« Nous sommes à l’ère du post-quelque chose », pour compléter cette lecture, nous vous conseillons le grand entretien avec Emilio Gentile paru dans nos pages.
Le 24 juillet 1943, à 17 heures, le Grand Conseil, organe suprême du régime fasciste, se réunissait au Palazzo Venezia, dans la salle du Pappagallo (le Perroquet). La séance dura dix heures. Le 25 juillet, à 2h30 du matin, la majorité des hiérarques votait un ordre du jour de défiance à l’égard du Duce, présentée par Dino Grandi. C’était la première fois que cela se produisait. Et ce fut aussi la dernière. Le même jour, à 17h30, alors qu’il sortait de l’audience avec le roi, Mussolini fut arrêté par les carabiniers. C’était la fin du régime fasciste.
Les vingt-quatre heures qui s’écoulèrent entre l’ouverture de la session du Grand Conseil et l’arrestation de Mussolini sont entrées dans l’histoire sous le nom de « 25 juillet ». Il y a un fait marquant pendant ces vingt-quatre heures : les dix heures de séance du Grand Conseil. Bien que l’arrestation de Mussolini et la formation d’un gouvernement militaire dirigé par le maréchal Pietro Badoglio avaient été prévues dans un plan de coup d’État élaboré par les militaires sans lien avec l’action des hiérarques qui votèrent l’ordre du jour Grandi, les militaires reconnurent que ce n’était pas eux, mais le Grand Conseil, qui avait donné le coup de grâce au régime fasciste. Le premier à le dire fut Badoglio parlant à ses officiers le 18 octobre 1943 : « Ce n’est pas Sa Majesté ou moi qui avons renversé le fascisme. Le fascisme n’est pas tombé à cause d’une force extérieure, mais à cause d’une crise interne : il ne pouvait plus résister. Il a été renversé par les membres mêmes du Grand Conseil. Dans la soirée du 24 juillet, ils votèrent à la majorité contre Mussolini. Ils signèrent sa fin. Enfin ! » 1
La thèse d’un suicide du régime fasciste organisé par son organe suprême est soutenue, bien qu’indirectement, par les principaux protagonistes de la rébellion contre Mussolini la nuit du Grand Conseil : Grandi et Federzoni ont soutenu que la chute de Mussolini et la fin du régime fasciste étaient le but de leur initiative. Notre action, racontait Grandi, visait à « renverser Mussolini et la dictature », de sorte que l’approbation de son ordre du jour « signifiait effectivement la déposition du dictateur, la condamnation de la dictature et du système totalitaire et, comme fatale conséquence, l’effondrement du régime » 2. Dans ses mémoires, l’autre grand partisan de l’initiative de Grandi, Luigi Federzoni, discuta également l’objectif qu’il se proposait d’atteindre au Grand Conseil en votant l’ordre du jour de Grandi : « nous, les promoteurs de cette démonstration, étions pleinement conscients des graves répercussions qui pouvaient résulter de notre action […] nous y étions allés précisément pour obtenir ce résultat : l’élimination de Mussolini » 3.
Il est possible que la chute de Mussolini et le renversement du totalitarisme, préludes à la rupture de l’alliance avec l’Allemagne et à la paix séparée avec les Alliés, aient été les objectifs que Grandi et Federzoni s’étaient donnés, même s’ils ne l’avaient pas ouvertement révélé aux autres hiérarques qu’ils ont persuadés de voter en faveur de l’ordre du jour Grandi. Au contraire, les témoignages d’autres hiérarques, comme Bottai, Bastianini, Cianetti et De Stefani, montrent qu’ils ne voulaient pas que le Duce soit déposé ou qu’il quitte la scène, même s’ils s’étaient ralliés à Grandi et à Federzoni pour critiquer le régime totalitaire et la concentration excessive du pouvoir par le Duce. Leur intention était de pousser Mussolini à rendre le commandement militaire suprême au roi, à restaurer le fonctionnement du Grand Conseil, du Conseil des ministres, du Parlement et de tous les autres organes et institutions du régime et de l’État qui avaient été privés de leur pouvoir par la centralisation du Duce. Pour autant, ils ne voulaient pas s’attaquer au prestige du Duce, ni abattre le régime : ils étaient convaincus qu’il fallait libérer Mussolini du fardeau du commandement militaire pour le rendre plus apte à exercer le pouvoir politique et, en même temps, sauver le fascisme en le débarrassant des oripeaux du régime totalitaire qui l’avait souillé et déformé.
