Le 1er novembre 2024, l’auvent de la gare de Novi Sad, deuxième ville de Serbie située à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Belgrade, s’est effondré, provoquant la mort de 15 personnes. Cette catastrophe a conduit au lancement d’un mouvement massif de manifestations dénonçant la corruption du gouvernement serbe, sa négligence en matière de respect des normes de sécurité et l’octroi préférentiel de contrats de concession de travaux publics — en l’occurrence, accordé ici sans appel d’offre à un consortium chinois.
- Au 2 février 2025, soit plus de trois mois après l’effondrement de l’auvent, l’organisation Arhiv javnih skupova dénombre plusieurs centaines de manifestations ayant eu lieu dans au moins 200 villes et localités du pays.
- Le mouvement a incontestablement pris une ampleur nationale, touchant aussi bien 9 des 10 plus grandes villes du pays — qui regroupent 46 % de la population totale du pays — que des localités de quelques milliers voire centaines d’habitants.
- Initialement mené principalement par les étudiants, le mouvement s’est depuis considérablement élargi et un grand nombre de manifestations sont organisées hors des grandes villes estudiantines du pays.
Selon les données d’ACLED, près de 600 manifestations ont eu lieu au total entre novembre et le 24 janvier 2025. Après le ministre des Travaux publics, des Transports et des Infrastructures Goran Vesić le 25 novembre, c’est le Premier ministre et ancien maire de Novi Sad, Miloš Vučević, qui a lui aussi démissionné le 28 janvier. Certains étudiants continuent toutefois d’exiger la démission d’Aleksandar Vučić, l’homme fort de la Serbie qui domine la vie politique du pays depuis 2012.
Malgré l’ampleur des manifestations, il semble à cette heure peu probable que Vučić abandonne le pouvoir.
- La Serbie a connu plusieurs grands mouvements sociaux, dirigés notamment vers le népotisme et la corruption du gouvernement, au cours des dernières années : #1of5million (Један од пет милиона) à partir de fin 2018, qui a mobilisé au moins 100 000 personnes ; contre les mesures du gouvernement pendant la pandémie de coronavirus en 2020 ; suite à des attaques violentes ayant provoqué plusieurs morts en mai 2023 ; puis en décembre 2023 suite aux élections législatives contestées remportées par le parti de Vučić.
- En décembre, Amnesty International publiait un rapport dénonçant l’utilisation par les autorités serbes de divers logiciels espions et technologies de surveillance visant à contrôler et réprimer la société civile, notamment les journalistes.
- À l’extérieur, la Serbie est de plus en plus convoitée par les pays européens en raison des ressources en lithium du pays, et Vučić conserve des liens étroits avec la Russie, notamment via des approvisionnements en gaz ainsi que la non-reconnaissance de l’indépendance du Kosovo.
- Vučić conserve aussi des liens étroits avec la Russie, notamment via des approvisionnements en gaz ainsi que la non-reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, et avec la Chine qui est le premier investisseur dans le pays.
Avec le retour au pouvoir de Trump, Vučić espère également renforcer les liens bilatéraux avec Washington — notamment via la famille du président américain. Le gendre de ce dernier, Jared Kushner, travaille en partenariat avec le milliardaire émirati Mohammed bin Ali Al Abbar au développement d’un hôtel à Belgrade qui pourrait porter le nom de Trump (sur le modèle de la Trump Tower de New York City). Kushner a également obtenu l’autorisation en janvier pour construire un complexe touristique de luxe sur la côte albanaise.