Points clefs
- 1 350 milliards d’ici 2028 : ce que l’accord commercial avec les États-Unis coûtera aux Européens en comptant les achats d’énergie (gaz, pétrole, nucléaire) et les investissements que les compagnies du continent devront réaliser.
- 100 panneaux solaires par seconde : le nombre que la Chine a installé au mois de mai. Depuis le début de l’année, 212 GW de nouvelles capacités ont été connectés au réseau — soit le double par rapport au premier semestre 2024.
- 1 930 000 pertes nouvelles : le nombre de morts et de blessés qu’engendrerait du côté russe 4,4 ans de guerre supplémentaires, le temps dont Moscou aurait besoin pour prendre l’intégralité des quatre oblasts ukrainiens — Lougansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson — que Poutine réclame dans le cadre des négociations.
- 18,6 % : le taux tarifaire effectif moyen américain actuel, le plus élevé depuis 1933.
- 1,53 °C : l’écart par rapport à l’ère pré-industrielle de la moyenne des températures sur la période de 12 mois allant d’août 2024 à juillet 2025.
- 19 990 000 000 000 dollars : le PIB de l’Union européenne — contre 19 230 000 000 000 pour la Chine.
- 15,4 % : la part de la population née à l’étranger aux États-Unis au mois de juin, une baisse de 0,4 point par rapport à janvier.
1 — Nous sommes désormais plus proches de 2050 que de 2000
Depuis le 2 juillet à midi et une seconde, l’humanité est plus proche de l’année 2050 que de l’an 2000.
Ce futur qui paraît encore si lointain et incertain sera ainsi plus proche d’un passé qui, pour certains, n’est pas encore vraiment passé.
Au cours des 25 dernières années, l’humanité a connu des transformations majeures, dont les grandes lignes peuvent être résumées en quelques chiffres clefs :
- seulement 6,7 % de la population mondiale utilisait Internet en 2000, contre 67,4 % aujourd’hui ;
- tous les réseaux sociaux que nous utilisons chaque jour ont été créés après 2000 ;
- les premiers smartphones datent de 2007 ;
- en 2000, le PIB de la Chine en dollars constants était inférieur à celui de l’Allemagne — aujourd’hui, il est près de cinq fois supérieur ;
- le trafic aérien mondial a plus que doublé en l’espace de 25 ans et culmine aujourd’hui à 130 000 vols par jour.
Si 2000 paraît si proche, qui arrive à se faire une idée, même très vague, de ce que pourrait être 2050 ?
2 — Le plus grand concert de l’histoire européenne
Le 5 juillet, l’hippodrome de la capitale croate a été le théâtre du plus grand concert payant de l’histoire européenne.
Dans un pays de seulement 4 millions d’habitants, près de 500 000 spectateurs ont assisté au méga-concert du groupe de l’ancien militaire ultranationaliste et ethno-rockeur nostalgique du fascisme « Thompson », qui loue les « gênes de pierre » ou « Dieu et les Croates ».
Si la politique croate s’est principalement distinguée ces dernières années par une ligne modérée et pro-européenne, contrastant avec l’ambiance plus ouvertement conflictuelle qui prévalait en Serbie et en Bosnie-Herzégovine, le succès de Thompson révèle la persistance d’un mouvement nationaliste puissant dans l’opinion.
En toile de fond se lit le souvenir douloureux et récent des guerres de Yougoslavie, mais aussi un rapport resté ambigu à la mémoire des dictatures du XXe siècle.
Une traduction commentée des principaux titres du chanteur nationaliste le plus puissant d’Europe est disponible ici.
3 — Le lancement du barrage de Medog
Le 19 juillet, le Premier ministre chinois Li Qiang a officiellement lancé le projet de construction d’un gigantesque barrage sur le fleuve Yarlung Tsangpo, dans la région autonome du Tibet.
Une fois terminé, celui-ci pourrait devenir le plus grand ouvrage hydroélectrique au monde, avec une capacité annuelle de production de 300 TWh d’électricité — soit plus que l’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni.
Avec un coût estimé à 1 200 milliards de yuans (143 milliards d’euros), le barrage de Medog serait l’une des infrastructures les plus coûteuses de l’histoire et sa construction pourrait faire croître le PIB chinois de 0,1 point de pourcentage chaque année durant une décennie.
Le barrage demeure largement controversé. À cause de sa localisation à proximité de l’État indien d’Arunachal Pradesh, il est susceptible de devenir une importante source de tensions avec New Delhi qui a déjà déclaré prendre des mesures « visant à préserver la vie et les moyens de subsistance des citoyens indiens résidant dans les zones en aval ».
