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Faire voter un budget pour 2025 sera le premier défi du prochain gouvernement de Michel Barnier. Compte tenu des circonstances budgétaires confirmées par les dernières prévisions du Trésor1, ce sera aussi une véritable épreuve du feu.

Alors que de nouvelles règles budgétaires européennes entrent en vigueur pour le budget 2025, la situation française est particulièrement problématique. Nous accusons le plus haut déficit budgétaire en Europe en 2024 et — à l’inverse de nos partenaires — n’avons pour le moment engagé aucun plan crédible de consolidation des finances publiques à moyen terme.

Par ailleurs, le discours politique s’enferme dans une double impasse. D’un côté, ceux qui prétendent qu’il est possible de résorber le déficit sans le moindre effort en recettes. De l’autre, ceux qui pensent qu’il ne faut rien faire sur les dépenses et qui pensent pouvoir augmenter massivement les recettes. Il est capital pour le nouveau Premier ministre de trouver un chemin entre ces deux positions et de proposer un compromis qui réponde aux défis internes et aux contraintes externes du pays.

Il vincolo esterno : la double contrainte extérieure

Le Trésor estime qu’une hausse des taux de 100 points de base augmenterait la charge de la dette de 17 milliards par an. Après cinq ans, ce serait autant de services publics en moins. Il est donc capital que tout nouveau gouvernement s’attache à éviter une augmentation brutale de la prime de risque sur la dette française en assurant sur la soutenabilité des finances publiques à court comme à moyen terme. C’est la première contrainte extérieure : la contrainte de marché.

Il existe une seconde contrainte. De nouvelles règles budgétaires européennes votées en 2024 vont être mises en œuvre pour la première fois en 2025. C’est une nouveauté importante : depuis 2020 et la récession liée au Covid-19, les règles budgétaires européennes antérieures étaient suspendues de fait. Même si la proposition originelle de la Commission européenne constituait un progrès important par rapport au statu quo ante, le compromis final est décevant et ces nouvelles règles restent pleines de lacunes.

Elles permettent néanmoins de sanctuariser les dépenses européennes ou celles en cofinancement, mais elles ne prennent pas suffisamment en compte le cycle économique. Elles ne protègent pas non plus suffisamment les investissements publics et notamment les investissements dans la transition énergétique, et elles sont encore plus complexes et difficiles à appréhender que les règles précédentes. Mais il ne faut pas se bercer d’illusions : nous ne les réformerons pas facilement — ni rapidement, ni seuls — et même si nous pouvions écrire de nouvelles règles demain, celles-ci imposeraient quoi qu’il arrive une consolidation budgétaire significative. L’argument de la réforme des règles budgétaires pour échapper à toute réflexion et tout effort sur la politique budgétaire nationale est donc nul et non avenu.

Malgré la faiblesse de la stratégie de négociation menée par Bruno Le Maire, une période transitoire jusqu’en 2027 a été obtenue par le Trésor et permet en réalité un ajustement plus lent que ce qu’aurait dû entreprendre la France dans le cadre des règles précédentes. En effet, l’ajustement budgétaire requis est exprimé jusqu’en 2027 en termes de déficit structurel primaire plutôt que de déficit structurel — excluant donc la charge de la dette. Cette différence technique n’est pas tout à fait insignifiante car il est prévu que la charge des intérêts augmente de l’ordre de 8 milliards d’euros en 2025 et 2026 et de 12 milliards en 2027. On peut par ailleurs espérer que cette disposition transitoire soit maintenue plus longtemps le cas échéant. En attendant, c’est autant d’efforts budgétaires en moins à réaliser.

L’argument de la réforme des règles budgétaires pour échapper à toute réflexion et tout effort sur la politique budgétaire nationale est nul et non avenu.

Shahin Vallée

Un nouveau calendrier serré et une procédure cadrée

Le gouvernement démissionnaire prend déjà des libertés avec la loi organique qui régit le processus budgétaire — ce dont le Rapporteur général du Budget et le Président de la Commission des Finances se sont déjà plaints. Le temps n’est plus aux hypothèses d’inflation et de croissance et le gouvernement doit soumettre les grandes lignes du budget qui en découle le 13 septembre au Haut Conseil pour les Finances Publiques (HCFP), celui-ci devra rendre son avis avant le 25 septembre, date à laquelle le projet de loi de finances doit être présenté en conseil des ministre avant d’être transmis à l’Assemblée nationale le premier mardi d’octobre.

