Comment l’humour est-il devenu une caractéristique aussi centrale de votre œuvre ?
Cette question touche en réalité l’ensemble de la littérature pour moi, car ce livre en particulier, mais aussi les autres, revêtent une dimension très personnelle. J’ai cherché à revivre mon enfance aux côtés de mes parents, dans ce pays à la fois idéal et terrifiant. Cependant, afin de ne pas sombrer dans un sentimentalisme excessif, j’ai ressenti la nécessité de prendre du recul par rapport à mes propres récits.
La meilleure manière de prendre de la distance était d’utiliser l’humour. . J’ai grandi au sein d’une famille qui avait une forte tradition en la matière. Nous venions de Lviv, une ville réputée pour son humour, riche en blagues et en chansons. À la maison, nous vivions dans une sorte de double réalité : même lorsque le monde extérieur était sombre et difficile, à l’intérieur de la famille ou avec des amis, nous partagions beaucoup de rires. Bien sûr, c’était une forme d’évasion, une manière de survivre, mais aussi une capacité littéraire à décrire les choses, même les plus émouvantes, avec une certaine légèreté.
Votre œuvre est multiple, entre la poésie, l’essai, la traduction et le roman. Ces différents genres s’influencent-ils ?
Merci pour cette question. Je ne sais pas. À mon avis, ces régimes d’écriture demandent chacun une énergie différente.
Je trouve que mon œuvre la plus importante et la plus consistante, c’est la poésie, qui représente une sorte d’entité totale dans ma vie. Entre des textes poétiques, j’écris quelque chose de différent, qui me permet de changer un peu d’énergie, d’atmosphère et de me retrouver dans une autre dynamique d’écriture. Car écrire un poème, c’est une chose assez spéciale.
Cela dit, dans la conception d’un livre, je vois des points communs entre la prose et la poésie. Quand je travaille sur un livre de poèmes, je travaille sur une conception du livre entier, selon une construction prévue d’avance. Pour cela, je cherche de la forme. Ce n’est pas seulement la forme de la strophe et des poèmes concrets, car lorsque vous regardez des poèmes, ce sont souvent des séries, des poèmes qui s’entrecroisent et se rencontrent parfois. Certains possèdent des refrains, par exemple, ou des phrases-clés qui se retrouvent tous les dix poèmes, par exemple.
Je cherche la strophe, je cherche la forme, je cherche le mètre aussi, le rythme de cette poésie – faire un sonnet, choisir d’écrire en octosyllabes, etc. Donc je cherche cela avant de commencer à écrire. Puis, quand j’écris, c’est comme si j’écrivais de la prose, c’est-à-dire une longue histoire qui serait divisée en poèmes.
Là, il y a donc des points communs. Mais pour écrire des poèmes, je me promène. À vrai dire, ce n’est pas une écriture, je les invente dans ma tête. Ils sont souvent assez courts pour pouvoir être mémorisés, et souvent rimés. Quand je pars faire des courses, je répète toujours dans ma tête les deux derniers vers et j’en cherche de nouveaux.
Chez moi, cela marche un peu comme une machine automatique pour trouver des mots, qui me dirige souvent vers des territoires inconnus. Je ne connais pas d’avance le mot qui va arriver à la fin du vers. Peut-être qu’il ouvrira d’autres perspectives et que le poème dont j’avais prévu qu’il serait à propos d’un sujet va en changer, ou que le sujet précédent deviendra moins évident. J’aime bien être surpris par ma propre imagination ou par mon incapacité : souvent je ne suis pas capable de trouver la formule qui m’est nécessaire, donc j’en utilise une autre. Et puis, tout d’un coup, il m’apparaît que j’ai fait le bon choix, parce qu’il me permet d’aller plus loin.