4 — L’escalade entre le Cambodge et la Thaïlande
Le 24 juillet, la Thaïlande et le Cambodge ont commencé à échanger des tirs d’artillerie lourde à travers leur frontière contestée.
Cet affrontement s’inscrit dans l’histoire d’un litige frontalier ancien, cristallisé autour d’une série de temples (Preah Vihear, Prasat Ta Muen Thom et Ta Krabey). Bien que la Cour internationale de justice ait attribué la souveraineté de ces temples au Cambodge en 1962, la Thaïlande maintient une présence militaire dans la zone qu’elle continue de revendiquer.
Le 28 juillet les deux pays ont convenu d’un cessez-le-feu, à la suite de pourparlers bilatéraux en Malaisie auxquels la Chine et les États-Unis ont participé en tant qu’observateurs.
Pour Michel Foucher les affrontements de cet été démontrent que : « Les problèmes liés aux frontières doivent être considérés comme des questions techniques (tracés, cartographie de référence, accords antérieurs, bonnes pratiques et précédents de règlement) et traités comme tels, avec l’appui d’experts. Il est donc essentiel de les dépolitiser, car les opinions publiques sont binaires et rétives à la complexité sur ces sujets ».
5 — L’accord commercial entre l’Union et les États-Unis
Le 27 juillet, depuis l’Écosse où il s’était rendu pour jouer au golf, Donald Trump avait annoncé avec Ursula von der Leyen que les États-Unis et l’Union européenne avaient trouvé un accord commercial.
Les mesures, qui concernaient principalement l’imposition de droits de douane américains de 15 % sur les importations européennes, avaient été accompagnées d’une photo sur laquelle la délégation européenne apparaissait souriante, le pouce levé.
Les détails ont été confirmé le 21 août avec la publication par la Commission européenne et la Maison-Blanche d’une déclaration conjointe.
Qu’est-ce que l’Union obtient ?
- Les États-Unis fixent un plafond de 15 % sur la plupart des produits européens (y compris les voitures, les pièces détachées, les produits pharmaceutiques, les semi-conducteurs et le bois). Toutefois, le nouveau taux sur les voitures (soumises actuellement à 27,5 %) ne sera appliqué qu’à partir du début du mois au cours duquel l’Union aura entamé le processus législatif de mise en œuvre de l’accord.
- Une série de produits sont exemptés et l’ancien taux continuera à s’appliquer. On retrouve dans cette liste des exemptions : certaines ressources naturelles non disponibles, notamment le liège ; tous les aéronefs et pièces d’aéronefs ; les médicaments génériques et leurs composants ; les précurseurs chimiques.
Qu’est ce que l’Union offre en échange ?
- L’Union s’engage à éliminer les droits de douane sur les produits industriels américains et à faciliter l’accès au marché unique pour certaines exportations agroalimentaires américaines, avec un taux proche de zéro.
- Elle s’engage à acheter 750 milliards de dollars de produits énergétiques américains (gaz naturel liquéfié, pétrole, produits nucléaires) d’ici 2028, 40 milliards de puces d’intelligence artificielle, et les entreprises européennes devraient, selon la Commission européenne, investir 600 milliards supplémentaires.
- L’Union prévoit également d’augmenter de manière significative ses achats d’équipements militaires et de défense américains.
- En matière de réglementation, la Commission prévoit de prendre en compte les préoccupations américaines concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières — dont l’application devrait être rendue plus flexible —, la directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises et la directive sur le reporting de durabilité des entreprises.
- La déclaration inclut également une référence à de possibles mesures visant la Chine, notamment un accord de collaboration sur le contrôle des investissements entrants et sortants, le contrôle des exportations et l’évasion des droits de douane, ainsi que l’élimination du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement.
Plusieurs de ces engagements sont en contradiction avec les objectifs de l’Union en matière de développement d’une base industrielle de défense européenne et avec les objectifs climatiques.
Le Parlement européen et le Conseil devront tous deux se prononcer sur l’accord.
6 — Lancement par OpenAI de GPT-5 : l’IA est-elle une bulle ?
Le 7 août, OpenAI a annoncé le lancement de GPT-5, la dernière version — présentée comme la plus performante — du chatbot IA le plus utilisé au monde.
Il s’agit toutefois moins d’une rupture technologique que d’une refonte de systèmes déjà existants : GPT-5 est de fait une famille de modèles avec plusieurs variantes arbitrant entre efficacité et raisonnement pour les tâches complexes. Un routeur en amont a pour but d’orienter chaque requête vers la variante la plus adaptée — voire d’enchaîner plusieurs modèles — en optimisant coût, latence et qualité.
