Vous êtes à l’origine d’un « Papier d’experts pour un tournant dans la politique allemande au Proche-Orient » qui a eu un grand retentissement en Allemagne, intitulé « Au-delà de la raison d’État : comment concilier responsabilité historique, intérêts stratégiques et droit international ». Pourriez-vous nous expliquer la genèse de ce travail ?

Ce papier est lié à un projet de livre collectif qui développera les fondements théoriques sous-tendant les recommandations politiques contenues dans cette note. 

Nous avons voulu faire la démonstration qu’il existe en Allemagne un large consensus entre experts du Proche-Orient, au-delà de leurs orientations politiques, sur la nécessité pour le pays d’une nouvelle approche de la région et du conflit israélo-palestinien. 

N’y a-t-il pas de couleur politique dominante dans le Groupe d’experts ? 

Nous avons cherché à inclure dans ce travail des personnalités proches de tous les courants démocratiques, car la question du Proche-Orient n’est pas vraiment une question partisane en Allemagne. La politique de la coalition précédente, associant les sociaux-démocrates, les libéraux et les verts, ne se distinguait guère sur cette question de celle de la grande coalition dirigée par les chrétiens-démocrates. Certains experts ont préféré cependant ne pas s’associer publiquement au papier, mais ils ont participé à sa mise au point et le soutiennent dans la même mesure que les autres.

Quelles sont les principales préconisations de votre note ? 

Dans cette note nous demandons avant tout un tournant stratégique dans la politique allemande concernant le Proche-Orient, ce qui implique bien plus qu’un simple recalibrage de court terme. La première idée majeure que nous défendons consiste à rappeler que le primat du droit international sur le droit national est au cœur de la Loi fondamentale allemande de 1949. Il s’agit là d’une des principales leçons tirées de la Seconde Guerre mondiale et un des acquis fondamentaux de l’Allemagne démocratique d’après-guerre ; c’est au moins autant une obligation légale pour le gouvernement allemand qu’une question de responsabilité historique et morale. 

Le tournant politique que nous demandons concernant la politique allemande au Proche-Orient consiste d’abord à ce que le pays se mette en conformité avec la lettre et l’esprit de la Constitution allemande. Le fait que la politique allemande au sujet d’Israël amène le gouvernement du pays à s’exonérer du droit international a potentiellement des implications qui vont bien au-delà de la seule politique étrangère de l’Allemagne.

Le concept machiavélien de Staatsraison postule que la sécurité d’Israël correspondrait à l’intérêt supérieur de l’Allemagne, alors qu’Israël est engagé dans une occupation illégale, comme l’a confirmé la Cour de justice internationale.

Philip Holzapfel

Le deuxième axe majeur de notre papier consiste à rappeler que la responsabilité de l’Allemagne au Proche-Orient ne peut pas concerner seulement Israël et les Israéliens. Les Palestiniens n’ont eu aucune part dans le crime de la Shoah, mais ils en ont payé le prix après la Seconde Guerre mondiale.

La responsabilité de cet état de fait ne concerne évidemment pas que l’Allemagne. Celle-ci était un pays vaincu et occupé en 1948, au moment de la Nakba. Elle a cependant joué un rôle clef au cours des décennies suivantes dans le financement et l’armement de l’État d’Israël — tout comme la France de la IVe République. Nous demandons donc au gouvernement allemand de reconnaître les effets négatifs, sur les autres populations de la région, de la politique qu’il a poursuivie depuis des décennies vis-à-vis d’Israël.

Vous remettez en cause la « Staatsräson », qui sous-tend la politique allemande à l’égard de l’État d’Israël. Pourriez-vous expliquer à des non-Allemands ce que ce concept signifie et d’où il vient ? 

Le terme « Staatsraison », raison d’État, a été utilisé en particulier par l’ex-Chancelière allemande Angela Merkel dans son discours prononcé devant la Knesset le 18 mars 2008 1. Il servait à désigner ce qu’elle considérait comme « la responsabilité historique particulière de l’Allemagne pour la sécurité d’Israël » qualifiée de « non-négociable ». Cette déclaration a été largement approuvée à l’époque et n’a jamais été sérieusement remise en question depuis par la classe politique allemande.

