Peter Thiel : notes secrètes du séminaire sur l’Antéchrist
Le contenu d’une conférence confidentielle donnée par le fondateur de Palantir a mystérieusement « fuité ».
Il y est question de l’Antéchrist, de la fin des temps — et du futur que Peter Thiel essaye de préparer pour l’humanité.
Au-delà du dispositif et de la mise en scène, nous traduisons ces notes de séminaire et commentons leur contenu avec l’aide des spécialistes Arnaud Miranda et Jean-Benoît Poulle.
- Auteur
- Arnaud Miranda, Jean-Benoît Poulle •
- Image
- Tundra Studio

Personnage public — il est l’auteur de plusieurs best-sellers, a prononcé un discours clef devant la convention républicaine de 2016 et a participé aux principaux podcasts conservateurs américains — il a toutefois choisi, contrairement par exemple à Elon Musk de ne pas saturer l’espace médiatique. Il s’écarte par ailleurs de la communication institutionnelle d’entreprise, réservée à Alex Karp ; si on le voit rarement monter à la tribune des grands forums du monde des affaires comme Davis, il ne manque pas une édition des rencontres de Bilderberg.
Ses prises de parole publiques en dehors de la Californie vont du dernier camp d’été du think tank d’Orbán à l’Oxford Union en passant par des séminaires plus confidentiels.
En cette rentrée, il a décidé de lancer un nouveau format à San Francisco : un séminaire sur inscription, en présentiel uniquement et totalement fermé — avec une règle très stricte de confidentialité : rien ne doit être enregistré ni en sortir.
Le thème choisi est celui de presque toutes ses interventions depuis deux ans : l’Antéchrist.
Un ingénieur de la Silicon Valley a toutefois brisé la règle et publié — pendant quelques heures en ligne — ces notes en vrac, que nous traduisons et commentons.
Était-ce délibéré de la part de Thiel ?
Si rien ne permet d’étayer l’hypothèse selon laquelle une telle « fuite » ne serait pas complètement fortuite, il faut évidemment voir dans ces leçons à huis clos une nouvelle étape dans le processus de légitimation intellectuelle du venture capitalist : de Socrate à Jacques Lacan, cet élève de René Girard n’ignore pas que la transmission orale du savoir philosophique contribue à créer un effet d’aura, qui est aussi recherché ici — la dimension totalement confidentielle ajoutant au « mystère ».
Une étude critique de ces quelques notes permet toutefois de percer le dispositif qui entoure ce sermon néoréactionnaire.
Pourtant, ce lundi 22 septembre, quelques heures avant la deuxième conférence, l’un des participants a publié la trame de la première séance sur son site personnel avant de la relayer sur son compte X. L’auteur de la fuite, Kshitij Kulkarni, est un ingénieur informatique travaillant pour la start-up Succinct, spécialisée dans la blockchain. Il s’est vu immédiatement interdire l’accès au reste de l’événement pour violation de la politique de confidentialité.
Dans cette première conférence, Thiel reprend les éléments principaux de sa pensée du katechon en germe depuis Le Moment straussien (2007), un texte profondément marqué par l’influence de Carl Schmitt. Selon Thiel, l’histoire humaine serait prise entre deux risques essentiels : le règne de l’Antéchrist, fantasme d’un gouvernement totalitaire mondial, et l’Armageddon, qui correspond à l’anéantissement complet du monde. Le katechon, « ce qui retient » la fin des temps, serait une voie médiane entre ces deux scénarios apocalyptiques.
Thiel réinterprète ces catégories théologiques à la lumière des enjeux technologiques actuels. Entre la captation des technologies de surveillance par un État totalitaire et le déchaînement incontrôlé de la technique, il croit au rôle katéchontique de l’innovation. Contrairement à Schmitt, il ne considère par le katechon comme une force essentiellement conservatrice : le katechon peut tout à fait être modernisateur, et l’accélérationnisme une solution paradoxale pour empêcher le règne de l’Antéchrist.
Ces notes confidentielles permettent d’entrer dans le laboratoire idéologique de Thiel, au sein duquel il entend concilier l’accélérationnisme technocapitaliste avec une interprétation réactionnaire du christianisme. Ce grand écart n’est pas seulement intellectuel : il tente aussi de résoudre l’une des contradictions principales du trumpisme : l’alliance, pour l’instant précaire, entre les seigneurs de la tech et les nationalistes chrétiens.
Conférence 1 : La connaissance augmentera
Ces notes sont adaptées des conférences de Peter sur l’Antéchrist. Toute erreur ou omission est de ma responsabilité.
La question de l’Antéchrist
Toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles, et scelle le livre jusqu’au temps de la fin. Plusieurs alors le liront, et la connaissance augmentera.— Daniel 12:4
L’historien biblique Daniel avait prévu une augmentation de la connaissance peu avant la fin des temps. À mesure que la connaissance augmenterait, les craintes de la venue de l’apocalypse s’intensifieraient, laissant place pour l’émergence d’un tyran.