Donc oui, pour la poésie, ce sont des signes. Donc c’est en lien avec la prose. La fiction, un roman, ça exige un projet et une ténacité. Vous devez écrire, c’est-à-dire être assis et non pas marcher et vous promener, parce que ce n’est pas possible de mémoriser tout le texte. Donc il faut avoir un projet, faire un travail de concentration, être proche à son travail, revenir chaque fois à une même idée et surveiller les caractères pour ne pas écrire des bêtises. Et pour moi c’est très difficile parce que je suis poète d’abord, je ne suis pas romancier typique, je ne peux pas organiser ma journée et décider mes horaires d’écriture. J’ai beaucoup travaillé dans ma vie et c’est pourquoi j’ai commencé à faire des poèmes en marchant, parce que pour moi le seul temps à consacrer à l’écriture c’était entre mon bureau, la maison, le chemin que je faisais en revenant de l’université.
Vous êtes aussi traducteur entre deux langues qui se trouvent à des points diamétralement opposés du continent européen : le polonais et le français. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de la différence entre la musicalité de ces deux langues, entre les imaginaires qu’elles charrient ?
Je ne sais pas si j’ai la réponse à cette question, parce que ce sont vraiment, pour moi, deux langues très différentes. En tant que personne qui connaît un peu le français et qui travaille avec les Français, j’ai peut-être perdu cette perspective. Mais quand je reviens à la traduction, je vois que la musicalité du français et du polonais divergent totalement. Pour traduire un vers du français vers le polonais ou l’inverse, il faut en fait adapter le mètre français, il faut l’écrire de nouveau et d’une autre façon, ce qui implique des changements assez importants dans le poème, y compris dans sa structure. Il y a donc un arbitrage à faire entre ce qu’on gagne et ce qu’on perd, parce que l’on perd toujours quelque chose ; mais un bon traducteur, qui est assez confortable dans sa propre langue, peut aussi gagner là où c’est possible à gagner et ne pas détruire la conception ou la construction du poème original.
Le génie d’un traducteur est d’arriver à transmettre une image presque intacte d’un lecteur de la langue original au lecteur d’une nouvelle langue. Donc, oui, bien sûr, souvent c’est impossible. Dans mon expérience, c’est la traduction de Stéphane Mallarmé, par exemple. C’est bien sûr un cas très exceptionnel, mais c’est un bon exemple de la façon dont cela marche. Ce n’est pas seulement une œuvre lexicale, sémantique, mais aussi une œuvre graphique, musicale, une sorte de livret d’opéra avec ses différentes tailles de caractères, ses espaces blancs dans le texte qui possèdent leur propre signification.
Le texte est toujours fait de motifs qui s’entrecroisent. Avec les espaces, le texte devient tellement ambigu que si vous traduisez le texte en polonais vous pouvez utiliser aussi bien quatre ou cinq mots différents. Il faut choisir entre ces quatre ou cinq mots, mais ils ont une signification différente au niveau de la grammaire et de la syntaxe, et cela vous dirige vers une autre fin de la phrase.
En Pologne, nous disposons de quatre ou cinq traductions différentes de l’œuvre de Mallarmé, mais malheureusement, celles-ci se trouvent souvent dans des anthologies, ce qui, hélas, nuit grandement à la préservation de l’intégrité du texte. Heureusement, un éditeur a pris l’initiative de créer une édition spéciale visant à restituer fidèlement la manière dont le poème était conçu en français, et c’est là que j’ai entrepris une nouvelle traduction. Ma démarche n’était pas motivée par le dénigrement des autres traductions, qui n’étaient pas nécessairement mauvaises, mais plutôt par le souhait de restituer la structure même du poème. J’ai cherché à adapter le jeu de mots et d’idées caractéristique de Mallarmé à la langue polonaise. Concrètement, j’ai essayé de me mettre dans la peau de l’auteur pour comprendre l’effet qu’il cherchait à produire, puis j’ai cherché à le reproduire aussi fidèlement que possible en polonais.
Ainsi, la traduction de Mallarmé se révèle être une tâche presque impossible. Il est essentiel de maîtriser la langue française dans toute sa subtilité pour s’engager dans cette entreprise. Ce n’est pas tant une question de compréhension que de ressenti, de perception esthétique. La beauté du texte de Mallarmé se découvre davantage à travers la contemplation et la sensation qu’à travers une compréhension intellectuelle. Il s’agissait donc davantage d’un travail d’adaptation, semblable à l’adaptation d’une pièce de théâtre, où il fallait transposer les éléments clés de l’œuvre tout en préservant son essence et sa musicalité.