Ces règles budgétaires imposeront à la France de présenter, dès le 20 septembre, un programme pluriannuel de finances publiques à la Commission européenne. Celui-ci doit proposer un ajustement de quatre ans pour consolider les finances publiques ou de sept ans si la France est capable de justifier de réformes structurelles importantes améliorant le potentiel de croissance de l’économie durant cette période et des investissements structurants, notamment dans la transition. Il ne faut pas sous-estimer ce volet investissements qui permettrait éventuellement de négocier quelques aménagements importants dans l’application de la procédure pour déficit excessif. Elle devra ensuite proposer un budget préliminaire d’ici au 15 octobre.

La France est désormais sous procédure de déficit excessif, ce qui lui impose en principe un ajustement budgétaire d’au moins 0,5 % du PIB pendant au moins cinq à sept ans — ce qui sera signifié par la Commission sur la base du plan pluriannuel et du budget préliminaire soumis le 15 octobre.

Pour remettre la dette publique sur une trajectoire descendante, la France devrait avoir pour objectif de moyen terme d’atteindre un surplus budgétaire primaire de l’ordre de 1 % du PIB selon le Conseil d’analyse économique2. Or le déficit structurel est aujourd’hui de l’ordre de 4,2 % du PIB, ce qui signifie un effort long et considérable, qui s’inscrit dans un contexte dans lequel certaines dépenses publiques vont devoir augmenter du fait des besoins liés à la transition climatique et énergétique, du vieillissement de la population et des besoins de défense accrus.

Le compromis interne : des efforts en dépenses comme en recettes

Aucun parti politique de gauche, de droite ou du centre n’a mis sur la table un projet politique compatible avec nos défis budgétaires — ni Les Républicains et leur Pacte législatif, ni Ensemble et son Pacte d’action, ni le Nouveau Front populaire et son programme. Alors que les uns se refusent à toute augmentation des prélèvements obligatoires, les autres n’envisagent aucune économies substantielles et crédibles. Il faudra impérativement sortir de cette double impasse.

Dans ce contexte, tout prochain gouvernement doit alerter l’opinion sur la situation dégradée des finances publiques et la responsabilité collective des gouvernements précédents, et prendre des mesures fortes mais suffisamment consensuelles, en recettes autant qu’en dépenses. L’effort à réaliser est tel qu’il n’existe pas de chemin sans mesures — en recettes comme en dépenses. Augmenter les recettes de 150 milliards, soit près de 6 % du PIB, d’ici à 2027 est inconcevable sans provoquer un choc économique massif. À titre de comparaison, l’augmentation des impôts après l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 avait représenté 2,5 % du PIB.

Aucun parti politique de gauche, de droite ou du centre n’a mis sur la table un projet politique compatible avec nos défis budgétaires.

Shahin Vallée

Sous François Hollande, qui disposait d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale et au Sénat, les prélèvements obligatoires ont d’abord augmenté de l’ordre de 2,1 % du PIB en début de mandat pour reculer ensuite après  une « fronde fiscale » et s’établir à + 1,8 % sur la mandature. S’il est bien entendu illusoire de se passer de nouvelles recettes, celles-ci ne permettront pas tout. Elles devront en effet être partagées entre réduction des déficits et hausse de certaines dépenses.

C’est donc au nouveau gouvernement de trouver le chemin du compromis indispensable : il n’en aura pas le choix s’il souhaite gouverner durablement. En effet, même s’il disposera de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour passer un budget 2025, compte tenu des équilibres à l’Assemblée, il est peu probable qu’un gouvernement résisterait à un tel vote sans des négociations budgétaires et politiques au préalable.

La seconde option, qui semble de plus en plus s’installer, est d’user de la paralysie parlementaire pour empêcher qu’un budget soit voté dans les 70 jours, permettant ainsi d’activer l’article 47 et de mettre en œuvre un budget par ordonnance. Si telle est la stratégie retenue, il est important que le budget proposé soit le plus ambitieux possible car seules les mesures budgétaires inscrites en loi de finances, même si elles ne sont pas votées, peuvent être adoptées par ordonnance.