Alberto De Stefani, qui vota l’ordre du jour Grandi, était convaincu que « pour sauver le Duce et le régime, le Grand Conseil se préparait ainsi à exiger du Roi qu’il reprenne ses pouvoirs militaires et des institutions qu’elles reprennent leur fonctionnement constitutionnel » 4. Giuseppe Bottai, qui était lui aussi un fervent partisan de l’initiative de Grandi et qui avait participé à la révision et à la rédaction finale de l’ordre du jour présenté et voté au Grand Conseil, avait une orientation assez similaire. Il ne pensait pas que la déposition éventuelle de Mussolini devrait entraîner la fin du parti fasciste. Réfléchissant aux événements du 25 juillet dans son journal, il nie, à l’entrée du 23 août 1943, que l’arrestation de Mussolini et la fin du régime aient été la conséquence inévitable de l’ordre du jour Grandi. C’était plutôt la suite imprévue de l’intervention des militaires, approuvée par le roi :
C’est la conséquence d’un mouvement d’origine militaire, indépendant et opposé au nôtre. Nous évoluions au sein du fascime, au pire nous procédions du fascisme ; nous n’étions pas hostiles — pieuse illusion — à un Mussolini émoussé, à un Mussolini ramené à la constitution fasciste. Les militaires avançaient contre le fascisme. Badoglio n’est que le deus ex machina placé par la Couronne entre notre motion et la motion militaire. Il aurait dû les combiner ; mais des forces négatives et destructrices lui ont forcé la main. 5
Revenant sur le 25 juillet, deux ans plus tard, Bottai répéta que l’orientation qui avait prévalu au Grand Conseil pendant les dix heures de débat n’était pas la destitution du Duce et la fin du régime, mais une tentative de sauvetage du fascisme sous une nouvelle forme, avec un Mussolini réinventé :
C’était une tentative extrême, non pas de sauver le fascisme tel qu’il était, mais de le sauver en le ramenant, par des remèdes drastiques, à son essence et à sa constitution authentiques. C’est la note dominante des discussions, auxquelles se mêlèrent parfois quelques membres du Grand Conseil, Farinacci, De Vecchi, De Bono, Bastianini, Bottai, et d’autres : les « orateurs ». C’était une initiative qui n’avait rien d’officieuse : elle était officielle, non secrète, lancée de son plein gré par le Secrétaire du Parti, qui tenait le Duce informé.
Le nom de ce dernier revenait sans cesse — comme il se doit. Tous déploraient ouvertement que le Chef se soit empêtré dans ses responsabilités militaires, au point d’en faire la pierre d’achoppement du mouvement révolutionnaire. Sans que cela soit facile, celui-ci aurait pu profiter de la crise militaire pour ouvrir une crise politique fertile en développements. Le maréchal de l’Empire étouffait l’initiative du chef politique ; et, inversement, le roi, privé de ses prérogatives et responsabilités militaires, en venait à assumer, malgré lui, le rôle d’arbitre politique. Il fallait, dans un premier temps, rétablir rapidement l’équilibre des fonctions.
C’est de ces débats qu’est née l’idée de « dépouiller » le Duce de son haut commandement et d’en « investir » à nouveau le Roi. Ce n’était ni un subterfuge, ni un sournois travail de sape, ni une intrigue souterraine, mais une demande explicite, dont le secrétaire du Parti se faisait bien sûr l’interprète auprès du Palazzo Venezia. Du reste, c’est là qu’elle a été proclamée sans équivoque par De Bono, Farinacci, Giuratti et moi-même pendant le « moment » du 16 juillet (date à vérifier).
Étaient-ils allés plus loin en ce qui concerne Mussolini ? Avait-on prévu son renversement complet ? Non, mais certains discours étaient suspects : ceux, notamment, de Farinacci. Je parle d’un mort, et il en va de ma conscience de peser chaque mot que j’écris. Farinacci croyait, ou faisait croire, qu’il avait d’autres cartes en main : la carte allemande. Il avait le langage d’un homme destiné, en cas de crise totale, à la succession.
C’est alors que j’ai pris position et déclaré qu’à mon avis, soit le fascisme serait sauvé avec Mussolini, soit il ne serait plus. 6
Les contradictions flagrantes entre les récits de Grandi et Federzoni d’un côté et ceux de De Stefani et Bottai de l’autre quant à ce qu’ils considéraient comme l’objectif de la dernière session du Grand Conseil, ne sont qu’un exemple — touchant à la question centrale que pose l’histoire du 25 juillet — de la diversité des versions de ce qui s’est passé au Palazzo Venezia pendant dix heures entre le 24 et le 25 juillet. En l’absence de procès-verbal officiel de la dernière session du Grand Conseil, on ne sait pas ce que le Duce et les hiérarques se sont réellement dits.
