée ukrainienne — 600 000 de soldats —, le document européen insiste sur le respect de la souveraineté ukrainienne (mais ouvre la possibilité d’une limitation de l’armée à 800 000 en temps de paix), un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel préalable à toute négociation sur des cessions territoriales, ainsi que des garanties de sécurité impliquant les États-Unis et plusieurs États européens.
C’est sur les questions territoriales que le contraste est le plus marqué : alors que le plan Trump — avalisant largement les exigences de Vladimir Poutine — prévoit une reconnaissance de facto de l’annexion russe de plusieurs régions (la Crimée ainsi que les oblasts de Donetsk et Louhansk) et le gel de nouvelles zones sous contrôle russe, le plan européen renvoie toute négociation territoriale à l’après-cessez-le-feu.
Il refuse d’entériner les gains russes et pose comme priorité la cessation des hostilités, sous supervision américano-européenne.
De plus, les Européens n’imposent pas de plafond strict à la présence militaire ukrainienne, et ne bloquent ni l’intégration éventuelle à l’OTAN ni la présence de forces étrangères amies sur le territoire ukrainien.
Enfin, alors que les propositions américaines se montrent très conciliantes envers Moscou — levée progressive des sanctions, réintégration économique, possible retour au G8 et coopération stratégique dans l’énergie ou l’intelligence artificielle — le plan européen subordonne tout allègement des sanctions à un respect strict du cessez-le-feu, avec un mécanisme automatique de réimposition en cas de violation. L’Europe met également l’accent sur la reconstruction complète de l’Ukraine et la compensation via les actifs souverains russes gelés. C’est une rupture totale avec le plan Trump qui ferait payer le coût de la reconstruction de l’Ukraine à l’Europe — tout en en faisant bénéficier Moscou.
Conformément au plan russo-américain, les Européens auraient accepté le retour de la Russie au sein du G8, une concession majeure qui permettrait au président russe de revenir sur le sol français dès 2026, la France organisant le prochain sommet.
Contre-proposition européenne en 24 points (version intégrale)
Fin de la guerre et dispositions pour garantir qu’elle ne se répète pas, afin d’établir une base permanente pour une paix et une sécurité durables.
2 — Les deux parties au conflit s’engagent à un cessez-le-feu complet et inconditionnel dans les airs, sur terre et en mer.
3 — Les deux parties entament immédiatement des négociations sur la mise en œuvre technique du contrôle du cessez-le-feu, avec la participation des États-Unis et des pays européens.
4 — Un mécanisme international de surveillance du cessez-le-feu, dirigé par les États-Unis et assuré par les partenaires de l’Ukraine, est mis en place. La surveillance sera majoritairement à distance grâce aux satellites, drones et autres outils technologiques, avec un volet flexible sur le terrain pour enquêter sur les violations présumées.
5 — Un mécanisme sera créé pour permettre aux parties de signaler les violations du cessez-le-feu, d’enquêter sur celles-ci et de discuter des mesures correctives.
6 — La Russie renvoie sans condition tous les enfants ukrainiens déportés et déplacés illégalement. Le processus sera soutenu par des partenaires internationaux.
7 — Les parties au conflit procèdent à un échange de tous les prisonniers de guerre (principe du « tous contre tous »). La Russie libère tous les détenus civils.
8 — Après s’être assurées de la durabilité du cessez-le-feu, les parties prennent des mesures d’aide humanitaire, notamment des visites familiales de part et d’autre de la ligne de contact.
9 — La souveraineté de l’Ukraine est respectée et réaffirmée. L’Ukraine n’est pas forcée à la neutralité.
10 — L’Ukraine reçoit des garanties de sécurité solides et juridiquement contraignantes, y compris de la part des États-Unis (un accord de type Article 5), afin de prévenir toute future agression.
11 — Aucune restriction n’est imposée aux forces de défense ukrainiennes ni à l’industrie de défense ukrainienne, y compris en ce qui concerne la coopération internationale.
12 — Les États garants constitueront un groupe ad hoc de pays européens et de pays non européens volontaires. L’Ukraine demeure libre de décider de la présence, des armements et des opérations des forces amies invitées par son gouvernement sur son territoire.
13 — L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN dépend du consensus au sein de l’Alliance.
14 — L’Ukraine devient membre de l’Union européenne.
15 — L’Ukraine est prête à rester un État non nucléaire dans le cadre du TNP.
16 — Les questions territoriales seront discutées et résolues après un cessez-le-feu complet et inconditionnel.
17 — Les négociations territoriales partent de la ligne de contrôle actuelle.
18 — Une fois les questions territoriales réglées, la Russie et l’Ukraine s’engagent à ne pas modifier ces frontières par la force.
19 — L’Ukraine reprend le contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijia (avec participation américaine), ainsi que du barrage de Kakhovka. Un mécanisme de transfert de contrôle sera établi.
20 — L’Ukraine bénéficie de passages sans entrave sur le fleuve Dnipro et du contrôle de l’isthme de Kinburn.
21 — L’Ukraine et ses partenaires mettent en œuvre une coopération économique sans restrictions.
22 — L’Ukraine sera entièrement reconstruite et indemnisée financièrement, notamment grâce aux avoirs souverains russes qui resteront gelés jusqu’à ce que la Russie compense les dommages causés à l’Ukraine.
23 — Les sanctions imposées à la Russie depuis 2014 pourront faire l’objet d’un allègement progressif et partiel après l’établissement d’une paix durable, et pourront être réimposées en cas de violation de l’accord de paix (mécanisme de « snapback »).
24 — Des discussions séparées s’ouvriront sur l’architecture de sécurité européenne, incluant tous les États de l’OSCE.