1 — Recettes

Sur le plan des recettes, le programme du Nouveau Front populaire ne manque pas de propositions. Un certain nombre d’entre elles sont utiles, efficaces et rapides à mettre en œuvre. D’autres sont de plus longue haleine et nécessiteraient du temps pour mieux les penser et les calibrer. Enfin, certaines sont invraisemblables ou anticonstitutionnelles et/ou au rendement trop faibles pour être mises en œuvre — comme la tranche d’impôt sur le revenu à 90 % ou la fixation d’un niveau d’héritage maximum.

Pour 2025, quelques mesures fortes permettraient cependant un surplus de recettes nécessaire : un retour à l’ISF pré-Macron incluant tous les actifs financiers des ménages qui rapporterait au moins 5 milliards d’euros, une taxe extraordinaire sur les dividendes qui pourraient rapporter de l’ordre de 2 milliards, un recentrage du Crédit d’Impôt Recherche qui pourrait rapporter près de 2 milliards. C’est par ailleurs une étape nécessaire pour aligner la base de l’IS en France sur celle de nos partenaires européens afin d’accélérer les négociations sur l’harmonisation de la taxation des entreprises. Cela impliquerait par ailleurs de toiletter certaines niches fiscale de l’impôts sur les sociétés — la « niche Copé » sur les plus-values de cessions mobilières, ou encore le régime mère-fille qui permet d’exonérer d’IS les dividendes et de remonter les pertes — et de préparer l’imposition des multinationales françaises sur leurs profits internationaux en conformité avec l’accord OCDE de 2021 qui n’est toujours pas mis en œuvre.

La taxation exceptionnelle des pétroliers n’ayant finalement rien rapporté au Trésor public, la question d’une taxation ex post se pose et bien sûr le calibrage de la taxation des rentes infra-marginales pour les énergéticiens pourrait rapporter 3 ou 4 milliards d’euros. Enfin, il existe un gisement de recettes clairement identifié par le gouvernement Borne que permettrait un reciblage des exonérations de cotisations sociales pour les salaires élevés. Ainsi, le rapport Bozio-Wassmer3 missionné en 2023 proposait de supprimer les exonérations jusqu’à 2,5 fois le SMIC. La mesure figure également dans une récente note du Conseil d’analyse économique. Une autre mesure du même ordre sur la formation professionnelle4 permettrait de rapporter chacune au moins 4 milliards d’euros par an. Aucune de ces mesures n’augmentent le taux d’IS : elles permettraient donc sans doute à Ensemble et au Président de la République de tenir l’engagement de relative stabilité fiscale pour les entreprises. Avec une éventuelle nouvelle tranche d’Impôt sur le revenu à 50 % qui rapporterait 2 milliards5, la France verrait ses recettes fiscales augmenter de quelque 25 milliards d’euros dans une estimation conservatrice. 

Pour 2025, quelques mesures fortes permettraient un surplus de recettes nécessaire.

Shahin Vallée

C’est dans doute l’effort maximal possible à ce stade tardif du processus budgétaire et compte tenu des grands équilibres macroéconomiques. Cela n’interdit pas cependant de poursuivre les efforts en recettes à moyen terme notamment en revenant sur les niches qui grèvent la fiscalité des ménages, du patrimoine — exit tax et prélèvement fiscal unique — et de sa transmission — droits de successions et niche Dutreil notamment — et sur la fiscalité écologique, notamment des voyages en avion ou du malus sur les SUV.

2 — Dépenses 

En dépense, certaines doivent augmenter de manière significative mais aussi ciblée. Par exemple, au lieu d’une augmentation généralisée du point de l’indice pour la rémunération des fonctionnaires, un ciblage plus spécifique sur les métiers en tension dans la santé ou l’éducation et dans les catégories C plutôt que A permettrait sans doute de réduire le coût budgétaire et d’augmenter l’efficacité de la mesure. La règle de trois basique est que chaque augmentation d’un pourcent de point coûte 2 milliards aux finances publiques. Ainsi, prévoir une augmentation limitée à 6 milliards permettrait de choisir entre une augmentation généralisée du point ou plus ciblée.