Il est facile d’objecter que même le plus fidèle des procès-verbaux ne peut contenir un compte-rendu objectif de ce qui a été prononcé lors d’une réunion : cependant, disposer d’un tel document, qui aurait reçu l’approbation de toutes les personnes présentes, reviendrait à posséder une boussole qui aiderait à s’orienter dans le maquis des versions, souvent conflictuelles et contradictoires, qu’ont laissées les protagonistes de cette dernière session du Grand Conseil.
Dans les mois qui ont suivi la fin du régime fasciste, la presse italienne et étrangère a publié des récits, pour certains vraisemblables, parfois complètement improbables, de ce qui s’était passé dans la salle du Pappagallo, où se réunissait habituellement le Grand Conseil, au Palazzo Venezia. Les récits plausibles s’appuient probablement sur les témoignages et les révélations de certains participants à la dernière session ou du moins de certains de leurs confidents. On y parle d’affrontements violents, de hiérarques armés, d’insultes, d’agressions et de fusillades. C’est peut-être pour démentir tant de récits sensationnels et scandaleux que certains membres du Grand Conseil ont jugé bon de publier leur version des faits dès 1944 : il s’agissait peut-être moins de défendre la vérité que de se défendre eux-mêmes et ainsi éviter l’accusation d’avoir ruiné l’Italie ou d’avoir trahi Mussolini et le régime, en prétendant, au contraire, que leur seul but avait été de sauver la nation de la catastrophe.
Dès le mois de juillet 1944, Mussolini publia sa propre version de la dernière session du Grand Conseil. Grandi l’imita en février 1945. Après quoi, pendant quatre décennies, d’autres hiérarques publièrent dans des interviews, des articles, des mémoires et des livres leur version de ce qui avait été dit, comment cela avait été dit et pourquoi cela avait été dit au Grand Conseil. Tous, cependant, présentaient des apologues de leurs propres actions.
D’une certaine manière, l’histoire de cette dernière séance est avant tout l’histoire de la manière dont elle a été racontée par les participants. La divergence entre tant de récits et, souvent, la divergence entre les versions données par la même personne à des moments différents, crée des difficultés considérables pour établir les faits et interpréter la signification historique du 25 juillet comme événement décisif dans l’histoire de l’Italie contemporaine.
Tous les récits des participants à la dernière session du Grand Conseil ont une caractéristique commune sur laquelle il convient d’attirer l’attention. Ils ont été écrits quelques mois, quelques années, ou parfois de nombreuses années après le 25 juillet. Par conséquent, leur version des événements qui se sont déroulés au cours de ces dix heures décisives a été évidemment conditionnée et orientée par deux événements — l’arrestation de Mussolini et la fin rapide du régime fasciste — qui n’avaient pas été prévus par les participants à la dernière session. L’arrestation de Mussolini a surpris tous les participants au dernier acte du Grand Conseil, qui ont appris la nouvelle par des confidences ou par l’annonce à la radio à 22h45 le 25 juillet.
Ce qui s’est passé à partir de 17h20 le 25 juillet a conditionné et influencé de manière décisive le récit de ce qui s’est passé dans les vingt-quatre heures précédentes, et notamment les dix heures de la séance du Grand Conseil. Alors que ses membres débattaient du rapport présenté par le Duce ainsi que des ordres du jour, aucun d’entre eux ne savait, ou peut-être certains ne faisaient que deviner, qu’ailleurs les militaires, avec l’aval du roi, avaient déjà préparé un coup d’État pour déposer Mussolini, mettre fin au régime fasciste et instaurer une dictature militaire pour rechercher une paix séparée.
De nombreux livres ont été écrits à propos du 25 juillet : mémoires, textes de vulgarisation, récits historiques, auxquels il faut ajouter une myriade d’articles et d’interviews de nombreux acteurs de la longue nuit du Grand Conseil. Le premier livre intitulé 25 juillet est paru en septembre 1944 ; le dernier en date a été publié en 2013. Dans la préface du premier livre, le journaliste Vitantonio Napolitano indiquait que « comme toutes les journées cruciales et décisives, celle du 25 juillet est aussi destinée à faire couler beaucoup d’encre. Plus la date s’éloignera dans le temps et perdra son caractère épisodique et informe, plus les archives livreront leurs secrets et les hommes leurs souvenirs, les mémoires, évocations et les écrits s’accumuleront » 7.
