Apple est-il sur le point de manquer le tournant vers l’IA ?

Depuis sa création en 1976 et la commercialisation de l’iPhone de première génération quatre décennies plus tard — le premier smartphone moderne au monde —, Apple est devenue en 2023 la première entreprise à passer la barre des 3 000 milliards de dollars de capitalisation. Au cours des cinq derniers mois, l’action Apple s’est toutefois contractée de plus de 20 %, minée par les tarifs douaniers mis en place par Trump mais également par l’incapacité de l’entreprise à intégrer l’intelligence artificielle dans ses produits.

• Bien avant le lancement de ChatGPT en novembre 2022, Apple a implémenté de nombreuses fonctionnalités alimentées par l’IA, comme les technologies de déverrouillage des smartphones Touch ID (lecture d’empreinte digitale) puis Face ID (système de reconnaissance faciale).
• Dès l’été 2024, Apple a ainsi fait savoir que son nouvel iPhone 16 intégrerait le système « Apple Intelligence », avant d’annoncer en septembre dernier que le smartphone avait été « entièrement conçu » autour de l’IA.
• Samsung, l’un des principaux concurrents d’Apple, a commencé en mars 2025 le déploiement de sa nouvelle interface One UI 7, qui intègre de nouvelles fonctionnalités reposant sur l’IA, suivi par le chinois Xiaomi avec sa suite d’outils intelligents Hyper AI.

Apple a toutefois peiné à intégrer l’IA à ses nouveaux produits. Il a fallu plusieurs mois à l’entreprise pour implémenter certaines des fonctionnalités pourtant promues par les campagnes publicitaires, et certaines améliorations et mises à jour sont, pour l’heure, toujours en attente.

En mars, plusieurs clients d’Apple ont intenté une action collective dénonçant l’écart entre les promesses faites au moment du lancement de l’iPhone 16 et les fonctionnalités disponibles six mois plus tard ¹. La sortie de la mise à jour de Siri, qui devrait être amélioré grâce à l’IA, a été décalée à plusieurs reprises depuis l’annonce initiale en juin 2024, avant d’être finalement repoussée sine die.

• Selon des informations obtenues par Bloomberg, le vice-président senior des services d’Apple, Eddy Cue, considère que la « crise » que traverse l’entreprise est assez sérieuse pour « menacer la position dominante d’Apple dans le monde technologique » ².
• Des données internes révèlent que ses technologies « accusent un retard de plusieurs années sur ses concurrents ».
• En mars, le vice-président directeur de la stratégie en matière d’apprentissage automatique et d’IA d’Apple, John Giannandrea, recruté en 2018 pour diriger le département IA — après avoir occupé le poste de directeur technique chez Netscape, l’entreprise pionnière du web co-fondée par Marc Andreessen, puis de directeur de la recherche et de l’IA chez Google —, s’est vu retirer ses fonctions liées au développement de produits, notamment de Siri et des appareils robotiques.
• Afin de rattraper son retard, Apple a entrepris le mois dernier une réorganisation complète de son équipe pour revenir au modèle mis en place avant l’arrivée de Giannandrea, il y a sept ans.

La domination technologique d’Apple est également menacée par la politique commerciale de Trump, qui a poussé l’entreprise à délocaliser sa production d’iPhone en Inde — un choix critiqué par le président américain, qui a déclaré avoir un « petit problème » avec le PDG Tim Cook et appelé l’entreprise à déplacer sa production aux États-Unis.

• La position dominante d’Apple a contribué à façonner les chaînes d’approvisionnement mondiales dans un grand nombre de domaines, allant des semi-conducteurs jusqu’au verre utilisé pour les écrans de ses smartphones.
• Les milliards de dollars investis chaque année par Apple aux États-Unis dans des centres de données, la fabrication de semi-conducteurs, le développement de logiciels ou le machine learning sont essentiels à la domination technologique de Washington.

Malgré sa capitalisation supérieure à 3 000 milliards de dollars ainsi que des dizaines de milliards de dollars de liquidités, l’effondrement de plusieurs grandes entreprises, en raison de leur incapacité à s’adapter à des bouleversements technologiques, suggère qu’Apple n’est pas immunisé face aux potentielles conséquences d’un tournant manqué vers l’IA.

• L’entreprise finlandaise Nokia a largement disparu après avoir manqué le virage vers les téléphones intelligents, le canadien Blackberry s’est retiré du marché des smartphones en 2022 après avoir manqué le tournant des claviers virtuels, les réseaux sociaux Friendster et Vine n’ont pas réussi à s’adapter face à la concurrence de Facebook ou de TikTok et, plus récemment, le logiciel Skype a été retiré du marché pour laisser la place à d’autres services comme Zoom et Google Meet.

Au début du mois de mai, Eddy Cue a déclaré qu’en avril, pour la première fois depuis 22 ans, les recherches Google sur les appareils Apple avaient enregistré une chute qui pourrait être attribuée à l’utilisation des chatbots. Il ajoutait : « Dans dix ans, vous n’aurez peut-être plus besoin d’un iPhone, aussi fou que cela puisse paraître […] La seule façon d’avoir une véritable concurrence, c’est quand il y a des changements technologiques. Les changements technologiques créent ces opportunités. L’IA est un nouveau changement technologique, et elle crée de nouvelles opportunités pour les nouveaux entrants » ³.