Vous aviez dix-neuf ans au moment de la chute du communisme ; presque trente-cinq lorsque la Pologne a rejoint l’Union. L’histoire récente de votre pays est-elle indissociable de votre œuvre littéraire ?
Oui, c’est vrai. Ces événements étaient très importants au moment où je devenais adulte. À l’âge de onze ans, j’ai vécu l’état de guerre en Pologne et j’ai vu mon père être arrêté par la police secrète. Puis j’ai participé un peu à tout ce travail d’opposition qui consistait à distribuer des samizdats et des tracts clandestins. J’étais très jeune, et c’était une sorte d’aventure pour moi de se lancer là-dedans, d’avoir un ennemi identifié. Je n’étais d’ailleurs pas très courageux. Mais j’ai vécu comme une expérience très forte cette transition du communisme à la démocratie, qui a coïncidé avec mon passage à l’âge adulte.
Dans une génération qui a vécu l’état de guerre dès l’âge de 5 ou 10 ans, nous étions convaincus que tout était perdu. Nous pensions que nous resterions prisonniers du système soviétique indéfiniment, et que la Russie garderait son emprise malgré tout. Nous disions souvent : « Ils pourraient tous nous anéantir, mais il faut changer ce système coûte que coûte ». Quand le changement s’est finalement produit, cela a semblé presque miraculeux.
Cependant, j’ai également été témoin du désenchantement qui a suivi, avec le retour du capitalisme et l’émergence de nouvelles divisions sociales, particulièrement sévères en Pologne. De nouveaux conflits internes ont émergé et les antagonismes se sont accentués. L’adhésion à l’Union européenne était perçue comme un objectif par certains, mais comme une catastrophe par d’autres, qui y voyaient une nouvelle forme d’occupation. Cette histoire est malheureusement commune à de nombreux pays post-soviétiques.
[Lisez le communiqué du jury du Prix Grand Continent].
Les Voleurs d’ampoules évoque la chute de la Pologne communiste. Trente cinq ans plus tard, cette histoire vous paraît-elle toujours aussi décisive ?
Cela dépend de la génération à laquelle vous appartenez.
La réception de ce livre varie en fonction de l’âge de ses lecteurs. De nombreux lecteurs de ma génération et des générations plus anciennes m’ont écrit pour me dire que j’avais capturé leur époque et raconté leur histoire. En revanche, un grand nombre de lecteurs plus jeunes considèrent cela comme une sorte de fable, une fantaisie à la fois drôle et un peu effrayante. Ils perçoivent ces événements comme presque préhistoriques, mais en même temps, ils peuvent s’identifier à l’histoire d’amour et se reconnaître dans les récits qui ne sont pas principalement politiques, mais plutôt axés sur l’enfance, le premier amour, les relations avec les amis, l’école, la famille, et ainsi de suite. C’est une perspective différente qui émerge de leur lecture.
Vingt ans après l’élargissement, quel regard jetez-vous sur les relations entre la Pologne et l’Europe. L’heure est-elle à l’espoir ?
La fin du gouvernement populiste est une lueur d’espoir. Je suis très content, parce que j’avais voté plusieurs fois contre eux, en vain. D’un autre côté, je constate que les populistes polonais ont déclenché une sorte de guerre intérieure. La situation est très préoccupante et pourrait même s’aggraver avec le temps. Je ne souhaite pas être un prophète de malheur, mais je crains que nous assistions à des manifestations, des actes de violence, voire des attentats, perpétrés par ceux qui se sentent perdants et qui sont résolus à ne pas accepter la défaite. Leur peur est alimentée par le gouvernement et la propagande médiatique dans les médias publics, par exemple. Cette situation représente un défi sérieux pour la stabilité et la cohésion de la société polonaise.