Jean Benoît Poulle Présenter le prophète Daniel (VIIe-VIIe s. av. J-C ?), considéré dans la tradition comme l’auteur du livre homonyme, comme un « historien biblique » pose déjà problème. D’une part, parce que le Livre de Daniel fait traditionnellement partie des Écrits prophétiques dans les canons bibliques juif et chrétien, non de l’ensemble dit des « Livres historiques », mais aussi parce que ce Livre, l’un des plus tardifs de l’Ancien Testament, est emblématique du genre littéraire apocalyptique dans le judaïsme tardif, soit des écrits de visions et de révélations — sans qu’on y trouve forcément la connotation de prophéties prédisant l’avenir, et encore moins la fin du monde — qui succède au genre prophétique proprement dit. Il demeure vrai que beaucoup des thèmes et des images du livre de Daniel seront repris dans l’Apocalypse chrétienne de Jean.
Dans notre modernité tardive, ces inquiétudes sont passées de mode et l’Antéchrist est un personnage tombé dans l’oubli. Nos universités nous disent que les craintes de l’apocalypse sont irrationnelles et que tout va de mieux en mieux dans le monde. Pourtant, l’actualité nous dit le contraire : nous sommes préoccupés par les risques existentiels liés à l’intelligence artificielle, aux armes biologiques et à la guerre nucléaire. Comment comprendre notre époque apocalyptique ?
Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul.— Matthieu 24:35-36
L’apocalypse n’est pas une date fixe inscrite dans un calendrier. Les tentatives pour la prédire se sont soldées par des déceptions. Les millérites avaient fixé l’année 1843 comme date de la seconde venue du Christ. L’ouvrage de Josef Pieper, La fin des temps (1950), n’a pas non plus échappé au paradoxe : nous pressentons une fin, mais le moment exact reste secret. Néanmoins, si le jour et l’heure restent cachés, peut-être pouvons-nous au moins soupçonner le siècle.
Jean-Benoît Poulle Josef Pieper (1904-1997) est un philosophe catholique allemand de tradition conservatrice, profondément marqué par l’aristotélisme et le thomisme. Il fut professeur à l’université de Münster. Parmi ses œuvres marquantes figure notamment Le Loisir, fondement de la culture (1948), et ses essais sur les vertus cardinales et théologales du christianisme. Opposant au nazisme, il a beaucoup influencé Joseph Ratzinger, le futur Benoît XVI. Sa réception a également été importante dans la philosophie politique anglo-saxonne conservatrice.
Dans son ouvrage La fin des temps, il discute la conception kantienne du sens de l’histoire en s’inspirant du philosophe marxiste hétérodoxe Ernst Bloch (1885-1977, l’auteur du Principe espérance), et de l’écrivain Vladimir Soloviev, orthodoxe converti au catholicisme, auteur d’un Court récit sur l’Antéchrist. Pour Pieper, on ne peut traiter philosophiquement la question de la fin de l’histoire qu’en acceptant d’y réintroduire de la théologie.
Si nous voulons prendre l’Antéchrist au sérieux, nous pouvons nous poser au moins quatre questions :
- Quelle est la relation entre l’Antéchrist et l’Armageddon ? Le premier est imaginé comme le tyran du dernier empire, la Bête de la mer à la tête d’un gouvernement mondial ; c’est l’antagoniste final avant la révélation du Christ.
- Quand arrivera-t-il ? Il vient après le Christ, mais de nombreux précurseurs le précèdent. 2 Thessaloniciens 2:6 nous rappelle que quelque chose retarde son arrivée : « Et maintenant vous savez ce qui le retient, afin qu’il ne paraisse qu’en son temps. »
- Quelle est sa relation avec le Christ ? Il trompe même les élus, accomplit de faux miracles et semble « plus chrétien que le Christ ».
- Qui est l’Antéchrist ? Un tyran unique, un système ou un type qui se répète à travers l’histoire ?
Jean-Benoît Poulle Ces quatre questions résument classiquement deux millénaires d’interrogations de la tradition chrétienne à propos de l’Apocalypse de saint Jean et, plus largement, des prophéties sur la fin du monde dans le Nouveau Testament.
L’Antéchrist, une figure d’opposition au Christ qui doit précéder son retour glorieux, n’est mentionné que cinq fois dans la Bible, notamment dans les épîtres de Jean, où il apparaît plutôt comme un terme générique et au pluriel. Très vite cependant, il est identifié au « Faux Prophète » de l’Apocalypse de Jean, le maître de la Bête à dix cornes — autre figure démoniaque du texte —, et une figure de séducteur artificieux et habile. À noter que toutes ces différentes thèses sur l’Antéchrist — un tyran unique, un système, un type récurrent dans l’histoire — ont déjà été soutenues (voir à ce sujet par exemple Jean-Robert Armogathe, L’Antéchrist à l’âge classique, Paris, Mille et une nuits, 2005).
