Trafic en mer Rouge : l’Égypte va-t-elle bénéficier de l’accord entre les Houthis et Washington ?

L’Égypte figure parmi les pays les plus touchés par les attaques houthistes en mer Rouge. Si le pays n’a pas été visé par des frappes de drones ou de missiles, la chute du trafic maritime a conduit à une baisse considérable des revenus perçus par Le Caire.

• Le volume de marchandises transitant chaque semaine par le canal est, entre le 1er janvier et le 11 mai, en baisse de 64 % cette année par rapport à 2023 — et de 23 % par rapport à l’année dernière.
• Les revenus générés par les frais de transit ont connu une baisse en glissement annuel de 61 % l’an dernier, passant de 10,25 milliards de dollars en 2023 à 3,99 milliards en 2024.
• Afin de convaincre les armateurs de passer par Suez, l’Égypte propose à partir d’aujourd’hui, jeudi 15 mai, une réduction de 15 % aux porte-conteneurs d’un tonnage net supérieur ou égal à 130 000 tonnes métriques pour une période de 90 jours ¹.

Le lancement de cette nouvelle stratégie intervient moins de dix jours après la conclusion d’un deal entre les États-Unis et le mouvement rebelle yéménite, annoncé par Trump le 6 mai. En vertu de cet accord, les Houthis s’engagent à mettre fin à leurs attaques contre des navires en mer Rouge en échange de la fin des frappes aériennes américaines. Le négociateur houthiste, Mohammed Abdulsalam, a toutefois ajouté que l’accord n’incluait « en aucune manière Israël » ².

• Le ministère des Affaires étrangères égyptien a félicité dans un communiqué la conclusion de l’accord, et « exprimé l’espoir que celui-ci garantirait la sécurité et la liberté de navigation en mer Rouge » ³.
• Au-delà des revenus générées par le canal, qui représentent environ 8 % des recettes de l’État égyptien, les frais de transit payés par les armateurs constituent également une précieuse source de devises étrangères pour Le Caire ⁴.
• Confiant dans l’attractivité du canal de Suez pour les armateurs — qui offre un itinéraire 40 % plus court pour un trajet Singapour-Rotterdam par rapport à la route passant par le cap de Bonne-Espérance —, le gouvernement égyptien s’était initialement fixé un objectif de réaliser 13 milliards de dollars de recettes par an d’ici 2025.

Cette cible semble difficilement atteignable, le canal n’ayant généré que 904 millions de dollars au cours du premier trimestre. En addition, Trump mène une campagne visant à exiger de l’Égypte que les navires commerciaux et militaires américains soient exemptés de frais de transit. Selon le président américain, Washington devrait être « indemnisé » par Le Caire pour avoir défendu la liberté de circulation en mer Rouge ⁵.

• L’obtention « d’avantages » pour les États-Unis en contrepartie du rôle joué dans la reprise du trafic en mer Rouge a été discutée au sein même de l’administration, comme le révélaient les textos de l’affaire Signal.
• L’Égypte est également menacée par les suppressions de l’aide étrangère américaine, dont elle était le quatrième principal bénéficiaire au cours de l’année fiscale 2023, avec un montant estimé à 1,5 milliard de dollars.
• L’administration Trump avait d’ailleurs mis en avant un plan pour Gaza qui impliquerait que l’Égypte accueille plusieurs centaines de milliers de Palestiniens.

Début mars, lors d’un sommet au Caire, la Ligue arabe a adopté un plan de reconstruction de l’enclave en opposition au projet de Trump. Le président américain a quant à lui répété aujourd’hui, jeudi 15 mai, son désir de transformer la bande de Gaza en « zone de liberté » (freedom zone) : « Je pense que je serais fier que les États-Unis aient cette zone, qu’ils la prennent, qu’ils en fassent une zone de liberté […] Qu’il se passe de bonnes choses, que les gens soient dans des maisons où ils peuvent être en sécurité, et il faudra s’occuper du Hamas » ⁶.