C’est un système similaire à celui de la propagande russe, dont il faut bien comprendre la puissance d’influence sur la société. Je veux dire que cette division, qui est très profonde dans la société polonaise, va continuer. Mais je demeure très content, parce que peut-être on aura la possibilité de reconstruire tout ce qui a été détruit pendant ces huit dernières années.
Il est très difficile d’être citoyen d’un pays dont vous n’acceptez pas ni le gouvernement ni l’opinion de la moitié des citoyens, parce qu’ils sont un peu perdus dans leur choix politique. Je sais que le nouveau gouvernement de Donald Tusk est une forme de compromis, que la situation ne s’améliorera pas tout de suite comme par miracle. On risque aussi de retomber dans les erreurs qui ont rendu possible l’arrivée des populistes au pouvoir. La crise demeure à l’horizon.
La peur dans la société polonaise est aussi un peu le résultat du gouvernement libéral de Tusk d’il y a des années. Il faut trouver une sorte de compromis pour essayer de faire se rencontrer ces deux parties, ces deux Polognes, ces deux parties de la société. C’est une frontière qui passe entre les grandes villes et la campagne, mais qui se retrouve aussi entre intellectuels en Pologne.
Comment l’écriture et le roman peuvent-ils libérer de la polarisation politique extrême dans laquelle les gouvernements populistes plongent les sociétés ?
Je veux être un peu banal en disant que toute création est un acte de liberté. Elle peut être utilisée d’une façon politique, mais quand on a le choix et quand on a la possibilité de s’exprimer, c’est déjà bien.
Ces dernières années, différents types de censures subtiles étaient utilisés, mais on publiait ce qui était plus ou moins acceptable pour le gouvernement. Je ne veux pas dire qu’on était dans une sorte de dictature. Comme d’autres, j’ai toujours pu m’exprimer librement, mais je pense qu’une bonne poésie n’est pas évidente, et qu’elle ne doit pas être systématiquement idéologique. Ce qui importe le plus pour faire de la bonne poésie, c’est la liberté ; vous n’êtes pas qu’un poète, mais vous apportez toujours quelque chose de plus, quelque chose qui fait penser, qui oblige à se dire que le monde n’est pas aussi simple que cela.
L’idéologie simplifie le monde et je crois que la littérature, au contraire, complique la vie d’une façon assez exceptionnelle.
En Pologne, Bruno Schulz est régulièrement cité comme une de vos influences majeures. Pourriez-vous nous dire ce que son œuvre a représenté et continue de représenter pour vous ?
Bruno Schulz était un écrivain d’origine juive qui résidait à Drohobycz, dans la partie est de la Pologne avant la Deuxième Guerre mondiale, aujourd’hui située en Ukraine. Sa tragique mort à la main de la Gestapo pendant la guerre est une histoire absolument terrible. Il travaillait en tant qu’esclave pour l’un des membres de la Gestapo de Drohobycz, qui occupait alors la Pologne, et il a été abattu par un membre de la SS qui avait une haine personnelle envers son employeur. C’est une tragédie épouvantable.
Pour moi, l’écriture de Schulz reste un mystère profond. Il est un modèle littéraire pour moi, bien que je n’aspire pas à écrire comme lui. Il incarne toujours une forme de littérature idéale. Il a créé des contes qui forment à la fois un ensemble cohérent et des récits indépendants, tout en étant d’une grande poésie et beauté.
L’œuvre de Schulz est riche en interprétations. Elle évoque la mythologie juive tout en étant imprégnée de l’atmosphère de l’entre-deux-guerres en Europe centrale, de l’héritage de l’ancienne monarchie austro-hongroise, du sentiment de fin-de-siècle et de décadence, tout cela magnifié par la magie des situations. On y découvre également cette époque à travers les yeux d’un enfant qui grandit dans une ville industrielle en pleine expansion grâce à la découverte du pétrole à proximité, une sorte de Klondike dans la Pologne de l’époque. Le capitalisme fait son entrée, et ce petit village commence à se transformer, le tout vu à travers le regard d’enfants. « Les Boutiques de cannelle » et « Le Sanatorium au croque-mort » sont des chefs-d’œuvre de cette époque.