L’Armageddon désigne, dans l’Apocalypse de Jean (16, 16) la bataille cosmique finale entre le Bien et le Mal. Il s’agit en fait d’un jeu de mots étymologique sur la bataille de Megiddo, où fut tué le roi Josias de l’Ancien Testament — dont la mort, selon la lecture chrétienne, préfigure celle du Christ.
Le passage de la seconde épître de Paul aux Thessaloniciens, 2, 6 fait référence au katechon, quelque chose ou quelqu’un qui retient la survenue de l’Antéchrist ou le déchaînement du mal avant la Parousie — le retour glorieux du Christ — ; ce concept d’interprétation très difficile même à un exégète chevronné a connu également une postérité en théorie politique, notamment chez Carl Schmitt. Il a parfois été assimilé à l’Empire romain christianisé.
Arnaud Miranda La lecture de Carl Schmitt semble en effet avoir été déterminante pour Thiel, comme en témoignent les passages qui lui sont consacrés dès 2007 dans The Straussian Moment. Si son attention se porte principalement sur l’usage que Schmitt fait de la figure de l’Antéchrist, il mentionne aussi la nécessité d’identifier le katechon.
L’université a étudié l’Univers
L’université moderne, héritière des Lumières, aurait pu être l’institution capable d’embrasser l’histoire dans son ensemble. La fin des temps serait naturellement un sujet historique intéressant. Aujourd’hui pourtant, l’université est fragmentée. Alors que Bacon ou Goethe pouvaient embrasser la totalité du savoir en une seule vie, nous vivons aujourd’hui dans l’usine d’épingles d’Adam Smith : des rouages de plus en plus petits dans une machine de plus en plus grande. Nous devons essayer d’intégrer l’histoire, la théologie, la politique et la technologie dans un tableau cohérent.
Arnaud Miranda La critique de l’université n’est pas nouvelle chez Thiel. Il lui avait consacré son premier ouvrage, The Diversity Myth (1995), dans lequel il déplorait un prétendu remplacement des humanités classiques par une « idéologie multiculturelle » relativiste et fragmentaire. Celle-ci conduirait selon lui à la destruction de la civilisation occidentale.
La révélation chrétienne se distingue des autres manières de penser cet ensemble. La pensée classique ne voyait que des cycles : pour Thucydide, la guerre entre Athènes et Sparte, entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne ou entre la Chine et l’Amérique n’étaient qu’une seule et même chose (sic). Ce n’étaient que des étapes dans une éternelle répétition. Daniel, lui, est le premier historien véritable, car il a prévu une séquence unique d’empires mondiaux. Leur fin marquerait la fin du monde. Le christianisme est donc progressiste : le Nouveau Testament remplace l’Ancien, non seulement parce qu’il est plus vrai, mais aussi parce qu’il est nouveau. La révélation va de l’avant.
Jean-Benoît Poulle Ici, Thiel amalgame trois choses qui ne sont pas nécessairement corrélées entre elles. La première est le progrès de la connaissance scientifique, qui a pour corollaire la spécialisation croissante des savoirs, laquelle risque de faire perdre de vue l’ensemble, donc la question du sens. Thiel est loin d’être le premier à faire ce constat, qu’il relie à l’idée de fin de l’histoire — au sens d’achèvement, mais aussi de finalité et de signification —, d’où ce paradoxe : à mesure que l’étendue de nos connaissances progresse, leur clarté et leur sens semblent se brouiller.Le deuxième point à noter est la conception cyclique du temps chez les Anciens, avec laquelle la conception chrétienne de l’histoire comme temps orienté vers une pleine révélation vient rompre : le temps a désormais une flèche, et l’histoire, un commencement et une fin vers laquelle elle progresse. Si des historiens des idées peuvent être globalement d’accord, Thiel en fait une présentation assez sommaire, et surtout, il enrôle Daniel — qui n’appartient pas au monde chrétien, mais juif — au service de sa démonstration « historique » en reprenant le passage célèbre au chapitre 7 de la vision des quatre Bêtes ou quatre Empires successifs. Or dans le genre apocalyptique, essentiellement métaphorique, la vision et l’image priment justement sur la prédiction de l’avenir ; Daniel ne pouvait pas encore s’inscrire dans cette conception finaliste et progressive de l’histoire.

