Depuis l’invasion de l’Ukraine lancée en février 2022, l’Union a imposé un embargo sur le charbon et l’essentiel du pétrole russe. Les États membres continuent à ce jour d’importer du gaz russe transporté via gazoduc — bien qu’en quantité plus faible — en raison des craintes soulevées par certains États membres, notamment la Hongrie et la Slovaquie, concernant les risques que provoquerait un arrêt total des livraisons pour leur sécurité énergétique.
- Jusqu’à présent, les Européens comme les Américains avaient ainsi permis le maintien des paiements à Moscou pour l’importation de gaz via les gazoducs passant par l’Ukraine ainsi que par Turkstream — dont une extension mise en service début 2020 approvisionne la Serbie et la Hongrie via la Bulgarie (18 milliards de m³ par an).
- Dans le cadre des efforts occidentaux visant à couper les revenus tirés par Moscou de ses exportations d’hydrocarbures — utilisés pour mener sa guerre contre l’Ukraine —, le Trésor américain a imposé fin novembre de nouvelles sanctions sur Gazprombank, l’entité financière russe chargée de gérer les paiements liés au transport du gaz 1.
Avec l’entrée en vigueur de ces sanctions aujourd’hui, vendredi 20 décembre, la Bulgarie ne pourra plus recevoir les centaines de millions d’euros de droits de transits payés chaque année par la Russie via Gazprombank. Dans le même temps, les Européens ne seront plus en mesure de payer Moscou pour des achats de gaz, ce qui pourrait conduire à la fin effective des livraisons à compter de début 2025.
- L’autre gazoduc toujours utilisé pour la livraison de gaz russe, qui passe par le territoire ukrainien et qui alimente la Hongrie, la Slovaquie, l’Italie et l’Autriche, devrait cesser de transporter l’hydrocarbure à partir du 1er janvier 2025. L’accord entre Kiev et Gazprom qui expire à la fin de l’année ne devrait pas être renouvelé.
- À compter de janvier, l’Europe pourrait ainsi cesser toute importation de gaz russe via gazoduc. La Commission estime que l’arrêt des flux via l’Ukraine aurait un impact « négligeable » sur les prix payés par les Européens 2.
- Plusieurs options, notamment le transit du gaz russe via l’Azerbaïdjan, sont cependant à l’étude. Le Premier ministre slovaque, dont le pays importe toujours 3 milliards de m³ de gaz russe par an, a déclaré qu’il prévoyait de discuter de « solutions techniques alternatives élégantes » avec Ursula von der Leyen lors du Conseil européen qui s’est tenu hier, jeudi 19 3. Le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó a quant à lui déclaré le même jour que Washington avait accordé une exception permettant à la Hongrie de continuer ses paiements à Gazprom 4.
- Zelensky, également présent à Bruxelles hier, a réitéré que son pays ne prolongerait pas le contrat de transit, des propos similaires à ceux de Vladimir Poutine qui a déclaré : « Ce contrat n’existera plus, c’est clair. Mais ce n’est pas grave : nous survivrons, Gazprom survivra. »
Les Européens ont considérablement augmenté leurs importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe depuis le début de la guerre : 19,3 milliards de m³ entre janvier et novembre, contre 17,8 l’an dernier et 18,9 en 2022. L’année 2025 pourrait cependant marquer une rupture durable avec le GNL russe, certaines sources européennes évoquant de nouvelles mesures plus strictes pour le secteur dans le cadre du 16ème train de sanctions qui devrait être approuvé en janvier.
- Cette rupture intervient toutefois dans un contexte particulier : 2025 devrait marquer la fin de la situation de pénurie de gaz à l’échelle mondiale, avec la mise en service de nouveaux terminaux d’exportation de GNL notamment aux États-Unis et une augmentation des exportations du Qatar.
- La croissance de l’offre mondiale de GNL devrait atteindre 35 à 40 milliards de m³ en 2025, soit le double de la croissance enregistrée au cours des quatre années précédentes.
Sources
- Treasury Sanctions Gazprombank and Takes Additional Steps to Curtail Russia’s Use of the International Financial System, Département du Trésor américain, 21 novembre 2024.
- Liliana Oleniak, « EU comments on Russian gas transit through Ukraine », RBC-Ukraine, 19 décembre 2024.
- Elena Mazneva, « Europe Gas Retreats as Slovakia Sees Solution to Ukraine Transit », Bloomberg, 18 décembre 2024.
- Publication sur Facebook de Péter Szijjártó, 19 décembre 2024.