Dans un contexte de pression politique croissante, le principal parti d’opposition de Turquie, le Parti républicain du peuple (CHP), tient ce dimanche 21 septembre un congrès extraordinaire — son troisième en deux ans.

Depuis sa victoire aux élections locales de 2024, le CHP est devenu la cible d’une vague d’arrestations et de procédures judiciaires qui ont culminé en mars 2025 avec l’emprisonnement du maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu — donnant lieu aux plus importantes manifestations depuis plus de dix ans.

L’ampleur de cette réaction populaire a pu étonner dans un pays où il est devenu courant, depuis une dizaine d’années, que des maires élus soient démis de leurs fonctions et incarcérés. Mais jusqu’alors, ces procédures visaient surtout le parti pro-kurde avec lequel le pouvoir a désormais initié un processus de négociation. S’agit-il simplement d’un changement de cible ? Il nous semble au contraire que l’on assiste aujourd’hui à une modification des lieux et des modalités de la répression mais aussi, plus largement, de la lutte politique en Turquie.

« Fils de l’imam » et entrepreneur : la vocation tardive d’un ovni de la politique turque

Certains affirment que si İmamoğlu et son parti se sont attirés les foudres de la justice turque, c’est précisément parce qu’ils constituent une menace réelle, presque existentielle, pour le pouvoir en place.

Ekrem İmamoğlu est un homme politique atypique. S’il est certes élu du CHP — un parti qui se revendique de l’héritage de Mustafa Kemal, situé à ce que l’on pourrait qualifier de centre-gauche de l’échiquier politique turc — il se distingue à plusieurs titres du profil type des cadres de ce parti — fonctionnaires, enseignants ou juristes issus des milieux éduqués, urbains, pro-laïques. Né dans un village du département de Trabzon, dans la région de la mer Noire, il est issu d’une famille conservatrice — son nom de famille signifie «  fils de l’imam  ». Cela n’a rien d’anodin en Turquie, où les patronymes, qui ont été choisis dans les années 1930 par les «  chefs de famille  », ont une signification  : non seulement il a probablement un ancêtre imam, mais son aïeul se revendiquait de cet héritage quand il a pris ce nom — ses parents envoient d’ailleurs leur fils au cours de lecture du Coran dès son plus jeune âge. 

İmamoğlu n’est ni un homme de parti, ni un homme d’appareil.

Élise Massicard

Contrairement aux autres cadres du CHP issus du secteur public, ses origines familiales et ses études l’orientent vers le monde de l’entreprise.

La famille İmamoğlu monte une société spécialisée dans les matériaux de construction, ensuite passée au BTP après s’être installée à Istanbul à la fin des années 1980. Elle ouvre ensuite plusieurs restaurants à Istanbul, dont l’un sera géré par Ekrem. Lui-même est diplômé du prestigieux lycée public de Trabzon, une pépinière kémaliste dans une région plutôt marquée par le conservatisme et l’islam politique. Recalé à l’examen d’entrée à l’université, il contourne le système — comme beaucoup — en s’inscrivant à l’université américaine de Girne à Chypre-Nord, avant de poursuivre ses études en master en gestion et management à l’université publique d’Istanbul. Cette trajectoire rapproche ironiquement Ekrem İmamoğlu des cadres de l’AKP, où les entrepreneurs sont beaucoup plus nombreux 1

De fait, İmamoğlu n’est ni un homme de parti, ni un homme d’appareil. Il entre en politique en 2008, à 38 ans, c’est-à-dire tardivement selon les standards turcs.

Malgré son profil atypique, il connaît une progression très rapide au sein du CHP  : en 2009, il se présente à l’investiture du parti pour la candidature au poste de maire de l’arrondissement stambouliote de Beylikdüzü, où il réside. Mais le parti lui préfère un autre candidat, qui essuiera un échec. İmamoğlu parvient toutefois à se faire élire président de la fédération du CHP de l’arrondissement. C’est lors des élections locales suivantes, en 2014, qu’il sera finalement investi candidat à la mairie de Beylikdüzü. À la surprise générale, il bat le maire sortant de l’AKP. Si ces élections marquent un recul électoral de l’AKP dans l’ensemble du pays, İmamoğlu signe une performance électorale remarquable, en l’emportant avec 50,8 % des voix, soit pratiquement 20 points de plus que le score que son parti avait obtenu dans cette circonscription au précédent scrutin local, en 2009.