Arnaud Miranda Thiel est coutumier de l’usage de ces représentations schématiques de l’histoire, qui sont déjà présentes dans la conclusion de son ouvrage Zero to One (2014). À l’époque, il envisageait quatre modes de représentation de l’histoire : la récurrence cyclique, la stagnation, l’extinction et l’accélération. S’il oppose ici une conception païenne de la récurrence cyclique à la conception chrétienne linéaire, c’est pour suggérer une continuité entre accélérationnisme et christianisme (cf. infra).
Pour cette raison, il semble inconcevable que nous puissions désapprendre ce que nous avons découvert. La connaissance s’accroît : une fois révélée, il est difficile de la faire disparaître. Même si nos universités ne peuvent pas tout saisir, cette connaissance se répand. L’histoire est une progression inexorable.
Jean-Benoît Poulle Là encore, Thiel met en relation deux choses qui ne sont pas forcément associées : d’une part, l’indéniable accroissement des connaissances, et l’idée de progrès des connaissances scientifiques dans l’histoire de l’humanité qui en découle ; et, d’autre part, la conception de l’histoire humaine comme progrès nécessairement orienté et tendant à une révélation totale. Si se poser la question des relations entre ces deux choses peut constituer une interrogation proprement philosophique, Thiel la relie ici au verset du livre de Daniel selon lequel « la connaissance augmentera » (12, 4).
La modernité tardive
En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront pas ; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d’eux.— Apocalypse 9:6
De 1750 au début des années 1900, la technologie a progressé à un rythme effréné. Au XXe siècle, l’espérance de vie a doublé. Nous avons trouvé de quoi nous déplacer plus vite : les machines à vapeur ont mené aux automobiles et aux avions à réaction. Au XXIe siècle, le terme « technologie » ne désigne plus que la technologie de l’information ; les progrès dans tous les autres domaines ont cessé. La question qui vient naturellement à l’esprit est alors la suivante : la singularité appartient-elle au passé ou à l’avenir ?

Arnaud Miranda Ces deux schémas sont importants pour comprendre la pensée de Thiel. Le fondateur de Palantir considère le règne de l’Antéchrist comme un système totalitaire qui force la stagnation et l’hypnose en agitant la menace existentielle de l’Armageddon. Le seul moyen d’échapper à cette stagnation serait alors d’accélérer l’innovation technologique, afin de créer des espaces qui empêchent la domination complète de l’Antéchrist. C’est dans ce sens précis qu’il interprète la notion de katechon comme étant paradoxalement un accélérateur.
L’université moderne ne peut répondre à cette question. Si l’on se base sur les contributions qu’on y fait, la science est en pleine expansion. Derek de Solla Price a noté dans Science Since Babylon que le nombre de thèses soutenues doublait environ tous les quinze ans. La production scientifique a-t-elle augmenté en conséquence ?
Les faits suggèrent un rendement décroissant. Le prix Nobel de physique Bob Laughlin a tenté de mesurer la productivité scientifique à Stanford ; il s’est rapidement vu privé de financement. La situation est encore pire pour ce qui est élaboré à partir des contributions scientifiques ; la NSA est moins bien gérée que les services fédéraux d’immatriculation ou la poste, non pas parce qu’elle manque de ressources, mais parce qu’elle est plus embrouillée. Nous devrions nous attendre à la même chose pour la théorie des cordes.
Jean-Benoît Poulle Thiel reprend ici un constat paradoxal fait par d’autres que lui : alors que la production scientifique connaît une forme d’hyperinflation, son hyperspécialisation conduit aussi à l’impression d’une certaine baisse de qualité, par exemple dans les publications des revues scientifiques, ou à un ralentissement du rythme des découvertes d’ampleur. Thiel assimile ce brouillage et cette fatigue à une sorte de crise de sens de la science et de piétinement de l’innovation, souvent diagnostiqués dans le monde occidental. Mais tout cela est loin d’être vrai dans tous les secteurs.
Le monde semble arriver à un blocage. Nous remplissons le tonneau des Danaïdes : nous travaillons plus dur, nous allons plus vite, et pourtant rien ne change. Les salaires stagnent, la santé ne s’améliore pas et l’optimisme s’estompe. En 1971, Nixon a déclaré la « guerre au cancer », promettant la victoire pour le bicentenaire de l’Indépendance américaine en 1976. Aujourd’hui, aucun président n’oserait déclarer une telle guerre à la maladie d’Alzheimer.
Jean-Benoît Poulle L’exemple apparaît ici quelque peu mal choisi, puisque la recherche contre Alzheimer a connu tout de même certains progrès récents ; de même, de nombreux et significatifs progrès dans la lutte contre le cancer ont été faits depuis Nixon.
La science promettait autrefois un allongement radical de la durée de vie ; aujourd’hui, ce qui s’approche le plus d’une maîtrise de la mort est l’euthanasie légalisée.
