Une semaine avant de passer le relais à l’administration Trump, le département du Commerce américain, dirigé par Gina Raimondo, a dévoilé lundi 13 janvier de nouvelles règles provisoires qui conduiraient à une baisse significative des exportations de puces et processeurs graphiques américains vers le reste du monde 1

  • Intitulée « Cadre de contrôle des exportations pour la diffusion de l’intelligence artificielle », cette nouvelle règle vise à bloquer à 50 000 le nombre de processeurs graphiques que chaque entreprise ou institution étrangère serait en mesure de se procurer auprès de fabricants américains 2.
  • Une dérogation pourra être accordée à certaines entités qui répondent à certaines exigences de sécurité « et qui ont leur siège dans une destination qui n’est pas un pays à risque ». Celles-ci pourront se procurer une puissance de calcul équivalente à 320 000 processeurs avancés au cours des deux prochaines années.
  • Dix-huit pays « alliés » seraient exemptés de ces restrictions, parmi lesquels figurent notamment le Canada, Taïwan, le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne. 
  • À l’inverse, les exportations de puces sophistiquées vers des pays soumis à des sanctions américaines — Russie, Iran, Venezuela… — seront interdites.

L’annonce a suscité une vive opposition des industriels américains. Nvidia, le principal fabricant américain de processeurs graphiques, a déclaré que la décision « menaçait de dilapider l’avantage technologique durement acquis par les États-Unis […] Sous le couvert d’une mesure “anti-Chine”, ces règles ne contribueraient en rien à renforcer la sécurité des États-Unis » 3. La Semiconductor Industry Association, qui représente les intérêts de l’industrie américaine des semi-conducteurs, a dit être « profondément déçue qu’un changement de politique d’une telle ampleur et d’un tel impact soit précipité quelques jours avant la transition présidentielle » 4.

  • En 2023, Nvidia tirait 17 % du total de ses recettes du marché chinois. Suite à l’imposition de la première série de restrictions à l’exportation vers la Chine par l’administration Biden, fin 2022, l’entreprise avait développé de nouvelles puces spécifiquement modifiées pour qu’elles ne nécessitent pas de licence d’exportation.
  • Les revenus tirés par Nvidia du marché chinois ont presque doublé entre 2022 et 2023, passant de 5,8 milliards de dollars à 10,3.
  • Les États-Unis disposent d’un avantage considérable sur le reste du monde en termes de modèles d’IA développés chaque année, de puissance de calcul ainsi que de centres de données utilisés pour entraîner ces modèles.
  • Selon un rapport d’Apollo Global Management publié en décembre, les États-Unis disposaient de 5 381 centres de données en mars 2024 — contre 449 pour la Chine, 514 pour le Royaume-Uni ou 521 pour l’Allemagne 5.
  • Avec cette nouvelle règle, l’administration Biden espère entraver les capacités de développement d’IA avancées par la Chine. Un courrier envoyé début janvier par le président de la commission de la Chambre sur la concurrence stratégique entre les États-Unis et le Parti communiste chinois dénonçait les « méthodes illicites et failles utilisées par la Chine pour conserver l’accès aux processeurs américains » 6.
  • Un rapport du Wall Street Journal de décembre affirmait que « les start-ups chinoises montrent des signes de rattrapage par rapport aux principaux modèles d’intelligence artificielle américains, et ce plus rapidement que prévu par de nombreux acteurs du secteur » 7.

En raison de l’application d’une période de consultation d’une durée de 120 jours avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, l’administration Trump décidera ou non de son maintien. 

Si ce dernier ne s’est pas publiquement prononcé sur cette mesure spécifique, une de ses porte-paroles a déclaré : « Le peuple américain a élu le président Trump pour qu’il tienne tête à la Chine, qu’il applique les droits de douane sur les produits chinois et qu’il rende l’Amérique forte à nouveau. Il tiendra ses promesses » 8. Les profils qui composeront la seconde administration Trump, notamment le conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz, sont partisans d’une ligne dure vis-à-vis de Pékin.