Après les massacres du 7 octobre, cette expression est même devenue une sorte de leitmotiv national, tous partis confondus. La traduction la plus tangible de cette raison d’État a été la forte augmentation des ventes d’armes à Israël, faisant de l’Allemagne son deuxième fournisseur d’armes, jusqu’à l’annonce récente de la suspension de la vente de certaines armes.

Le concept machiavélien de Staatsraison postule que la sécurité d’Israël correspondrait à l’intérêt supérieur de l’Allemagne, alors qu’Israël est engagé dans une occupation illégale, comme l’a confirmé la Cour de justice internationale en juillet 2024, et que son gouvernement est soupçonné de commettre des crimes contre l’humanité qui valent inculpation de son Premier ministre par la Cour pénale internationale. Parce qu’il est pouvoir occupant illégal, le soutien à Israël ne peut pas être conforme au droit international – et donc à la Constitution allemande. 

L’intention d’Angela Merkel en 2008 n’était certainement pas de garantir un appui inconditionnel et éternel à toute politique venant d’un gouvernement israélien ; mais l’utilisation de cette notion de Staatsraison depuis le 7 octobre 2023 pose de graves problèmes politiques et juridiques.

Plus généralement, au cours des dernières décennies, la politique de l’Allemagne vis-à-vis d’Israël a été contreproductive, notamment au sein de l’Union européenne car elle a encouragé en Israël un sentiment d’impunité et la levée de tous les tabous, dont le résultat a pu être constaté tant à Gaza et en Cisjordanie que dans toute la région. 

N’est-il pas normal que la relation entre l’État allemand et l’État d’Israël soit marquée par une forme d’exceptionnalité ? L’Allemagne peut-elle avoir une relation normale avec Israël ? 

La réconciliation historique sans précédent entre l’Allemagne et Israël restera toujours exceptionnelle, et l’objectif doit bien entendu être de maintenir des relations privilégiées, amicales et solidaires entre l’Allemagne d’une part, Israël et son peuple de l’autre. Cependant, ce partenariat doit être ancré dans des valeurs et des normes universelles, ce qui n’est pas le cas actuellement et ne l’a jamais pleinement été dans le passé.

Observe-t-on en Allemagne un retour de l’antisémitisme comme on peut le voir en France à l’occasion du conflit à Gaza ? Comment empêcher la résurgence de ce fléau ?

Je crains qu’il y ait un véritable risque en effet. Tant que la doctrine de la Staatsraison persiste, comme le narratif biaisé qui la sous-tend, les gens vont chercher à résoudre les dissonances cognitives entre ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent — d’une façon ou d’une autre. L’association de tout ce qui est juif avec l’État d’Israël, dans le contexte de sa politique à Gaza et de son impunité, est du tissu qui fait les théories du complot antisémite, alors qu’en réalité la plus grande partie du lobby en faveur du Grand Israël est constituée par des évangélistes.

Plus que l’Allemagne, ce sont surtout les États-Unis qui m’inquiètent sur ce plan. Ayant suivi les radicaux de toutes les couleurs depuis un moment, j’observe que les contenus ouvertement antisémites sont très présents dans les cercles MAGA. C’est moins le cas en Allemagne, mais ce type de contenus circule aussi à l’extrême droite. Si la politique actuelle continue, il y a un réel risque de bascule à un moment donné, avec un effet sur toute l’Europe. On n’y est pas encore, mais le risque est là.

Dans un premier temps, le soutien de l’extrême droite à Israël a été pour celle-ci un moyen de se dédouaner des accusations d’antisémitisme liées à son histoire.

On peut cependant agir préventivement et combattre la haine par le retour à un discours factuel et inclusif, à une politique ancrée dans le droit international et par la rencontre entre les communautés et le débat. Plusieurs sections de notre note sont dédiées à cette question. Vu qu’un conflit polarise par nature, il faut regarder l’ensemble et chercher à inverser les dynamiques des pôles vers le centre. 