La conquête de la mairie d’Istanbul

À la tête de cet arrondissement récent et périphérique — très différent des bastions du CHP situés dans les quartiers centraux de classe moyenne éduquée — Ekrem İmamoğlu s’entoure de conseillers bien formés et incarne un municipalisme original et conquérant. Il se distingue par son ambition, ses méthodes innovantes — notamment gestionnaires — et son recours à l’expertise. Il est sur tous les fronts et, bon communicant, parvient à le faire savoir.

Pour le scrutin suivant, son profil inclassable au sein d’un parti par ailleurs très clivé le fait apparaître comme un possible candidat à la municipalité métropolitaine d’Istanbul. 

En effet, İmamoğlu n’est pas rattaché aux deux principaux courants au sein du CHP, souverainiste et social-démocrate  ; il a donc peu d’ennemis.

Certains avaient attribué l’échec relatif (37 %) du candidat CHP à la mairie d’Istanbul lors des précédentes élections locales, Kemal Kılıçdaroğlu — qui prendra par la suite la direction du parti — à ses origines alévies 2, stigmatisées dans une partie de l’électorat, notamment conservateur. Sur ce plan, İmamoğlu s’avère mieux placé pour parler à l’électorat majoritaire sunnite. Par ailleurs, alors que son parti plafonne électoralement depuis des années et que l’AKP, qui remporte chaque scrutin depuis 2002, apparaît invincible dans les urnes, beaucoup pensent qu’il est temps d’introduire un peu de nouveauté, d’essayer d’autres formules.

Celui que l’on accuse dans le parti de gérer sa mairie comme une entreprise inverse le stigmate pour faire d’un handicap initial un avantage : il est investi candidat du CHP à la mairie d’Istanbul en 2019.

Si İmamoğlu peut apparaître alors comme « l’homme de la situation », c’est aussi dans un contexte politique particulier. Il s’agit en effet des premières élections depuis l’instauration d’un régime présidentiel (2018). Devant la concentration inédite du pouvoir que marque ce changement de régime, l’opposition, traditionnellement divisée, entre en coalition pour les présidentielles et législatives de 2018 avec un succès très relatif. Lors des municipales de 2019, l’enjeu est le même : détrôner l’AKP des mairies qu’il contrôle depuis les années 1990 nécessite que l’opposition s’unisse, car aucun parti pris isolément n’est susceptible de rassembler suffisamment de voix. Les partis d’opposition reconduisent ainsi leur alliance dans un grand nombre de circonscriptions. Cette coalition aux élections locales prend une dimension supplémentaire : le parti pro-kurde, le HDP — Parti de la démocratie des peuples —, ne faisait pas partie de la principale coalition d’opposition en 2018. Mais pour le scrutin local, il adopte un positionnement à géométrie variable : il présente ses propres candidats dans les municipalités du Sud-Est du pays, là où la population kurde est majoritaire et où il a une chance de gagner. Dans le reste du pays, dans les municipalités d’envergure qu’il n’a aucune chance de remporter — et que pourrait perdre l’AKP si l’opposition parvient à s’unir — le HDP ne présente pas de candidats — sans toutefois soutenir formellement la principale coalition d’opposition et ses candidats 3.

Dans cette conjoncture très spécifique, İmamoğlu s’avère capable de tendre la main à l’électorat conservateur votant habituellement pour l’AKP, grâce à un discours rassembleur, opposé au caractère traditionnellement clivant du discours CHP, notamment sur la question religieuse — il visite par exemple des mosquées durant ses campagnes. Il tente également d’élargir la base électorale de son parti en ralliant des électeurs de tous bords — sociaux-démocrates, nationalistes turcs, mais aussi conservateurs, libéraux, Kurdes… Il fait preuve d’une capacité à passer d’un registre idéologique à l’autre, quitte à se faire accuser d’être un caméléon politique.

C’est à Istanbul qu’Erdoğan a lui aussi commencé sa carrière politique.