C’est ce qui s’est passé. Comme l’historien Nino Valeri l’a observé dès 1972, les événements de la dernière session du Grand Conseil sont « maintenant connus à la perfection, même si tous les détails rapportés à diverses occasions par les personnes présentes, ou par leurs confidents, ne concordent pas encore » 8. Mais il n’y a pas que les détails qui ne concordent pas dans les témoignages des protagonistes et de leurs confidents : il arrive que des parties entières de leurs récits ne concordent pas — voire qu’elles divergent substantiellement — à propos des questions cruciales discutées au cours des dix heures de réunion au Palazzo Venezia. Par exemple, les citations textuelles des discours prononcés par les deux principaux antagonistes de la réunion, Mussolini et Grandi, ne concordent pas. De même, les descriptions des attitudes et des comportements des membres du Grand Conseil ne correspondent pas.
De tout ce qui a été écrit sur ce qui s’est dit lors de la dernière session du Grand Conseil, nous ne donnerons ici qu’un seul exemple, mais il concerne la question la plus importante pour savoir ce qui s’est passé durant ces dix heures de discussion. Cet exemple suffira à montrer les difficultés auxquelles l’historien doit faire face pour pouvoir établir les faits. L’exemple choisi concerne deux phrases particulièrement graves que Mussolini aurait prononcées au cours de la discussion et à la fin de la séance, selon ce qu’il a lui-même raconté dans un article sur la dernière session du Grand Conseil publié dans le Corriere della Sera le 1er juillet 1944.
Mussolini aurait dit dans sa troisième et dernière intervention, au cours du débat : « Messieurs, prenez garde ! L’ordre du jour de Grandi peut mettre en jeu l’existence du régime ». Puis, à la fin de la réunion, après le résultat du vote, Mussolini aurait dit : « Vous avez provoqué la crise du régime. La réunion est ajournée ! » 9.
Ces deux phrases, en particulier la première, sont très importantes d’un point de vue politique car elle prouverait que le Duce avait bien compris la gravité de l’ordre du jour du Grandi, qu’il était conscient que son approbation mettrait en jeu l’existence du régime, et qu’il avait donc averti les membres du Grand Conseil de réfléchir à la portée de leur décision.
Cette observation est nécessairement suivie d’une autre, tout aussi importante : si Mussolini avait immédiatement compris que l’approbation de l’ordre du jour Grandi mettrait en jeu l’existence du régime, pourquoi — comme en témoignent tous les participants à la séance — n’a-t-il rien fait pour l’empêcher ou en empêcher le vote, étant donné que jamais une séance du Grand Conseil ne s’était terminée par un vote qui n’était ni prévu ni imposé par la loi de 1928, par laquelle le Grand Conseil, organe suprême du parti fasciste, devenait l’organe suprême du régime ?
Compte tenu de la gravité des questions liées aux deux phrases de Mussolini, il faut vérifier si elles ont été effectivement prononcées. De même, il sera nécessaire, au cours de cette enquête sur le 25 juillet, de confronter les témoignages contradictoires des différents acteurs de la dernière session, afin d’essayer d’approcher au mieux la réalité de ce qui s’est passé. Et parmi les événements qui se sont déroulés, il faut inclure les motivations, les intentions, les buts, qui animaient les protagonistes. Il est nécessaire de vérifier si, dès le début, chaque membre du Grand Conseil, à commencer par le Duce, savait exactement ce qu’il faisait et pourquoi il le faisait, ou s’il a procédé sans orientation, sans but précis. Pour cela, il faudra essayer de définir le déroulement de la situation qui, au cours de ces dix heures, semblait osciller entre différentes positions jusqu’à la fin, laissant entrevoir des résultats différents, voire opposés. Rien n’était déterminé ou inévitable pendant cette séance. Le résultat de la dernière nuit du Grand Conseil, fonction des choix faits par ceux qui y ont participé, aurait pu être différent de ce qui avait été prédit, imaginé, souhaité, craint ou espéré.
Si l’on s’en tient à l’exemple choisi — que Mussolini a-t-il ou non prononcé son avertissement fatal ? — la tâche est loin d’être facile, car l’historien doit démêler l’écheveau des témoignages et des récits conflictuels et contradictoires de la dernière séance du Grand Conseil publiés par les différents participants, dont certains, à des moments différents, ont donné des versions divergentes de ce qu’ils ont dit et entendu. Et l’on ne peut échapper à l’impression de lire des versions truffées de pépites de sagesse posthume et rétroactive, d’exagérations flagrantes, d’autocensure, de mystifications parées de nobles sentiments et d’idéaux élevés, et de mensonges purs et simples. Il y a même un soupçon d’hésitation qui émane de tout cela, comme l’a fait remarquer un jeune historien très talentueux lors de la préparation d’une émission télévisée sur le dernier acte du Grand Conseil.