Jean-Benoît Poulle Thiel paraît prendre position ici contre les conceptions transhumanistes, en montrant qu’il serait illusoire de vouloir « maîtriser la mort » ; changeant sans prévenir au cours de son développement le sens de l’expression « mort maîtrisée », il se positionne aussi contre la légalisation de l’euthanasie, rejoignant un des chevaux de bataille de la droite chrétienne.
Les futurs que nous imaginons nous font peur
Le projet scientifique de Bacon s’est achevé à Los Alamos avec le développement de la bombe atomique. La technologie elle-même est devenue apocalyptique. En 1945 (sic), le Comité national sur l’information atomique a publié One World or None, ouvrant une période de films de guerre apocalyptiques. Par coïncidence, c’est également à cette époque que l’Église catholique a cessé de prononcer des sermons apocalyptiques. L’humanité était alors confrontée à un nouveau problème de double usage : la physique qui pouvait alimenter la civilisation pouvait également y mettre fin.
Jean-Benoît Poulle Il est ici fait référence à l’effacement de la prédication sur les fins dernières — la mort, le jugement, le paradis et l’enfer — dans le monde catholique — que l’on avait pu désigner à la suite de Jean Delumeau comme une « pastorale de la peur » qui reposait sur la crainte de l’enfer —, un phénomène bien mis en lumière par Guillaume Cuchet pour le monde francophone. Thiel semble corréler cet effacement au thème de la peur de l’apocalypse nucléaire.
Depuis lors, les craintes apocalyptiques profanes se sont multipliées : armes biologiques, guerre nucléaire, intelligence artificielle ou effondrement de la fertilité.
Pour compléter cette liste, il faudrait pourtant ajouter le risque de l’Antéchrist biblique, qui se manifesterait sous la forme d’un gouvernement mondial unique. Ici, le profane correspond parfaitement au théologique : d’un côté, « l’État mondial unique » de l’Antéchrist, et de l’autre, l’anéantissement du monde lors de l’Armageddon.
Jean-Benoît Poulle Sous la plume de ce preneur de notes, Thiel rejoint ici l’une des grandes permanences du complotisme contemporain : la crainte du « mondialisme », du « gouvernement mondial » ou encore du « Nouvel Ordre mondial » qu’il assimile, comme bien d’autres avant lui, au gouvernement de l’Antéchrist/de la Bête, ou du moins à la préparation de sa venue. Certains l’assimilent aux structures de l’ONU, à la pax americana, etc. Or même s’il est dit dans l’Apocalypse que le Faux Prophète séduira tous les peuples de la terre pour les faire adorer la Bête, dans une forme de contrefaçon de l’unité de l’Église, cette idée de « gouvernement mondial » n’est pas développée dans les textes — alors que le complotisme contemporain se fixe obsessionnellement dessus.
Nous devrions au moins soupçonner que l’« apocalypse » dont on parle en première page de nos journaux est l’apocalypse de la Bible. Ce n’est pas faire preuve de mysticisme, mais tirer les conséquences de la nature humaine. Nous n’avons pas gagné en sagesse, même si nous sommes mieux informés. Le seul point sur lequel les athées et les fondamentalistes s’accordent, c’est que la violence viendrait de Dieu. Les chrétiens, eux, savent qu’elle vient de l’homme.
Jean-Benoît Poulle Même si l’on retrouve des idées assez classiques dans ces passages, ils se font ici plus cryptiques, car ils paraissent manquer de lien entre eux ; cela pourrait refléter les raccourcis faits par Thiel ou les aléas d’une prise de notes rapide.
L’Antéchrist et l’Armageddon
Quand les hommes diront : Paix et sûreté ! alors une ruine soudaine les surprendra, comme les douleurs de l’enfantement surprennent la femme enceinte, et ils n’échapperont point.— 1 Thessaloniciens 5:3
Matthieu 24:6-13 met en garde contre les guerres et les rumeurs de guerres. Si nous nous dirigeons vers la guerre ou l’Armageddon, est-il déraisonnable de craindre l’avènement d’un Antéchrist qui promettrait la paix et la sécurité ? Les deux grands romans sur l’Antéchrist écrits au début du XXe siècle sont Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion de Vladimir Soloviev et Le Maître de la terre de Robert Hugh Benson ; ils prophétisaient tous deux son avènement à la tête d’un gouvernement mondial. Cependant, ces deux livres présentent une faille dans l’intrigue : comment l’Antéchrist s’empare-t-il du pouvoir ?