La proposition de l’augmentation du SMIC à 1 600 euros net aurait un coût budgétaire direct de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros avec des effets de bord important selon l’étendue des modifications d’exonération de cotisations. En effet, plus on réduit les exonérations de charge, plus on réduit le coût de l’augmentation du SMIC sur les finances publiques en le faisant porter par les entreprises. Mais il faut faire attention au calibrage de cet ensemble car on pourrait ainsi augmenter de plus de 14 % le coût pour les entreprises et augmenter ainsi les effets négatifs sur l’activité et l’emploi. Il semblerait donc utile de séquencer la mesure en deux temps pour obtenir une augmentation du SMIC à 1 600 euros en trois ans plutôt qu’un et ainsi étaler le coût budgétaire sur 2025, 2026 et 2027, soit presque 3 milliards par an.

Enfin, la mesure la plus importante et potentiellement la plus coûteuse selon la manière dont elle est mise en œuvre reste l’abrogation de la réforme des retraites, demandée à la fois par le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire. Le coût réel est difficile à chiffrer tant il dépend de ce par quoi cette réforme est remplacée. Mais à court terme, une abrogation pure et simple et un retour à 62 ans coûterait entre 7 et 10 milliards par an. Malgré les nouvelles recettes identifiées, il existe donc un véritable choix à opérer entre le type et le coût de la réforme des retraites choisie et la revalorisation des services publics et les investissements dans la transition écologique. Si un débat sur la réforme est sans doute nécessaire politiquement, son calibrage est important économiquement.

Ces augmentations ciblées des dépenses publiques ne permettent pas de faire l’économie d’une analyse plus précise des endroits ou la dépense publique devrait baisser. En effet, on observe une floraison de lois de programmation sectorielles — lesquelles devraient couvrir le tiers du périmètre des dépenses de l’État en 2027 — qui reportent sur les missions non couvertes par de telles lois des efforts de moins en moins réalistes. Le Président de la République a déjà indiqué dans son discours aux forces armées du 14 juillet6 qu’il faudrait faire des efforts par rapport à la loi de programmation militaire en 2025, indiquant clairement que celle-ci, pourtant votée en 2023 seulement, était déjà caduque. Une analyse précise de ces lois de programmation et de leur compatibilité avec nos engagements budgétaires est nécessaire et implique vraisemblablement de revenir sur certains de ces engagements. On peut espérer réduire la dépense par rapport à ces différentes lois de programmation de l’ordre de 2 milliards par an.

Par ailleurs, la question de la désindexation ou de l’indexation partielle des retraites élevées — qui a été abandonnée par le gouvernement précédent — reste un levier important qui selon le niveau de l’inflation et de l’étendue  de la désindexation pourrait rapporter entre 2 et 5 milliards par an. Certains programmes comme le Service national universel (SNU) pourraient être entièrement abandonnés.

Enfin, la question des finances locales reste centrale et nécessite une refonte profonde. Un nouvel accord du type « contrats de Cahors » sur la contractualisation des relations entre l’État et les collectivités territoriales permettrait d’encadrer la dynamique des dépenses locales courantes tout en protégeant l’investissement public local en redonnant un peu d’autonomie fiscale aux administrations publiques locales.

En clair, les contours de ce compromis budgétaire pour 2025 aboutirait à un surplus de recettes d’une grosse vingtaine de milliards d’euros et à une augmentation des dépenses d’une dizaine de milliards, soit un ajustement limité de 10 milliards d’euros pour 2025. À titre de comparaison, le Programme de stabilité présenté par le gouvernement en avril 2024 prévoyait pour 2025 un ajustement entièrement irréaliste et sans mesures concrètes de l’ordre de 1,2 % du PIB soit quelques 35 milliards.

La Commission européenne enjoindra à la France de réaliser un ajustement structurel primaire de l’ordre de 0,5 % du PIB — soit au minimum 15 milliards d’euros. Les estimations de la Direction générale du Trésor sont bien plus alarmantes : dans une note datée du 17 juillet envoyée aux responsables des Commissions des Finances des deux chambres le 2 septembre et à laquelle nous avons eu accès, elle indique que « le respect des nouvelles règles nécessiterait un ajustement structurel primaire de 0,7 % du PIB par an à partir de 2025, sous réserve de l’extension de la période d’ajustement de 4 à 7 ans ». Cela représenterait 30 milliards d’euros d’économies en 2025. Dans ce scénario, le déficit public ne reviendrait sous la barre des 3 % qu’en 2029 — et non plus en 2027 comme prévu dans le Programme de stabilité, horizon qui demandera des économies de l’ordre de 110 milliards d’ici 2027. À politique inchangée, le Trésor alerte sur le fait que le déficit pourrait s’établir au-dessus de 6 % en 2025 et 2026.