Il est possible et nécessaire d’offrir une troisième voie afin de sortir de la logique de jeu à somme nulle typique des conflits. Cela implique, par exemple, de mettre davantage en avant l’Initiative de Paix arabe de 2002 – réaffirmée chaque année par cinquante-sept États arabes et musulmans sans que personne n’en prenne note en Europe – ainsi que l’engagement remarquable de la solidarité juive et israélienne pour la Palestine, d’organiser des rencontres, des débats, des coopérations… Mais cela doit être fondé sur un narratif factuel et complet, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Nous demandons au gouvernement allemand de reconnaître les effets négatifs, sur les autres populations de la région, de la politique qu’il a poursuivie depuis des décennies vis-à-vis d’Israël.

Philip Holzapfel

À moyen terme, afin de tirer les bonnes leçons de ce qui se passe au Proche-Orient, et ne pas jeter les bases d’un prochain génocide, notre culture de mémoire doit être réinitialisée et refondée sur une base holistique et humaniste. Il faut cesser de regarder isolément les différentes poussées de haine engendrées par le même conflit, ce qui renforce les divisions au lieu de rapprocher les camps.

En même temps, on observe la formation d’un puissant mouvement panhumaniste bottom-up, en Allemagne comme ailleurs. Jamais depuis la guerre du Vietnam, qui avait engendré la longue révolution de 1968, il n’y a eu un tel sujet de ralliement et une cause morale qui oppose si nettement la plus grande partie de la jeunesse occidentale, voire mondiale, au pouvoir en place. Il est trop tôt pour dire s’il s’agit de la lumière au bout du tunnel ou plutôt des phares d’un train qui s’approche.

Au sujet de Gaza, plusieurs sondages montrent que les réactions de l’opinion publique allemande et celle des autres pays européens diffèrent peu. Existe-t-il un fossé entre le public allemand et les dirigeants du pays concernant ce conflit ? 

Il faut clairement distinguer entre les positions prises au sein de la classe politique, où on trouve dans presque tous les partis des responsables qui se font l’écho, de façon très radicale et très vocale, de la Staatsraison pro-israélienne et celles de la base électorale qui a des positions relativement similaires dans tous les camps politiques. 

La grande majorité des citoyens — de toute orientation politique — voient clairement la contradiction entre la réalité de la politique israélienne et le droit international que l’Allemagne est censée avoir placé au cœur de son identité. Pourtant, comme dans la fable d’Andersen où le roi est nu, les dirigeants politiques n’osent pas encore reconnaître publiquement cet état de fait. 

Un animateur de talk-show très connu, Markus Lanz, a critiqué récemment dans son podcast le fait que nombre de ses invités politiques, qui défendent toujours le soutien à Israël devant les caméras, se montrent beaucoup plus critiques dès que les micros sont éteints.

L’écart entre l’opinion publique et les dirigeants politiques au sujet du Proche-Orient est en effet énorme et croissant en Allemagne. Tous les sondages montrent que la vaste majorité des Allemands sont critiques ou très critiques à l’égard de la politique israélienne à Gaza (83 %). Une grande majorité des Allemands, plus de 60 %, est en faveur de sanctions contre Israël et pour la reconnaissance de l’État de Palestine. 

Autant les réactions de la classe politique allemande aux discours et actions génocidaires du gouvernement et des dirigeants israéliens à Gaza furent décevantes depuis deux ans, autant la résilience des jeunes Allemands vis-à-vis de la propagande du camp du Grand Israël m’a impressionné. La manifestation de samedi dernier a réuni plus de cent mille personnes à Berlin, et on observe actuellement le début d’une vague d’excuses publiques parmi les acteurs culturels et la société civile allemande, pour avoir gardé le silence trop longtemps sur Gaza. Nous sommes dans une dynamique « bottom-up », comme on dit, qui commence à atteindre les milieux politiques.

C’est ce qui nous donne un peu d’espoir dans le fait que la Staatsraison a fait son temps. Il devient de plus en plus clair que le statu quo n’est pas tenable, mais il n’existait jusque-là pas de paradigme alternatif pour le remplacer. C’est ce à quoi nous avons essayé de remédier avec la note qui vient d’être rendue publique et le livre qui va suivre.

Pensez-vous que la position du gouvernement allemand à propos de Gaza a eu un effet, que les responsables politiques allemands mesurent à quel point leur position sur Gaza a endommagé l’image de l’Allemagne et de l’Europe ? 

