« Ma première pensée va à toutes les personnes détenues en Italie et à l’étranger et à leurs droits. À tous ceux qui luttent pour la liberté et l’égalité et qui sont victimes d’injustices. L’antifascisme n’est pas seulement une valeur humaine et une perspective politique, c’est aussi une communauté résistante et solidaire », a déclaré Ilaria Salis, eurodéputée nouvellement élue1.

  • Ilaria Salis a participé aux élections européennes sous la bannière d’Alleanza Verdi Sinistra (AVS) en tant que candidate principale dans la circonscription du Nord-Ouest et insulaire. Au total, elle a recueilli 176 433 voix — soit un tiers de l’hyper médiatique général Vannacci
  • L’AVS a obtenu d’excellents résultats au niveau national, une surprise dans un pays qui n’avait pas connu de formation explicitement écologiste depuis au moins une décennie. Aux élections européennes, AVS a largement dépassé le seuil des 4 %, atteignant 6,78 % avec plus d’un million et demi de voix.

Qui est Ilaria Salis ?

  • Ses photos avec des menottes et des entraves aux pieds ont fait le tour de l’Italie et de l’Europe, tout comme le récit de ses conditions de détention — même si les conditions dans les prisons italiennes, surpeuplées et délabrées, ne sont pas meilleures, et ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme.
  • Née en 1984, Salis a été détenue pendant un an dans les prisons de Budapest, en Hongrie, le pays de Viktor Orbán, accusée d’avoir attaqué des manifestants néo-nazis. Elle a ensuite été assignée à résidence dans un appartement loué où elle porte actuellement un bracelet électronique pour s’assurer qu’elle ne le quitte pas.
  • Depuis des mois, la famille de Salis et le gouvernement italien se renvoient la balle. Le père, Roberto, a longtemps accusé l’exécutif de ne pas avoir agi pour aider sa fille Ilaria, qui a également tenté, en vain, d’obtenir une assignation à résidence en Italie.
  • En effet, l’article 9.2 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne stipule que les députés européens « ne peuvent, sur le territoire d’aucun autre État membre, être détenus ou faire l’objet de poursuites judiciaires ». Donc, selon l’agence de presse ANSA, « les avocats de l’antifasciste italienne présenteront une demande de libération dès que le juge hongrois sera en possession de la certification formelle de son élection ».
  • Enseignante à l’école primaire dans des « écoles multiethniques », selon son curriculum officiel, et, à partir de 2021, enseignante de lettres remplaçante dans le secondaire, « dans l’attente d’un concours », Ilaria Salis est née à Milan en 1984, a grandi à Monza et a vécu avec sa famille au Royaume-Uni de 1992 à 1995.
  • Elle a obtenu son baccalauréat au Liceo Classico B. Zucchi en 2002 avec les meilleures notes. En décembre 2005, elle obtient un diplôme en histoire avec mention « très bien » à l’université de Milan. En avril 2021, elle y obtient un master en philologie, littérature et histoire de l’Antiquité.

Les raisons du succès de l’Alliance des Verts et de la gauche sont multiples.

  • La présence de Salis sur la liste d’AVS n’est pas un facteur anecdotique : avant d’accepter la propositions des députés Nicola Fratoianni et Angelo Bonelli, les deux leaders de l’AVS, elle avait également été contactée par le Partito Democratico (PD).
  • Le parti d’Elly Schlein n’offrait cependant pas de positions adéquates pour Salis, notamment en matière de politique étrangère, qui reste une représentante de la gauche radicale, parfaitement à l’aise au sein de l’Alleanza Verdi e Sinistra, qui réunit la Sinistra Italiana de Nicola Fratoianni et l’Europa Verde d’Angelo Bonelli.
  • En Italie, les Verts, nés en 1990 et fusionnés en 2021 avec l’Europa Verde, n’ont jamais connu un grand succès. Le pic a été atteint en 1992 à la Chambre avec 16 sièges et au Sénat en 1996 avec 14 sièges. Au Parlement européen, le maximum a été atteint en 1994 avec 3 sièges. Ces résultats sont bien inférieurs à ceux d’autres pays, comme l’Allemagne, où les Verts ont une remarquable tradition de consensus. Il suffit de regarder le nombre de sièges des Grünen au Bundestag : 118.

Mais il est clair que la candidature de Salis n’a pas grand-chose à voir avec les questions purement environnementales. La question qui prévaut est celle d’Orbán et de la relation que la Première ministre italienne Giorgia Meloni entretient avec lui. C’est dans cette perspective qu’il faut lire la candidature et l’élection de Salis, qui n’était pas destinée à répondre à Roberto Vannacci mais au leader de Fratelli d’Italia. Avec ce résultat, une future alliance entre le PD, le M5S et l’AVS en vue des futures élections dans une tonalité anti-Meloni est possible.

Sources
  1. « Ilaria Salis, non riesco ancora a crederci », ANSA, 10 juin 2024.