Ce qui est le plus remarquable, c’est que lorsque vous lisez cette littérature, vous avez l’impression que Drohobycz, ce village, est un lieu magnifique, extraordinaire. Cependant, lorsque vous vous y rendez, comme je l’ai fait, vous découvrez qu’il n’a rien d’extraordinaire : c’est un village très modeste, très ordinaire. Bruno Schulz a réussi à créer un monde magique à partir de choses simples, et c’est une véritable leçon d’écriture. C’est ce que j’ai cherché à accomplir dans « Les Voleurs d’ampoule » : créer de la magie à partir des éléments les plus simples et les moins poétiques, et élever ainsi le récit au-delà de la réalité, vers une autre dimension.
Pourriez-vous nous guider dans votre bibliothèque idéale, à la fois en Pologne mais plus généralement dans la littérature européenne ?
J’ai beaucoup de sources d’inspiration et, heureusement, elles changent souvent. J’ai des inspirations qui arrivent, qui représentent du nouveau pour moi, donc des vraies inspirations – parce que si c’était toujours Bruno Schulz, ce serait un peu triste – qui me suggèrent quelque chose de nouveau, et qui, tout simplement, m’enchantent.
Il y en a beaucoup dans la littérature polonaise, et ce dès ses débuts. J’aime par exemple les poèmes de Jan Kochanowski, qui était un grand poète polonais de la Renaissance. Il est d’ailleurs un peu lié à ma fascination pour la littérature française, parce que j’aime beaucoup — je les ai même traduits — les poèmes de Joachim du Bellay, qui me paraissaient très intéressants, comme un sorte de journal en vers tenu à Rome, quand il était le secrétaire de son oncle cardinal.
En Pologne, il y a aussi toute la littérature romantique, qui représentait pour moi une sorte d’aventure pendant mes années lycée. Et en même temps, je lisais beaucoup de poètes maudits. Les Français, bien sûr, mais aussi les Polonais, puisqu’en Pologne aussi il y a eu une génération de ce genre, mais plutôt dans les années 1960, dans un esprit révolutionnaire.
Et puis il y a la littérature qui suit Bruno Schulz, comme Debora Vogel, qui est une écrivaine yiddish de la Pologne de l’entre-deux-guerres. En général, j’aime toute la littérature qui était populaire à cette époque et qui a sauvé la Pologne du provincialisme culturel. Puis, dans la suite du XXe siècle, les Prix Nobel de littérature Wisława Szymborska et Czesław Miłosz, ou encore Witold Gombrowicz, Zbigniew Herbert ou Adam Zagajewski, Ryszard Krynicki et toute la génération polonaise des années 1970-1980, dont beaucoup sont encore mes amis.
J’ajouterais la littérature autrichienne et allemande, comme Thomas Bernhard, W.G. Sebald, Rainer Maria Rilke, Georg Trakl. Toute la littérature austro-hongroise est très importante pour moi – Joseph Roth, Robert Musil et plusieurs autres. Enfin, j’aime les écrivains russes comme Joseph Brodsky ou Ossip Mandelstam.
Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’amis parmi les écrivains lituaniens et ukrainiens. Et il y a des auteurs comme Serhiy Jadan, Yury Andrukhovych, en Ukraine, qui sont extraordinaires, à mon avis. Perversion d’Andrukhovych est un grand roman européen.
Mais mes références changent toujours et il y a toujours du nouveau et, en même temps, je n’oublie pas les commencements : la littérature antique. Homère me fascine toujours, comme Ovide, dont l’exil à Tomes a donné son titre à un de mes essais. Mais je reste aussi toujours au plus près de la littérature la plus contemporaine, notamment en participant à des jurys de prix littéraires.
Quel est pour vous le grand récit européen qu’il faut lire absolument pour comprendre ce continent – ou continuer à ne pas le comprendre d’ailleurs ?
Il est difficile de choisir parmi tout. Disons Don Quichotte de Cervantès et Gargantua et Pantagruel de Rabelais. Plus proche de nous, j’ajouterais La vie devant soi, d’Émile Ajar.