OpenIA a accompagné ce lancement d’une imposante opération de marketing, Sam Altman déclarant : « Nous pensons que vous aimerez utiliser GPT-5 beaucoup plus que toute autre IA auparavant. Il est utile, intelligent, rapide et intuitif. GPT-3, c’était un peu comme parler à un lycéen : des éclairs de génie, mais aussi beaucoup d’agacement. GPT-4, c’était plutôt comme discuter avec un étudiant de l’université… Avec GPT-5, c’est désormais comme parler à un véritable expert, un expert de niveau doctorat dans n’importe quel domaine, capable de vous aider à atteindre vos objectifs. »
Devant les nombreuses fautes absurdes et hallucinations du modèle, les réactions ont été dominées par la critique.

Après ce lancement, où en sommes-nous dans la course à l’intelligence artificielle générale (AGI) ?
Pour Gary Marcus, « Après avoir investi plus de 500 milliards de dollars dans cette direction, le constat est clair : les limites qualitatives observées sur GPT-3 ou GPT-4 — hallucinations persistantes, erreurs de raisonnement, faiblesses en vision, difficultés à effectuer des tâches simples comme compter correctement — se retrouvent à l’identique dans GPT-5, malgré des gains marginaux et un coût moins élevé. Le mythe d’une AGI imminente grâce au seul « scaling » doit être abandonné ».
Plus encore, la publication le 18 août d’un rapport par le projet NANDA du MIT a contribué au retrait de plusieurs centaines de milliards de dollars d’investissement dans les actions des principales entreprises technologiques américaines. Selons ses auteurs, « malgré 30 à 40 milliards de dollars d’investissements dans l’IA générative, 95 % des organisations n’obtiennent aucun retour sur investissement […] Seuls 5 % des projets pilotes d’IA intégrée génèrent des millions de dollars de valeur, tandis que la grande majorité reste bloquée sans impact mesurable sur le résultat net ».
7 — Ukraine : à Dobropillia, a-t-on vraiment assisté à une percée russe ?
Le 12 août, les forces russes ont ouvert une brèche à l’est de Dobropillia, une ville de plus de 20 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres au nord de Pokrovsk, dans l’oblast de Donetsk. Il s’agit d’un secteur qui maintient des voies logistiques vitales ukrainiennes.
L’État major ukrainien avait qualifié ces avancées d’« infiltration ». Depuis, les opérations ukrainiennes de « stabilisation » de la ligne de front continuent. Pour Kiev, le principal risque d’une percée russe durable dans ce secteur est l’encerclement de Pokrovsk par le nord.
Ce n’est pas la première fois ces derniers mois que des éléments légers russes parviennent à s’infiltrer relativement profondément derrière les lignes ukrainiennes.
Déjà, en avril dans le secteur de Toretsk et fin juillet au sud de Pokrovsk, de petits contingents russes étaient brièvement parvenus à atteindre des avancées inhabituellement profondes. Cet épisode illustre toutefois les dynamiques et les transformations de la guerre, trois ans et demi après l’invasion russe à grande échelle.
- la tactique russe a reposé presque exclusivement sur l’infanterie, appuyée par des moyens motorisés légers, comme des motos ou des vélos ;
- les drones — pour lesquels les Ukrainiens ont un réel avantage — joue un rôle majeur dans le conflit, mais l’infanterie demeure décisive ;
- le front n’est plus une ligne continue de tranchées fortement défendues qui se font face mais une bande poreuse de zones contestées, pouvant faire plusieurs dizaines de kilomètres de large par endroits ce qui rend possible pour des éléments légers de passer inaperçus et d’avancer relativement loin, sans pour autant constituer une percée exploitable, en raison de l’absence de vecteurs lourds.
En étudiant minutieusement la guerre en Ukraine, l’un des officiers les plus brillants de l’armée française, qui écrit sous pseudonyme, note : « les évolutions technologiques, qui rendent son emploi moins concentré, ont en effet accentué le déséquilibre de force entre l’infanterie et les autres armes sur le champ de bataille. Cela se traduit, quoique dans des modalités différentes, par une infanterie qui fait défaut des deux côtés : en quantité du côté ukrainien et en qualité du côté russe. Du fait de sa plus grande attrition au combat et des difficultés conséquentes pour motiver des personnes de qualité à y servir volontairement, les deux armées peinent à constituer des masses de combat nombreuses et bien formées ».
8 — Vladimir Poutine et Donald Trump à Anchorage
Le 15 août, Vladimir Poutine a rencontré Donald Trump à Anchorage, en Alaska.