Jean-Benoît Poulle Thiel se fonde sur deux classiques de la littérature de réflexion sur l’Antéchrist : le Court récit sur l’Antéchrist qui suit les Trois entretiens de Vladimir Soloviev (1853-1900), philosophe et écrivain proche de Dostoïevski, chrétien orthodoxe précurseur du dialogue œcuménique entre Églises, finalement converti au catholicisme (Église gréco-catholique) ; et Le Maître de la Terre de Mgr Robert Hugh Benson (1874-1914), prêtre anglican de Cambridge (fils de l’archevêque de Canterbury), lui aussi converti au catholicisme. Dans les deux récits, l’Antéchrist est un homme savant, séduisant et talentueux qui réussit à unifier et pacifier le monde en se présentant comme l’accomplissement du véritable christianisme par-delà les divisions. Les deux récits peuvent aussi se lire comme des romans d’anticipation : ainsi, dans les deux récits, le monde d’avant l’unification est divisé en trois puissances antagonistes. La « faille dans l’intrigue » que déplore Peter Thiel semble ici parfaitement infondée.
Dans notre modernité tardive, nous pouvons enfin donner la réponse : c’est parce que nous parlons constamment de l’Armageddon (ou, en termes séculiers, du risque existentiel) qu’il parvient à ses fins. Il surfe sur la vague de l’angoisse apocalyptique.
Oppenheimer déplorait : « Nous avons autant besoin de nouvelles connaissances que d’une balle dans la tête. » Nick Bostrom avait proposé une « police préventive » et une « gouvernance informatique mondiale » avec son hypothèse du monde vulnérable. Le dernier livre d’Eliezer Yudkowsky s’intitule If Anyone Builds It, Everyone Dies.
Arnaud Miranda Nick Bostrom et Eliezer Yudkowsky sont deux penseurs majeurs de la singularité technologique. Nick Bostrom, philosophe, a été le directeur du Future of Humanity Institute à l’Université d’Oxford. Il a notamment publié des travaux sur l’émergence d’une superintelligence. Eliezer Yudkowsky est l’un des pionniers des réflexions sur l’intelligence artificielle générale (AGI), qui s’est notamment fait connaître dans les années 2000 par ses publications sur le forum LessWrong. Bostrom et Yudkowsky conçoivent tous deux l’émergence d’une superintelligence comme une menace existentielle qu’il convient de réguler.
Ce point a des conséquences géopolitiques. S’il y a bien une guerre juste, c’est la Seconde Guerre mondiale ; et s’il y a bien une guerre injuste, c’est la Première Guerre mondiale. La paix de la Guerre froide était en grande partie juste ; les États-Unis et l’Union soviétique ne se sont pas associés. Choisir « la paix à tout prix » a un coût. Une mauvaise paix peut s’avérer pire que la guerre. Les risques de l’Antéchrist et de l’Armageddon ne se neutralisent pas, ils se complètent : d’un côté, une fausse [paix ?] ; de l’autre, la destruction.
Jean-Benoît Poulle L’auteur semble identifier ici deux « risques apocalyptiques » : d’une part, ce qu’il appelle l’Armageddon et assimile à « l’Apocalypse nucléaire » ou « destruction mutuelle assurée », c’est-à-dire un conflit de type nucléaire dans lequel les belligérants s’anéantissent mutuellement ; d’autre part, son « Antéchrist » assimilé à une gouvernance mondiale de type onusien, interventionniste et bureaucratique. Pour lui, aucun des choix n’est préférable à l’autre ; en creux, se dessine l’isolationnisme et l’unilatéralisme des courants nationalistes américains.
Raison et révélation
La raison nous dit que nous devrions nous inquiéter des risques existentiels. Elle ne propose que deux options, « un monde ou aucun ». Bien sûr, c’est la première option qui semble rationnelle.
La révélation chrétienne déplace pourtant le choix : « l’Antéchrist ou l’Armageddon ». La réponse est alors : « ni l’un ni l’autre ». Nous devons trouver une troisième voie.
La philosophie nous conduit à la folie. La théologie insiste sur une troisième voie. L’histoire n’est pas un chemin tout tracé.
Jean-Benoît Poulle Ici se décèle l’influence du livre de Pieper sur la fin des temps, qui soutient que l’interrogation philosophique sur la fin de l’histoire doit nécessairement accepter le secours de la théologie ; Thiel insiste ici sur la liberté des actions humaines, en retrouvant une ambiguïté propre à tout le genre apocalyptique : le discours tenu est-il de type parénétique — une exhortation à bien se conduire, sans quoi les catastrophes arriveront — ou prédictif — elles arriveront de toute façon, il faut seulement les anticiper en se conduisant bien ?
Elle n’est pas enfermée dans des cycles ; elle n’a pas déjà été écrite. Le livre de Daniel a été scellé, mais nous avons les outils nécessaires pour le comprendre. Jonas a prêché à Ninive et l’a sauvée. Dans le jardin de Gethsémani, le Christ a dit à ses disciples de prier. S’ils ne s’étaient pas endormis, le Christ aurait peut-être même évité la crucifixion. Il y a de la liberté dans l’histoire. La connaissance augmentera, mais la façon dont nous nous en servons n’est pas prédéterminée.