Une stratégie alternative, plus offensive pourrait demander des aménagements supplémentaires spécifiquement liés à la transition énergétique et à la défense arguant, en documentant précisément les types d’investissements concernés, que ceux-ci sont nécessaires pour répondre aux objectifs de réduction des émissions de l’Union. Une telle stratégie pourrait s’appuyer notamment sur les plans nationaux intégrés Énergie-Climat (PNIEC)7 publiés pour la France en juin 2024 qui pourrait former la base de l’argumentation pour le plan pluriannuel de la France, mais le travail analytique reste embryonnaire et sans doute trop fragile pour entrer dans une négociation directe et brutale avec les autorités européennes.

À politique inchangée, le Trésor alerte sur le fait que le déficit pourrait s’établir au-dessus de 6 % en 2025 et 2026.

Shahin Vallée

Ce compromis politique interne représente donc entre un tiers et la moitié de ce que la Commission européenne exigerait. Un tel effort permettrait sans doute d’éviter une escalade de la procédure pour déficit excessif et surtout une réaction adverse des marchés financiers. Le chemin est étroit mais semble économiquement et politiquement réaliste et permet de marquer une inflexion en matière de politique économique cohérente avec le résultat des élections sans pour autant saborder toute l’héritage économique du Président Macron et sans mettre en péril la stabilité des finances publiques à moyen terme.

Le moyen terme

Ces actions de court terme ne sauraient régler ou éluder les questions de moyen terme qui restent préoccupantes. 

Une note récente du Conseil d’analyse économique  suggère un ajustement progressif, mais long que peu de pays européens ont réussi à réaliser jusqu’à aujourd’hui. Comme le rappelle la Cour de comptes dans son rapport sur la situation des finances publiques8, le budget de la France comme ses lois de programmation des finances publiques continuent d’ignorer les coûts de la transition écologique et énergétique et les dettes implicites que celles-ci impliquent.

Pisani-Ferry et Mahfouz9 suggéraient que ces investissements publics devraient être de l’ordre d’un point de PIB par an si nous voulons tenir nos objectifs de réduction des émissions. Par ailleurs, le vieillissement de la population va représenter un coût pour notre système de protection social s’il n’est pas compensé par une politique migratoire ou une politique de natalité plus efficace, ce qui ajouterait un coût de l’ordre de 0,3 % du PIB par an. Enfin, nos dépenses militaires si elles sont relativement élevées par rapport à nos pairs européens restent en deçà de ce qui est nécessaire pour que l’Europe soit capable de se défendre dans le contexte actuel. C’est un chantier qui serait mieux mené au niveau européen mais qui quoi qu’il arrive aura des conséquences budgétaires nationales importantes.  Les ordres de grandeur sont tels qu’ils imposent une réflexion profonde sur les missions de l’État, sur l’impôt et sur la dépense publique qu’aucune force politique n’a mené jusqu’à présent.

Les défis budgétaires de la France sont colossaux et tout nouveau gouvernement devra s’y confronter immédiatement s’il souhaite tenir. Briser le tabou des recettes est une contribution nécessaire au débat mais pas suffisante. Prioriser strictement l’augmentation des dépenses et engager des chantiers de moyen terme pour baisser les dépenses inutiles ou inefficaces est une nécessité absolue pour pouvoir investir dans la transition énergétique, faire face au vieillissement de la population et réduire le niveau de la dette publique qui fragilise l’économie française. 

Cette dynamique est contrainte par les nouvelles règles budgétaires européennes dont on ne peut faire entièrement abstraction, notamment parce que leurs violation, même si elle ne mène pas à des sanctions financières significatives, grèvera la crédibilité de la France sur les marchés obligataires et augmentera d’autant le coût du refinancement de la dette. La France peut et doit certes mener un débat nécessaire et utile sur la réforme de ces règles et/ou sur une meilleure prise en compte des investissements dans la défense et dans la transition énergétique — mais elle doit choisir ses combats, construire des alliances et regagner une certaine crédibilité pour pouvoir le faire.