Si aucune avancée n’a été réalisée concernant la guerre en Ukraine, Moscou a désormais une position maximaliste : pour mettre fin à son agression, « les causes profondes de la guerre » doivent être réglées.
- Selon différentes sources, Poutine aurait demandé en Alaska un retrait total de l’Ukraine de l’oblast de Donetsk — dont plus d’un cinquième est toujours sous le contrôle des forces ukrainiennes — et le gel du front sur ses lignes actuelles dans les régions de Kherson et Zaporijia.
- L’Ukraine récupérerait en retour les poches de territoires occupées par les forces russes dans le nord de la région de Soumy et dans le nord-est de la région de Kharkiv.
- Poutine aurait également demandé la reconnaissance du contrôle russe de la Crimée ainsi que la levée des sanctions.
- Les autres demandes pourraient concerner le statut de la langue russe et de l’Église orthodoxe.
Depuis, une série de rencontres diplomatiques s’est enchaînée, et le 18 août, le président américain a reçu le président ukrainien Volodymyr Zelensky, accompagné de six dirigeants européens : le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, le président finlandais Alexander Stubb, la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, ainsi que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte.
Donald Trump et son émissaire, Steve Witkoff, avaient déclaré que le président russe avait donné son accord à des « garanties de sécurité robustes » pour l’Ukraine. La rencontre avec les Européens s’est presque exclusivement concentrée sur ce sujet.
- Mais la Russie garde la même position : Moscou considère qu’elle devrait elle-même garantir la sécurité du pays. La nouveauté serait plutôt que les États-Unis seraient prêts à offrir de telles garanties, même s’il s’agirait uniquement de le faire sans troupes au sol et en appui aux Européens.
- Aucun progrès n’a été réalisé concernant une éventuelle rencontre entre Poutine et Zelensky, sur laquelle Trump s’était engagé.
- Le 22 août le président américain a déclaré : « Je dirais que, dans les deux prochaines semaines, nous saurons d’une manière ou d’une autre. Après cela, nous devrons peut-être adopter une approche différente ». « Ce sera une décision très importante, et soit il y aura des sanctions ou des droits de douane massifs ou les deux, ou bien nous ne ferons rien et diront : ‘C’est votre combat’. »
9 — La fin de l’hégémonie de la gauche et d’Evo Morales en Bolivie
Le 18 août a eu lieu le premier tour de l’élection présidentielle en Bolivie. Le sénateur de centre-droit Rodrigo Paz est arrivé en tête avec 32,1 % des voix. Il affrontera le 19 octobre l’ancien président de droite Jorge « Tuto » Quiroga (26,8 %).
Le millionnaire Samuel Doria Medina — donné favori par les sondages — est arrivé en troisième position avec 19,8 % des suffrages.
Si la gauche a dominé la vie politique depuis 2006, le candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS), fondé par Evo Morales en 1997, n’a obtenu que 3,18 % des voix. En 2005, 2009, 2014 et 2020, le parti avait remporté la victoire dès le premier tour.
De son côté, Evo Morales, qui est interdit de se présenter et poursuivi pour « traite » d’une mineure, a appelé ses partisans au vote blanc — portant ce dernier à 19 %.
10 — Une nouvelle colonie israélienne en Cisjordanie
Le 20 août, le Conseil supérieur de planification de l’administration civile, un organe israélien responsable de la planification et de l’aménagement du territoire en Cisjordanie, occupée illégalement depuis 1967, a approuvé le lancement d’un projet controversé de colonie, baptisé « E1 », qui couperait de facto le territoire en deux.
Le projet E1 est à l’étude depuis les années 1990. Il a toutefois été bloqué à plusieurs reprises en raison de pressions exercées en Israël et à l’international qui dénonçaient l’impact que celui-ci aurait sur la perspective de création d’un État palestinien.
Il dispose toutefois aujourd’hui du soutien de l’administration Trump : Mike Huckabee — le premier évangélique à occuper le poste d’ambassadeur américain en Israël —, a exprimé son soutien au projet dans un revirement sans précédent.
- La relance du projet E1 est portée par le ministre israélien des Finances et homme politique d’extrême droite Bezalel Smotrich.
- Dans un discours prononcé jeudi 14 août, il a déclaré : « Un État palestinien ne sera jamais établi […] Cette terre est la nôtre ; nous y sommes revenus après 2 000 ans afin d’y rester pour toujours. »
- Cette décision s’inscrit dans un contexte marqué par l’explosion des violences commises ces derniers mois par des colons contre des Palestiniens, souvent sans que les auteurs de ces violences soient sanctionnés — et alors que le gouvernement israélien a rappelé 60 000 réservistes pour une nouvelle opération militaire visant la conquête de la ville de Gaza.