Élise Massicard

D’un point de vue organisationnel, sa campagne est orchestrée par la fédération stambouliote du parti, et soutenue par les structures des autres partis de l’alliance. Mais İmamoğlu dépasse également ces logiques partisanes — notamment en mettant en place une organisation informelle ad hoc dédiée à soutenir sa candidature, et indépendante du parti, les «  Volontaires d’İstanbul  » (İstanbul Gönüllüleri), qui drainent bien au-delà des cercles partisans et militants. Les résultats électoraux montrent qu’il est parvenu à rassembler des voix de milieux très variés. 

Sa deuxième victoire électorale en 2019 est une nouvelle performance  : il remporte la plus grande municipalité de Turquie, contrôlée par des partis islamistes ou issus de l’islamisme pendant 25 ans,  contre l’ancien premier ministre de l’AKP — une figure d’envergure nationale. 

Cette conquête est d’autant plus importante que cette mégapole — 16 millions d’habitants — compte pour environ 40 % du PIB du pays. Enfin, il y a la charge symbolique : c’est à Istanbul qu’Erdoğan a lui aussi commencé sa carrière politique. Élu maire, en 1994, alors première victoire électorale éclatante du parti islamiste, il avait déclaré : « qui remporte Istanbul remporte la Turquie ».

De la gloire à la persécution — et dans le miroir d’Erdoğan

Deux autres éléments permettent à İmamoğlu d’acquérir une stature nationale. 

Tout d’abord, paradoxalement, ses racines en Mer Noire — l’un de ses autres points communs avec Erdoğan —, principale région d’origine des Stambouliotes. Depuis des décennies, les associations d’originaires figurent parmi les cibles prioritaires des candidats en quête de voix. Pendant sa campagne, İmamoğlu cultive ces origines, mettant en avant sa maîtrise des codes culturels régionaux et ses liens avec ces associations. Il va même jusqu’à faire campagne dans les provinces dont sont issus de nombreux Stambouliotes, notamment à l’occasion de la fête qui marque la fin du Ramadan et qui s’accompagne de quelques jours fériés durant laquelle de nombreux citadins rentrent au pays. Il est d’autant plus populaire dans la région que, dès 2002, donc bien avant son entrée en politique, il avait été coopté à la direction du club de football de Trabzonspor — l’un des principaux clubs du pays — signe de son insertion dans le patronat régional, très puissant à l’échelle nationale. Sa passion pour le football — il était joueur amateur dans sa jeunesse — ajoute à sa popularité — et lui fait un autre point commun avec Erdoğan.

En outre, quelques jours après la proclamation de sa victoire électorale, l’AKP fait un recours, alléguant des irrégularités au niveau des présidents de bureaux de vote, suite à quoi le Haut Comité électoral annule l’élection et convoque un nouveau scrutin pour juin 2019. Alors que ces présidents de bureaux de vote ont supervisé les quatre scrutins parallèles tenus simultanément ce jour-là, seule l’élection du maire d’Istanbul est annulée — et non celles pour les conseils municipaux ou les maires d’arrondissement, faisant soupçonner une manœuvre politique. 

Mais alors même qu’il est démis de ses fonctions dans des circonstances douteuses, İmamoğlu exhorte ses partisans à rester calmes. 

Sa prise de parole d’alors va marquer les mémoires et imposer sa stature dans tout le pays : « Ils voudront des conflits de notre part, ils voudront entendre des mots durs de notre part. Mais nous, qui ne voulons pas que cette nation se bagarre, qui voulons que cette nation s’embrasse, nous nous embrasserons sans relâche. » 4

Retroussant — littéralement — ses manches, il déclare simplement «  tout ira bien  » (« her şey güzel olacak »). Un mot d’ordre qui deviendra sa formule fétiche puis un phénomène viral sur les réseaux sociaux. 

Cette formule qui exprime la bienveillance, l’inclusion et l’espoir est à l’opposé du discours agonistique et polarisant caractéristique de l’AKP. Le signe d’un cœur fait avec les mains — qui pourrait apparaître comme parfaitement ridicule face aux discours haineux ambiants — devient signe de ralliement. Lors de ses campagnes, İmamoğlu est salué pour son approche modérée et son humour. Lors du nouveau scrutin — tenu trois mois après l’annulation du précédent — il remporte une victoire plus large encore, avec le meilleur score jamais remporté par un maire d’Istanbul depuis 1984 (54 % des suffrages exprimés).

