Trump n’a finalement pas honoré sa promesse répétée fin novembre d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur le Canada et le Mexique dès le premier jour de son second mandat 1. Il a cependant chargé son futur secrétaire au Commerce, au Trésor ainsi que son représentant au Commerce « d’étudier les causes des déficits commerciaux annuels importants et persistants de notre pays dans le domaine des marchandises 2.
Le président américain a cependant fait savoir lundi, 20 janvier, que ces tarifs concernant les voisins continentaux des États-Unis pourraient être mis en place dès le premier février. Les BRICS — qui inclueraient, selon Trump, l’Espagne 3 — pourraient quant à eux être soumis à des tarifs de 100 % (s’ils prenaient des mesures pour réduire l’utilisation du dollar dans le commerce mondial).
- Trump a renouvelé son appel aux États membres de l’Union, les exhortant à accroître leurs achats de pétrole et de gaz américains afin d’éviter l’imposition de droits de douane. Il a déclaré : « La seule solution rapide pour eux est d’acheter notre pétrole et notre gaz » 4. En novembre dernier, Ursula von der Leyen avait déjà proposé d’acheter davantage de GNL américain afin de réduire le déficit commercial de Washington, une mesure également avancée lors du premier mandat de Donald Trump par Jean-Claude Juncker, alors président de la Commission.
- Bien que l’Union puisse échapper à de nouveaux droits de douane dans les premiers mois du mandat, il reste incertain comment les deux parties pourraient éviter des tensions commerciales à moyen terme. En accord avec l’administration Biden, les Vingt-Sept avaient prolongé jusqu’au 31 mars 2025 la suspension des taxes sur certains produits américains, mise en place en réponse à une série de droits de douane pénalisant les importations d’acier et d’aluminium européens imposés par Trump. À défaut d’un nouvel accord global ou simplement prolongeant cette suspension, les droits de douane en vigueur pourraient s’appliquer dès avril.
Concernant la Chine, Trump a décidé de mettre en application ses propres conseils compilés dans son succès de 1987 The Art of the Deal. Plutôt que d’imposer directement des tarifs douaniers sur Pékin, Trump entend utiliser la menace de droits de douane comme un levier afin de convaincre ByteDance de vendre 50 % de ses parts de TikTok à des acteurs américains.
- Il n’est toutefois pas clair ce que cela impliquerait, car, selon ByteDance la compagnie serait déjà détenue à près de 60 % par des investisseurs institutionnels mondiaux, dont beaucoup sont de grandes sociétés financières américaines, notamment BlackRock, General Atlantic et Susquehanna International Group, cofondé par le grand donateur républicain Jeff Yass.
- L’application chinoise, qui a temporairement coupé ses services le week-end dernier en amont de l’entrée en vigueur d’une loi l’interdisant aux États-Unis, a obtenu un sursis lundi 20 suite à la signature par Trump d’un décret ouvrant une période de 75 jours pour qu’un accord soit trouvé 5.
Les tarifs, comme l’agenda international de Trump, ont été largement mis de côté au cours des premières 24 heures de son second mandat. Les droits de douane n’ont été mentionnés qu’à une seule reprise pour évoquer la création d’un « Service de Revenus Extérieurs » (une idée développée par Steve Bannon et John Gardner), soit le pendant externe de l’Internal Revenue Service, chargé de la collecte des impôts et taxes. La liste des 26 premiers décrets pris par Trump a donné à voir ses priorités : la frontière, l’énergie, et la lutte contre le « wokisme ».
L’absence d’annonce concernant les tarifs douaniers, qui ont occupé une place centrale dans la campagne, traduit les divisions au sein de la coalition trumpiste.
- Parmi les cercles proches de Trump, des acteurs comme le futur secrétaire au Trésor Scott Bessent ou le directeur du Conseil économique national Kevin Hassett plaident en faveur d’une approche « modérée » des droits de douane.
- Lors de son audition au Sénat, Bessent a désigné trois objectifs principaux des tarifs : 1) lutter contre les pratiques commerciales « déloyales ; 2) constituer une source de revenus pour le budget fédéral ; 3) utiliser la menace de droits de douane comme des « outils de négociation », à des fins commerciales ou non 6.
- Le très influent conseiller à la Sécurité nationale, Stephen Miller, plaide quant à lui en faveur d’une approche maximaliste et universelle, applicable à tous les produits entrant sur le marché américain.
L’idée de se servir des tarifs comme d’un flux de revenus pourrait gagner en influence à Washington au cours des prochaines semaines, alors que le Congrès devra voter les lois de finance de l’année fiscale 2024 d’ici la mi-mars — ou renouveler les mesures temporaires. Trump aura besoin de trouver 4 000 milliards de dollars sur une durée de dix ans s’il veut pouvoir financer ses réductions d’impôts de 2017 qui expireront dès la fin de l’année.
Sources
- Publication de Donald Trump sur Truth Social, 26 novembre 2024.
- America First Trade Policy, Maison-Blanche, 20 janvier 2025.
- Joseph Wilson, « Trump mistakes Spain for a member of the BRICS bloc and repeats the threat of massive tariffs », Associated Press, 21 janvier 2025.
- Stephen Stapczynski, Trump Again Calls for EU to Buy More US Energy to Avoid Tariffs, Bloomberg, 21 janvier 2025.
- Application Of Protecting Americans From Foreign Adversary Controlled Applications Act To Tiktok, Maison-Blanche, 20 janvier 2025.
- Brian Schwartz, Richard Rubin et Gavin Bade, « Treasury Secretary Pick Scott Bessent Says Trump Could Bring ‘New Economic Golden Age’ », The Wall Street Journal, 16 janvier 2025.