Qu’est-ce que Palantir, le nouveau géant de la surveillance américain ?

Peu d’entreprises ont autant bénéficié du retour au pouvoir de Donald Trump que Palantir, l’entreprise co-fondée par Peter Thiel en 2003. Initialement tournée vers la lutte antiterroriste et relativement discrète, la notoriété de Palantir explose suite à la capture de Ben Laden en mai 2011, au cours de laquelle sa plateforme d’analyse « Gotham » aurait joué un rôle central.

L’empreinte de Palantir au cours de la décennie 2010 demeure principalement sectorielle.

• En 2013, Palantir compte parmi ses clients au moins 12 départements et agences du gouvernement fédéral : des agences de renseignement (FBI, CIA et NSA), mais également le département de la Sécurité intérieure (DHS), le corps des Marines, l’armée de l’air et l’académie militaire de West Point ¹.
• L’entreprise développe aussi des systèmes permettant de suivre la fabrication puis la distribution de vaccins durant la pandémie, et fournit des logiciels à la police de contrôle aux frontières (ICE) utilisés pour les opérations d’arrestations de migrants.
• Aujourd’hui, Palantir vend deux produits principaux : Gotham, une plateforme d’analyse de données utilisée par des agences gouvernementales et des services de renseignement (notamment au Royaume-Uni, au Canada, en Australie…), et Foundry, un logiciel destiné aux entreprises privées pour intégrer, analyser et visualiser des données à grande échelle.

Avec une capitalisation boursière de 375 milliards de dollars, Palantir a dépassé cette année les cinq géants de l’industrie — Lockheed Martin, RTX, Boeing, General Dynamics et Northrop Grumman.

• Cela témoigne de la coopération croissante entre le Pentagone et la Silicon Valley avec le retour au pouvoir de Donald Trump.
• Dans une lettre adressée aux investisseurs début mai, le PDG de Palantir, Alex Karp, écrivait : « Nous, les hérétiques, cette bande hétéroclite de personnages, avons été rejetés et presque mis au rebut par la Silicon Valley. Et pourtant, des signes indiquent que certains acteurs de la Silicon Valley ont désormais changé d’avis et commencé à suivre notre exemple » ².

Depuis janvier, Palantir a reçu plusieurs contrats d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars, notamment un de 800 millions de dollars de la part de l’armée pour intégrer Maven Smart à ses chaînes de commandement. Il s’agit d’un logiciel de ciblage alimenté par l’intelligence artificielle, qui combine des données provenant de drones, de satellites et de services de renseignement dans une « chaîne de destruction » utilisée pour aider à la prise de décision.

Les logiciels et systèmes de Palantir se retrouvent à chaque échelon du gouvernement fédéral et occupent désormais une place structurante dans le projet de construction d’une « République technologique » prônée par Alex Karp dans un livre publié en février.

Depuis l’obtention d’un nouveau contrat avec la police de contrôle des frontières en avril, l’entreprise de Peter Thiel a été chargée, dans le cadre des missions du DOGE, de construire un « méga API » qui permettrait de partager les milliards de données détenues par l’agence en charge de la collecte de l’impôt (IRS) avec d’autres branches du gouvernement, de manière à faire de son logiciel Foundry le « centre de lecture de tous les systèmes de l’IRS ».

• Cela s’inscrit dans le même effort mené par l’administration Trump pour compiler et regrouper des milliers de données sur les citoyens américains, notamment médicales et fiscales, dans une seule méga-base de données pouvant servir à traquer et à déporter des personnes en situation irrégulière aux États-Unis.