Dès lors, İmamoğlu représente — comme Erdoğan en son temps — non seulement le gagnant d’une élection importante, mais surtout celui qui gagne dans l’adversité, contre un système qui tente de lui barrer la route, bref celui qui parvient, grâce au soutien populaire et à son charisme, à fendre le courant. 

Cette troisième élection victorieuse marque aussi le début de ses vrais ennuis.

Comme Erdoğan, İmamoğlu devient l’homme qui n’a jamais perdu d’élection.

Élise Massicard

Très rapidement, il est condamné à deux ans et demi de prison et à une interdiction de droits politiques pour insulte à détenteur de l’autorité publique — il avait qualifié les juges ayant annulé sa première élection d’«  imbéciles  ». Il fait appel, mais cette épée de Damoclès plane sur lui. Un autre tribunal entame ensuite une procédure à son encontre pour des soupçons de trucage d’appels d’offres. Ces démêlés avec la justice — sans parler des nombreux obstacles semés sur sa route par le pouvoir central pour limiter ses ressources et moyens d’action — font, là aussi, écho à l’expérience d’Erdoğan, qui, lorsqu’il était maire d’Istanbul, avait été condamné et incarcéré durant quelques mois en 1998 pour avoir récité un poème qu’un tribunal a considéré comme une incitation à la haine religieuse.

Malgré ces entraves, une fois à la tête de la mairie d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu maintient son ambition de renouveler la gouvernance locale. 

À la différence de l’équipe municipale sortante issue des rangs de l’AKP, qui avait privilégié les très grands projets d’infrastructure pour lesquels il ne dispose pas des moyens nécessaires, İmamoğlu se concentre sur les services sociaux, et l’amélioration du quotidien des habitants. La mairie ouvre des crèches — dont le nombre dans la capitale est notoirement insuffisant — ainsi que de nombreux restaurants municipaux bon marché, employant des personnes issues des groupes marginalisés. Elle fait construire et gère des résidences universitaires — non seulement pour atténuer la crise du logement étudiant, mais aussi créer des alternatives aux fondations religieuses liées au gouvernement —  ; elle ouvre des dizaines de nouvelles bibliothèques, de centres culturels et de théâtres, en particulier dans les quartiers défavorisés, sous-dotés en infrastructures culturelles. En permettant aux habitants de socialiser dans des lieux autres que les mosquées et les centres commerciaux, la municipalité métropolitaine d’Istanbul ambitionne de devenir le laboratoire d’un contre-projet politique et social. Comme Erdoğan l’avait fait en son temps autour des services aux citoyens, de la réponse aux demandes des citadins, et de la lutte contre la corruption, İmamoğlu veut remodeler en profondeur la ville. Et il le fait savoir  : face à un paysage médiatique largement contrôlé par le pouvoir, la mairie utilise tous ses moyens de communication — notamment dans les lieux publics et les transports — pour faire connaître son action, mais aussi les réseaux sociaux et les moyens numériques. Le citoyen lambda peut suivre en direct les délibérations du conseil municipal.

Après İmamoğlu, éteindre l’étincelle du CHP

En 2023, İmamoğlu figure parmi les possibles candidats de l’opposition pour les présidentielles.

Les sondages le donnent même comme celui le plus à même de battre Erdoğan. 

En raison de rivalités internes à la coalition d’opposition — mais surtout à son propre parti, sa stature faisant peur même à l’intérieur du CHP — il ne sera pas investi. 

Lors du congrès de novembre 2023, le président de longue date du CHP et candidat malheureux à la présidentielle, Kemal Kılıçdaroğlu, tombé en disgrâce, est remplacé par Özgür Özel, plus proche d’İmamoğlu. Ce dernier se représente à sa propre succession lors du scrutin local en 2024. 

Alors que l’échec électoral de 2023 a fait éclater la coalition d’opposition au niveau national, İmamoğlu parvient à la reconstituer à l’échelle d’Istanbul autour de sa candidature. Le CHP arrive en tête du scrutin en nombre de voix et remporte de nombreuses municipalités. Quant à İmamoğlu, il est réélu avec une large avance. 