Jean-Benoît Poulle Contrairement à l’exemple précédent tiré du livre de Jonas, où la ville de Ninive est sauvée de la destruction prophétisée par Jonas en le croyant et en se convertissant, l’exemple du Christ à Gethsémani paraît assez mal choisi : si la Crucifixion est certes une résultante de la liberté humaine, elle est aussi ce qui permet la rédemption de l’humanité. De manière générale, comme l’a montré Hans Urs von Balthasar, l’eschatologie chrétienne de l’Apocalypse est tout entière pénétrée du mystère de la Croix qu’elle place en son centre.
Session de questions-réponses avec Peter Robinson
Arnaud Miranda Peter Robinson est une figure importante de la droite américaine. Ancienne plume de Ronald Reagan et de George W. Bush, il est membre de la Hoover Institution, un think tank conservateur. Il anime notamment l’émission Uncommon Knowledge, dans laquelle il avait reçu Peter Thiel pour l’interroger sur des sujets proches en 2024.
Question : Daniel 12:4 est un texte ancien. Pourquoi s’y intéresser aujourd’hui ?
Ce texte est important, parce que le christianisme a permis de concevoir l’histoire comme une progression linéaire. Dans le monde classique, l’histoire était souvent considérée comme cyclique, comme une répétition sans fin d’événements. Or la prophétie de Daniel prédit une série de royaumes culminant avec l’Antéchrist. Nous devrions donc au moins soupçonner que notre histoire est celle qu’il a prévue.
Jean-Benoît Poulle Les choses ne sont évidemment pas aussi claires que cela. Que voulait dire Daniel, ou les auteurs du livre qui se plaçaient sous son autorité, par ces visions ? Nous ne le saurons jamais avec exactitude, mais la science exégétique peut parvenir à des approximations en dressant une typologie des genres littéraires et des publics auxquels elle s’adresse, ce qui n’interdit pas non plus une exégèse de type spirituel et allégorique. Cela devrait nous inviter à la prudence au moment d’avancer une interprétation littérale et univoque de ces « Empires » ou royaumes successifs.
Question : L’Occident met l’accent sur une histoire linéaire, tandis que la plupart des pays asiatiques considèrent l’histoire comme cyclique. Qui a raison ?
Il existe une linéarité dans la science et la technologie qui ne peut être ignorée. Une fois qu’une vérité est découverte, il n’est pas possible de revenir en arrière. En ce sens, l’histoire avance, elle ne tourne pas en rond.
Question : L’Antéchrist est-il une personne ou une institution ?
Les premiers chrétiens pensaient qu’il s’agissait de Néron. Les luthériens et les anglicans désignaient le pape. Toutefois, jusqu’à l’ère moderne, l’humanité n’avait pas le pouvoir de se détruire elle-même.
Jean-Benoît Poulle Même si, encore une fois, le sens du texte n’est pas univoque, il est vrai que les textes de l’Apocalypse témoignent d’une grande hostilité à l’Empire romain persécuteur ; le fameux « chiffre de la Bête », 666, a une valeur qui, en numérologie hébraïque, correspond aux lettres formant « César Néron » ; l’Apocalypse a sans doute été écrite au temps de l’empereur persécuteur Domitien ; elle émane en tout cas de milieux johanniques judéo-chrétiens beaucoup plus hostiles au pouvoir romain que la tradition paulinienne du christianisme.
En effet, à la suite de Luther, de nombreux courants protestants ont identifié la papauté romaine à l’Antéchrist lui-même ou à une de ses figures, comme une singerie ou une déviation du message évangélique. Encore à la fin du XXe siècle, des pasteurs luthériens ou calvinistes fondamentalistes ont défendu la littéralité de cette assimilation — aujourd’hui plus répandue dans les milieux protestants évangéliques.
La situation a changé. À notre époque, où nous possédons cette capacité unique de destruction, l’Antéchrist ne peut aujourd’hui être compris que comme un individu, et non comme une simple institution.
Jean-Benoît Poulle Il s’agit ici d’une interprétation personnelle de Thiel, alors que les Églises semblent aujourd’hui avoir davantage tendance à faire une lecture métaphorique de l’Antéchrist, rapproché des « structures de péché » ou des contrefaçons d’unité ecclésiale sans Dieu.
Question : Le cardinal Newman a écrit sur l’Antéchrist en 1835. Quel était son point de vue ?
Dans son livre L’Antichrist, Newman affirmait que le retour du Christ serait précédé d’une apostasie généralisée et de la venue du plus grand ennemi du Christ.
