Moins de deux mois après avoir subi un important revers lors des élections dans la province de Buenos Aires, Milei a remporté une nette victoire hier à l’échelle nationale ainsi que dans la région de la capitale du pays.

  • La Libertad Avanza, qui avait recueilli moins de 34 % des voix il y a un mois, a terminé en première position dans la région de Buenos Aires avec 41,5 % des suffrages.
  • Le parti du président argentin termine ainsi avec un score proche de celui obtenu par Mauricio Macri lors des élections de mi-mandat de 2017.
  • La formation péroniste Fuerza Patria recule quant à elle de plus de 6 points par rapport à septembre.

Les scandales de corruption, la récession, les attaques virulentes contre ses adversaires politiques, les coupes brutales dans les retraites et les programmes dédiés aux handicapés, la démission d’un député pour ses liens avec le trafic de drogue… n’ont pas conduit à une punition dans les urnes de Milei par les électeurs.

La baisse de l’inflation et la crainte du kirchnérisme ont certainement joué un rôle central dans ce « soutien silencieux » dont a bénéficié le président — qu’aucun sondage n’avait réussi à prédire ces dernières semaines.

  • L’inflation, qui est passée de près de 300 % en avril 2024 à 32 % en septembre, semble avoir pesé plus lourd pour cette partie de l’électorat que la situation macro-économique.
  • La politique de Milei a pourtant entraîné une perte de pouvoir d’achat pour une part importante de la population, tandis que les salaires (ajustés en fonction de l’inflation) demeurent inférieurs d’environ 8 % à leur niveau du début de l’année 2023. 
  • Le souvenir de la gouvernance d’Alberto Fernández et la possibilité d’une montée en puissance de cette force politique ont quant à eux réveillé les sentiments d’un électorat qui préfère souffrir du présent plutôt que de revenir au passé.

Le taux de participation a atteint son niveau le plus faible depuis le retour de la démocratie en 1983 avec moins de 68 % — soit 10 points de moins qu’en 2023. En d’autres termes, 12 millions de personnes disposant du droit de vote ont décidé de ne pas se rendre aux urnes.

  • « La liberté avance ou l’Argentine recule » était le slogan conçu par le parti au pouvoir pour s’opposer au kirchnérisme et mobiliser cette large base qui ne souhaite pas le retour de ceux qui ont gouverné le pays pendant 16 des 22 dernières années.
  • De son côté, le nouveau mouvement politique Provincias Unidas, qui tentait de trouver un équilibre entre la critique du gouvernement et le soutien à une partie de son plan économique, a recueilli moins de 5 % des voix.
  • Seul le gouverneur de Corrientes a remporté une victoire dans sa province, les autres ayant essuyé de sévères défaites qui leur enlèvent leur pouvoir de négociation avec l’exécutif, Pullaro et Schiaretti étant les plus pénalisés.

L’horizon s’annonce beaucoup plus favorable pour le gouvernement lorsqu’il s’agira de négocier des lois et de s’opposer à des initiatives parlementaires, avec près de 110 sièges sur 257 à la Chambre en comptant son allié Propuesta Republicana (PRO). Ce nombre permettra notamment à Milei d’esquiver toute tentative de destitution.

  • Le gouvernement devrait ratifier le système de bandes flottantes du dollar, et l’aide économique du Trésor américain devrait garantir la stabilité monétaire et une certaine paix sociale.
  • En échange, l’exécutif devra engager des réformes profondes dans trois domaines sensibles : le système de retraite, le travail et la fiscalité.
  • Il disposera désormais du soutien législatif nécessaire pour le faire.

Ces élections signalent une défaite cinglante pour le péronisme, qui obtient un score inférieur à son niveau historique : environ 30 % et 7 millions de voix. Vont maintenant suivre les primaires, les règlements de comptes et les remaniements.

  • Le défi qui les attend est énorme : construire une alternative politique qui ne soit pas seulement défensive (freiner Milei), mais qui parvienne à représenter un public plus large.
  • L’expérience ratée du Frente de Todos, qui a ouvert la porte à Milei, est encore trop récente. Cette opposition doit renouveler non seulement les idées, mais aussi les dirigeants afin d’offrir une perspective d’avenir.
  • Ils ont un atout non négligeable : c’est le seul espace politique vivant, décimé mais actif, capable de gouverner et qui dispose d’un réseau territorial qui peut constituer une alternative au pouvoir.