Ses quatre victoires électorales successives impressionnent  : comme Erdoğan, il devient l’homme n’a jamais perdu d’élection.

Sa candidature à la présidentielle prévue en 2028 apparaît dès lors pratiquement comme une évidence.

Le CHP entreprend de l’investir comme candidat très tôt — en mars 2025 — pour lui permettre de consolider sa stature et de se positionner sur les enjeux nationaux. Alors que le pouvoir en place souffre d’usure, plusieurs sondages indiquent alors qu’İmamoğlu est susceptible de battre Erdoğan dans les urnes. 

C’est à ce moment-là que l’étau se resserre : mi-mars, l’université d’Istanbul invalide son diplôme en raison de supposées irrégularités dans son transfert de l’université chypriote, ce qui lui barre la route de la présidence — être titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur est en Turquie une condition pour devenir Président de la République, l’existence de celui d’Erdoğan fait d’ailleurs débat. İmamoğlu fait appel de cette décision mais est arrêté dès le lendemain pour deux chefs d’accusation  : soutien au terrorisme et corruption — le dernier, retenu contre lui, a donné lieu à son incarcération.

Faute de pouvoir se tenir dans les urnes en l’absence d’élections, la politique turque se joue en ce moment à la fois dans la rue, dans les tribunaux, et dans les équilibres internes du principal parti d’opposition. 

Élise Massicard

Depuis, le dirigeant du CHP, Özgür Özel, s’est attiré les foudres du pouvoir en organisant chaque semaine des rassemblements, y compris dans des villes longtemps considérées comme des bastions de l’AKP, pour maintenir et élargir la mobilisation, avec un relatif succès. 

Début septembre, un tribunal administratif annule les résultats du congrès ordinaire provincial d’Istanbul du CHP tenu en octobre 2023, pour cause d’irrégularités supposées dans les élections internes au parti, et destitue sa direction provinciale ainsi que les presque 200 délégués qui y avaient été élus. Le tribunal nomme aussi une nouvelle équipe, menée par une figure dissidente du parti, proche de l’ancienne direction du CHP. 

Des accusations similaires d’irrégularités visent également le congrès national du parti en novembre 2023 lors duquel a été élue l’actuelle équipe dirigeante, qui pourrait dès lors être démise de ses fonctions et remplacée par l’ancienne équipe dirigeante du parti. Une étape est franchie  : si les destitutions de maires se sont banalisées depuis une dizaine d’années, c’est la première fois dans l’histoire du pays que la direction élue d’un parti risque la destitution et qu’un parti pourrait être dirigé par des administrateurs nommés.

C’est en prévision de cette audience que le CHP a convoqué le congrès extraordinaire du 21 septembre, pour protéger et reconduire sa direction nationale élue. 

Quoi qu’il advienne dans ce climat de tension extrême, la lutte politique en Turquie se déplace et se transforme.

Faute de pouvoir se tenir dans les urnes en l’absence d’élections, elle se joue à la fois dans la rue, dans les tribunaux, et dans les équilibres internes du principal parti d’opposition. 

Plus qu’un homme politique, plus que l’enjeu de la prochaine présidentielle, c’est la possibilité en Turquie d’entrevoir d’autres horizons qui se joue – la possibilité d’une alternance voire même, tout simplement, d’une opposition.

Sources
  1. Alexandre Toumarkine et Béatrice Garapon, « Ekrem İmamoğlu : un candidat CHP au profil atypique qui sait mobiliser la dimension locale comme ressource électorale » in E. Massicard, La présidentialisation au risque de la gouvernance municipale, Observatoire Turquie, Noria, Etude n°2, 2020.
  2. Les alévis sont un ensemble de groupes hétérodoxes ne se reconnaissant pas dans l’islam sunnite.
  3. Benhaim, Y., Massicard, É. et Toumarkine, A., « La dynamique des coalitions électorales en Turquie », Pôle Sud, nº61(2), 13-36, 2024.
  4. Cité par F. Michael Wuthrich and Melvyn Ingleby, “The Pushback Against Populism : Running on “Radical Love” in Turkey”, Journal of Democracy, 31(2), 2020, p. 24-40.