Pour toutes celles et tous ceux qui travaillent dans le domaine de la politique extérieure de l’Allemagne et sont en contact régulier avec des dirigeants étrangers, non seulement dans le monde musulman mais aussi ailleurs en Europe, en Asie ou en Amérique latine, les dégâts qui résultent de la position actuelle du gouvernement allemand au sujet du conflit israélo-palestinien sur l’image du pays sont massifs et impossibles à ignorer. Le reste de la population et des dirigeants politiques le mesurent moins pour l’instant, car ces dégâts réputationnels ne se traduisent pas, jusqu’ici, en dommages économiques tangibles — notamment sur le plan des exportations allemandes.

Une doctrine qui place la sécurité d’un État étranger engagé dans une occupation illégale au-dessus de la loi et de la moralité ne peut être une doctrine conforme à la Constitution allemande.

Philip Holzapfel

Est-ce que la reconnaissance de la Palestine par la France accélère cet aggiornamento ? D’un point de vue diplomatique, l’écart franco-allemand sur un sujet aussi central est-il tenable ? 

La politique allemande actuelle à l’égard d’Israël a comme effet secondaire de paralyser le couple franco-allemand comme moteur d’une politique étrangère européenne cohérente et efficace au Proche-Orient. Ce sujet est central dans notre papier, qui appelle à ce que l’Allemagne soutienne la déclaration de New York en faveur de la solution à deux États et reconnaisse l’État de Palestine — à l’instar de ce qu’ont fait la France et de nombreux autres pays démocratiques ces dernières semaines.

Comme c’est le cas en France, l’opinion publique allemande est très polarisée sur la question de l’islam. Pensez-vous que la montée de l’extrême droite joue un rôle dans l’attitude des autorités allemandes sur la question de Gaza ?

Dans un premier temps, le soutien de l’extrême droite à Israël a été pour celle-ci un moyen de se dédouaner des accusations d’antisémitisme liées à son histoire. La lutte contre « l’antisémitisme importé » qui se manifeste parfois dans les manifestations propalestiniennes, a été utilisée pour renforcer leurs positions anti-immigrés.

Pour autant, la base de la droite et de l’extrême-droite est devenue en réalité tout aussi critique envers la politique d’Israël que les autres Allemands. L’idée d’une obligation historique quasi éternelle de la part de l’Allemagne pour la sécurité d’Israël n’a plus beaucoup de soutien dans la population, à droite comme à gauche – même si ce n’est pas toujours pour les mêmes raisons.

Il faut se rappeler que le vote pour l’extrême droite marque souvent le rejet d’une classe politique considérée comme hypocrite. En ce sens, le renoncement à une doctrine qui sacralise, de façon dogmatique, une responsabilité historique sélective de l’Allemagne vis-à-vis d’Israël, et son remplacement par un paradigme plus cohérent et fondé sur un narratif historique complet et authentique, peut contribuer à ramener dans le giron démocratique certains des électeurs de l’extrême droite qui ressentent l’hypocrisie de la classe politique sur ce sujet.

Vous êtes un diplomate de carrière — vous avez été, entre autres, en poste à Bagdad et en détachement dans les institutions européennes. Aujourd’hui, vous prenez publiquement la parole sur un sujet qui bouleverse les pratiques diplomatiques et la culture politique allemande. Pensez-vous que vous soyez dans votre rôle ? 

Tout d’abord, notre initiative, qui a reçu l’appui de centaines d’experts et de collègues, est, comme je l’ai indiqué précédemment, fermement ancrée dans les valeurs inscrites dans la Constitution allemande, que j’ai prêté serment de défendre et qui constitue la base du contrat qui me lie à mon employeur. 

C’est pour cette raison qu’il était hors de question pour moi de démissionner pour protester contre la politique du gouvernement allemand à l’égard d’Israël, comme l’ont fait nombre de collègues aux États-Unis, aux Pays-Bas ou ailleurs. C’est une attitude que je respecte, mais que je n’ai pas envisagée me concernant, parce que je considère que c’est la position que je défends qui est conforme à la Constitution allemande et non la doctrine de la Staatsraison.

