L’annonce mardi 13 mai par Donald Trump de la levée des sanctions américaines sur la Syrie a déclenché une vague d’euphorie dans le pays. Les réseaux sociaux syriens se sont remplis de photos retouchées arborant le slogan « Make Syria Great Again », le ministre des Finances, Mohammed Yisr Barnieh, a déclaré s’attendre à un important affllux de capitaux, et la livre syrienne a gagné 60 % dans la soirée 1.

Bien que Trump ne soit pas en mesure de lever seul les sanctions et aura besoin du Congrès, ses déclarations constituent un revirement inattendu de la position de Washington.

  • Impensable il y a encore quelques mois, la rencontre entre Trump et le nouveau président syrien Ahmed al-Charaa hier, mercredi 14 mai, était surprenante.
  • Il s’agissait de la première fois depuis 25 ans qu’un président américain rencontrait un chef d’État syrien. La semaine dernière, mercredi 7 mai, al-Charaa s’était également rendu à l’Élysée à l’invitation d’Emmanuel Macron.

Les premières sanctions américaines sur la Syrie ont été imposées en 1979, lorsque Hafez el-Assad était au pouvoir, en raison de son implication dans la guerre civile libanaise. La plupart des restrictions ont toutefois été mises en place en 2004 puis en 2011 en réponse à la répression violente de la révolution syrienne engagée par Bachar el-Assad, qui a provoqué la mort de plus de 600 000 personnes — dont plus d’un quart étaient des civils.

  • Dans ses derniers jours, en janvier, l’administration Biden avait levé un certain nombre de restrictions afin de permettre la livraison d’aide humanitaire et autorisé pour une durée de six mois certaines transactions avec la Syrie, notamment en matière d’énergie 2.
  • Toutefois, les mesures les plus significatives, notamment l’embargo sur le pétrole et les produits pétroliers, la déconnexion des banques syriennes du système de paiement SWIFT, l’inscription de la Banque centrale syrienne sur la SDN List de l’Office of Foreign Assets Control et l’interdiction pour des acteurs américains et internationaux d’investir dans le pays sont toujours en place.
  • La reconduction par le Congrès de certaines de ces sanctions, notamment les dispositions contenues dans la loi César sur la protection des civils en Syrie, renouvelée en décembre par le National Defense Authorization Act 2025, nécessiterait un important soutien des démocrates pour abroger les textes concernés 3.
  • Le sénateur républicain et proche de Trump, Lindsey Graham, a d’ores et déjà signalé avoir des réserves quant à une levée trop rapide des restrictions pesant sur Damas, et a précisé que l’administration avait « fourni des indications aux responsables syriens sur les conditions à remplir avant tout allègement des sanctions » 4.

Selon un récent rapport du Programme des Nations unies pour le développement, plusieurs dizaines de milliards de dollars seront nécessaires pour reconstruire le pays, la guerre ayant conduit à une perte de PIB estimée à 800 milliards de dollars entre 2011 et 2024 5.

La semaine dernière, des rumeurs suggéraient que le nouveau président syrien souhaitait présenter à Trump un « plan Marshall » pour la reconstruction de la Syrie en partenariat avec des entreprises américaines — qui « l’emporteraient sur la concurrence chinoise et celle d’autres puissances », selon des responsables syriens 6.

  • Jonathan Bass, un activiste américain pro-Trump qui a rencontré al-Charaa fin avril, a déclaré que le président syrien aurait signalé son intention de charmer le président américain en lui promettant « une Trump Tower à Damas » ainsi que « la paix avec ses voisins » 7.
  • S’inspirant du playbook mis en place par les États du Golfe, la Russie ou bien la Serbie, le nouveau dirigeant syrien aurait désamorcé la portée géopolitique d’une levée des sanctions sur la Syrie en la présentant comme une simple transaction.
  • Pendant leur rencontre, ce dernier aurait également tenté de construire un lien personnel avec Trump en mettant en avant les tentatives d’assassinat qui ont visé les deux hommes.
  • À bord d’Air Force One, après leur rencontre, le président américain avait qualifié al-Charaa « d’homme séduisant » et de « dur à cuire au passé très solide ».

L’annonce de Trump semble également avoir été motivée par le soutien apporté par les acteurs de la région — Arabie saoudite, Qatar, Turquie — à une levée des sanctions afin de contribuer à stabiliser la région.

Sources
  1. Kareem Chehayeb et Bassem Mroue, « What would lifting US sanctions on Syria mean to the war-torn country ? », Associated Press, 15 mai 2025.
  2. Authorizing Transactions with Governing Institutions in Syria and Certain Transactions Related to Energy and Personal Remittances, U.S. Department of the Treasury, 6 janvier 2025.
  3. Steven Heydemann, Syria needs sanctions relief now, Brookings Institution, 15 janvier 2025.
  4. Tucker Reals et Joe Walsh, « Trump meets with Syria’s new leader, a former Islamist militant, after announcing sanctions to be lifted », CBS News, 14 mai 2025.
  5. The Impact of the Conflict in Syria, Programme des Nations unies pour le développement, 20 février 2025.
  6. Jared Malsin, « Syria Dangles Oil, Peace for U.S. Help on Sanctions », The Wall Street Journal, 7 mai 2025.
  7. Timour Azhari et Humeyra Pamuk, « Trump Tower Damascus ? Syria seeks to charm US president for sanctions relief », Reuters, 12 mai 2025.