Jean-Benoît Poulle Peter Thiel cite ici un autre converti de l’anglicanisme au catholicisme, le philosophe et théologien John Henry Newman (1801-1890), créé cardinal en 1879, dont la pensée n’a cessé de gagner en influence dans l’Église catholique ces dernières années : s’il fut de son vivant soupçonné d’hétérodoxie, il a été béatifié en 2010 par Benoît XVI, canonisé en 2019 par François, et Léon XIV vient d’annoncer qu’il lui décernera le titre de « docteur de l’Église ».
Il faut noter que son ouvrage L’Antichrist, un recueil de quatre sermons, est antérieur à sa rupture avec l’anglicanisme. Exprimant une doctrine classique à partir de la pensée des Pères de l’Église dont il est un grand spécialiste, il y insiste en effet sur la « grande apostasie » qui précèderait la Parousie, et sur les signes précurseurs de la venue de l’Antéchrist, qui proposerait une doctrine séduisante, humanitariste et pacifique.
Au Moyen Âge, l’obsession de l’Antéchrist était très forte, ce qui est compréhensible compte tenu des schismes provoqués par la Réforme (sic).
Jean-Benoît Poulle Il s’agit ici soit d’une grosse approximation historique de l’orateur — la Réforme ayant eu lieu au début des Temps modernes —, soit d’une erreur dans la prise de notes. Il faut par ailleurs se défaire de l’idée d’un Moyen Âge uniformément obsédé par l’Antéchrist et la fin des temps. La Réforme, mais surtout les guerres de Religion à l’échelle européenne, ont en revanche provoqué une reviviscence notable des angoisses eschatologiques et des croyances millénaristes ou de type apocalyptique.
Ces craintes se sont pourtant estompées après le traité de Westphalie de 1648, qui a marqué le début d’une période de paix relative pour l’Europe. Le siècle suivant, celui des Lumières, a de bien des manières suspendu les inquiétudes concernant l’Antéchrist et les questions religieuses. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, la plupart des Églises avaient complètement cessé de prêcher sur la fin des temps. Aujourd’hui, nous ne parlons plus que de l’Armageddon, nous devrions donc être encore plus méfiants à l’égard de l’Antéchrist.
Jean-Benoît Poulle Est ici dessiné le schéma classique de la montée du rationalisme avec les Lumières, mais Thiel et son preneur de notes occultent les diverses reviviscences de doctrines ésotériques, dont certaines d’orientation apocalyptique, connues par le XIXe siècle, voire au-delà.
Question : Mais n’y a-t-il pas une « faille dans l’intrigue » ? Concrètement, comment l’Antéchrist accéderait-il au pouvoir ?
Les principaux ouvrages sur l’Antéchrist ont été écrits avant la Première Guerre mondiale et le cardinal Newman s’exprimait au XIXe siècle. Aujourd’hui, la réponse est évidente : il viendrait grâce aux crises de la modernité, en tirant parti de la peur de la technologie et des discours incessants sur l’apocalypse.
Jean-Benoît Poulle La conférence semble balancer entre un techno-optimisme assez naïf et la critique du transhumanisme : ce serait donc la peur de la technologie qui inciterait les masses à se donner à un « Antéchrist » identifié à la gouvernance mondiale. Pour Thiel, la collapsologie est le nouveau visage de la peur de l’Apocalypse — type « Armageddon » — laquelle risquerait justement de mener à une autre forme d’Apocalypse — type « Antéchrist ».
Question : Que pensez-vous du « Manifeste techno-optimiste » de la Silicon Valley ?
Il s’agit d’une sorte d’utopisme d’entreprise. Dans les années 1990, un certain optimisme selon lequel la technologie résoudrait tous les problèmes est devenu un élément de notre culture. En cette année 2025, cet optimisme a bien tiédi. Les visions d’aujourd’hui sont plus étroites et bien moins confiantes. Les grands projets utopiques ont laissé la place à des avancées ponctuelles ; ils ont été éclipsés par la crainte d’un effondrement.
Arnaud Miranda Cette question fait référence au Manifeste techno-optimiste publié par le milliardaire Marc Andreessen en 2023. Contrairement à Thiel, qui considère que la technologie est profondément ambivalente, Andreessen propose une vision manichéenne dans laquelle la singularité technologique résoudra l’ensemble des problèmes humains — on en trouve une traduction française dans le dernier volume papier du Grand Continent. Cette vision peut aussi être rapprochée de la « singularité harmonieuse » envisagée par Sam Altman.
Q : Peut-on espérer qu’un leader, politique ou technologique, résolve tous les problèmes ?
Aucun leader ne peut porter ce fardeau. Oppenheimer n’a pas pu résoudre tous les problèmes scientifiques, et aucun politicien, qu’il s’agisse de Trump ou de n’importe qui d’autre, ne peut résoudre tous les problèmes politiques. Aucun être humain ne peut apporter de solution définitive. Cette attente relève de l’espoir messianique, pas de la politique.