Dans un document préparé par le ministère de la Défense taïwanais, dirigé par Wellington Li-Hsiung Koo, et présenté aux législateurs de l’île hier, mercredi 19 mars, Taipei a identifié l’année 2027 comme présentant un risque élevé de lancement d’une invasion de Taïwan par l’Armée populaire de libération chinoise.

  • Si certains analystes considèrent que Koo pourrait utiliser cette date dans le cadre d’une tactique visant à faire passer un plan d’augmentation des dépenses militaires, il s’agit de la première fois que Taipei désigne explicitement une année pour une invasion chinoise 1.
  • Cette évaluation correspond aux conclusions de l’armée américaine, qui se base notamment sur l’augmentation ces dernières années du rythme de construction par Pékin de nouveaux appareils, navires militaires et de missiles balistiques et de croisière. 
  • Xi Jinping a fixé 2027 comme l’année au cours de laquelle l’armée chinoise devait devenir une force « moderne », afin de marquer le centenaire de la fondation de l’Armée populaire de libération. Pékin s’est également fixé pour objectif de faire de son armée une « force de classe mondiale » d’ici 2047.

L’an dernier, le nombre de violations de la zone d’identification de défense aérienne taïwanaise par des avions de l’armée chinoise a presque doublé, passant de 3 075 incursions signalées contre 1 703 en 2023. En février, le commandant des forces américaines du Pacifique, l’amiral Samuel Paparo, déclarait que les manœuvres de la marine chinoise autour de Taïwan ne relevaient plus d’exercices, mais de répétitions « en vue de l’unification forcée de Taïwan avec le continent » 2.

L’accentuation de la pression chinoise contre Taïwan se traduit également par des activités de guerre hybride.

  • Depuis le début de l’année 2025, deux câbles sous-marins reliant l’île à la Chine et aux États-Unis ont été endommagés par des navires chinois. À la fin du mois de février, les gardes-côtes taïwanais ont pris sur le vif un cargo civil chinois en train de couper un câble de télécommunications 3.
  • Bien qu’aucune preuve disponible ne pointe vers une coopération entre la Russie et la Chine, la tactique de ciblage d’infrastructures civiles vitales (câbles sous-marins, gazoducs, oléoducs…) employée par Pékin partage de nombreuses similarités avec la guerre hybride menée par la Russie contre l’Europe
  • Depuis 2022, près de 60 opérations russes contre les pays européens ont été recensées par l’hebdomadaire allemand Die Zeit, dont près de 40 % ont visé l’Allemagne, ses infrastructures et ses centre-villes. Ces opérations de déstabilisation, qui provoquent la plupart du temps peu voire pas de victimes, visent à semer le chaos et tester les défenses et infrastructures des pays membres de l’OTAN.

L’intensification de la pression chinoise sur Taïwan intervient dans un contexte d’instabilité. Si la nouvelle administration Trump a envoyé plusieurs signaux positifs en faveur de Taïwan, le futur numéro trois du Pentagone et figure influente dans les cercles républicains, Elbridge Colby, a répété pendant son audition de confirmation au Sénat que Taïwan ne « constitue pas un intérêt existentiel » pour les États-Unis, ajoutant : « L’intérêt fondamental des États-Unis est de refuser à la Chine l’hégémonie régionale » 4.

Sources
  1. Yian Lee, « Taiwan Defense Drills Identify 2027 for Potential China Invasion », Bloomberg, 19 mars 2025.
  2. Honolulu Defense Forum 2025 Key Note Speech by Admiral Paparo, YouTube, 19 février 2025
  3. Kathrin Hille, « Taiwan catches Chinese-owned ship in act of cutting subsea cable », Financial Times, 25 février 2025.
  4. To Consider The Nomination Of Mr. Elbridge A. Colby To Be Under Secretary Of Defense For Policy, U.S. Senate Committee on Armed Services, 4 mars 2025.​​