L’incompatibilité de la doctrine du soutien inconditionnel à Israël avec la Constitution allemande est évidente depuis longtemps, mais elle a atteint après le 7 octobre 2023 un niveau insupportable – pour moi comme pour un grand nombre de mes collègues. J’ai longtemps espéré que le problème allait se résoudre de lui-même, au vu de la radicalisation croissante de la politique du gouvernement israélien. Après les massacres du 7 octobre, j’ai pensé que l’impératif d’arriver à une solution politique au Proche-Orient, voire de l’imposer si nécessaire, était devenu évident pour tout le monde.

Josep Borrell, Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de 2019 à 2024, avait vu très clairement les risques que comportait pour l’Union de continuer à ignorer ce conflit, et la nécessité pour l’Europe de s’impliquer activement dans sa résolution. Travaillant au sein de son cabinet sur les dossiers du Proche-Orient, j’ai espéré que nous serions en mesure de commencer à mettre en œuvre une politique européenne efficace en faveur de la paix dans la région. Cela m’aurait dispensé d’avoir à initier cette note et ce livre, mais ce ne fut pas possible, en particulier du fait de mon employeur, le gouvernement allemand. Celui-ci a en effet constamment refusé que l’Union puisse jouer un rôle efficace dans la résolution du conflit en mettant une pression équilibrée sur tous les adversaires de la paix, y compris du côté israélien.

Je n’ai aucun doute qu’un tournant de la politique allemande au Proche-Orient est inévitable, et que ce n’est qu’une question de temps avant qu’il advienne. 

Philip Holzapfel

Après la fin du mandat de Josep Borrell, j’aurais normalement pu prétendre à un poste de chef de mission diplomatique, mais je ne pouvais pas simplement retourner dans mon ministère d’origine. Trop de lignes rouges avaient été franchies par le gouvernement allemand sur le dossier du Proche-Orient. J’ai donc demandé un congé sans solde pour commencer à écrire le livre dont est issu le papier rendu public le 2 octobre dernier. 

Après vingt-deux ans de carrière en tant que diplomate allemand et en tant qu’Européen convaincu, ce n’est pas une décision facile à prendre que de critiquer publiquement la politique de son pays, mais ce genre de problèmes ne peut être une considération prioritaire dans le contexte actuel à Gaza et dans la région, voire dans le monde. L’avenir de mes enfants l’est bien plus.

Ceci dit, je n’ai point perdu espoir dans mon pays – au contraire. Comme indiqué précédemment, l’Allemagne a profondément évolué et sa population voit désormais clairement les choses. La réception publique et médiatique de notre initiative a été très favorable. Dans un esprit de loyauté, j’ai proposé à mon employeur de ne pas personnaliser le débat public sur cette question. 

Avez-vous subi des pressions ? Pourriez-vous être pénalisé dans votre carrière ? 

Je n’ai subi aucune pression pour l’instant, mais ce risque ne me fait pas perdre le sommeil de toute façon. Je suis heureux de travailler pour le think tank CIDOB, le Barcelona Centre for International Affairs, en tant que non-resident fellow pour l’instant.

Une doctrine qui place la sécurité d’un État étranger engagé dans une occupation illégale au-dessus de la loi et de la moralité — la définition du concept machiavélien de « raison d’État » — ne peut être une doctrine conforme à la Constitution allemande. Cette position est partagée par d’éminents juristes de mon pays. 

Je n’ai aucun doute qu’un tournant de la politique allemande au Proche-Orient est inévitable, et que ce n’est qu’une question de temps avant qu’il advienne ; ce sera sans doute au plus tard quand la Cour de Justice internationale rendra sa décision — mais peut-être même avant. 

Ce que nous avons essayé de faire avec cette initiative, c’est de fournir une nouvelle approche cohérente qui réconcilie la responsabilité historique de l’Allemagne, une responsabilité non-sélective, avec les intérêts stratégiques allemands et européens — ainsi que le strict respect du droit international, consacré par la Constitution allemande comme par les traités européens. 

Sources
  1. Le texte est accessible à cette adresse sur le site du gouvernement fédéral allemand.