Prenons le cas de Grandi, qui fut l’acteur principal de cette affaire, plus important que Mussolini lui-même à cause de la manière dont il parvint à atteindre le succès final. Son premier article sur la nuit du Grand Conseil a été publié le 26 février 1945 par Life 10. Grandi écrit que Mussolini, « arrogant, sûr de lui, absolument confiant dans sa capacité à dominer l’assemblée comme toujours », termine son rapport liminaire en déclarant : « Je vais clore la discussion et établir un ordre du jour sur les mesures qui doivent être prises ». Grandi ajoutait : « c’était la coutume. Le Grand Conseil s’ouvrait toujours par un exposé de Mussolini, puis il y avait la discussion, puis l’ordre du jour. Il n’y avait jamais de vote ».
Ce jour-là, cependant, les choses se sont passées différemment. Lorsqu’il prend la parole pour détailler son ordre du jour, raconte Grandi, il n’hésite pas à accuser Mussolini, qui l’écoute « assis sur son trône, sombre et menaçant », d’avoir imposé une dictature qui est la véritable cause du désastre italien, et d’avoir trahi le peuple italien lorsqu’il a commencé à « germaniser l’Italie » en l’entraînant dans les bras d’Hitler, pour la forcer à entrer dans une guerre contraire aux intérêts, aux sentiments et à l’honneur des Italiens. Grandi raconte encore que Mussolini, après l’avoir écouté en silence pendant près d’une heure, a fini par perdre son sang-froid et a commencé à l’interrompre et à contredire ce que Grandi disait : « Mussolini hurlait à plein poumons : — Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai. Cet homme vous trompe, il ment ». Enfin, il devient menaçant : « Ce soir, je t’ai laissé dire ce que tu pensais, dit-il, j’aurais pu t’interrompre et te faire arrêter ». Et il poursuivit avec une expression de douleur et de reproche : « Il semble qu’il y ait quelqu’un ici qui aimerait bien se débarrasser de moi ».
Les clefs d’un monde cassé.
Du centre du globe à ses frontières les plus lointaines, la guerre est là. L’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine nous a frappés, mais comprendre cet affrontement crucial n’est pas assez.
Notre ère est traversée par un phénomène occulte et structurant, nous proposons de l’appeler : guerre étendue.
La discussion, poursuit Grandi, « est devenue violente ». Galbiati, commandant de la milice, menace de faire intervenir des fascistes armés. Tringali, président du Tribunal spécial, a crié de l’autre côté de la table : « Tu devras payer cette trahison de ta tête ». « Il n’y avait pas un seul homme dans la salle », ajoute Grandi, « qui ne savait pas que cette décision était désormais une question de vie ou de mort pour lui ». Soudain, à trois heures du matin, Mussolini décide de soumettre au vote la proposition de Grandi. En apprenant le résultat du vote, « Mussolini se redressa sur son trône et nous regarda l’un après l’autre. Puis il se leva lourdement. Alors qu’il atteignait le coin de la table pour partir, la bouche de Scorza s’ouvrit pour le rituel : “Salut au Duce”, mais les mots ne sortirent pas ». Grandi ne mentionne pas les phrases de Mussolini sur la crise du régime que provoquerait son programme.
Cependant, la version que Grandi donne dans son livre sur 25 juillet, publié en 1983 mais, selon lui, écrit à Lisbonne entre 1944 et 1945, en même temps, donc, que l’article pour Life, est très différente 11. Le comportement de Mussolini pendant le discours de Grandi y est décrit très différemment : « Je parlais depuis une heure et demie. À l’exception d’une brève interruption au début, Mussolini m’avait écouté, me regardant en silence et sans cligner des yeux ». En outre, dans la nouvelle version, Grandi ne parle pas de la menace que Mussolini aurait proférée, évoquant la possibilité de faire arrêter ceux qui pensaient se débarrasser de lui ; il ne parle pas non plus d’une discussion de plus en plus violente. En outre, la menace de faire intervenir les milices fascistes a été supprimée de la citation du discours de Galbiati, tout comme l’allusion au danger de mort a été supprimée des paroles attribuées au président du Tribunal spécial et remplacée par un avertissement beaucoup plus général : « L’ordre du jour du Grand Conseil établit déjà des responsabilités très sérieuses. Que les membres du Grand Conseil s’en souviennent » 12. Enfin, la nouvelle description que donne Grandi de la fin de la séance, après le vote, est très différente. En effet, un élément très parlant est ajouté : à l’issue du vote, Mussolini paraît « surpris, mais son visage sombre reste impassible. […] Il regarde fixement l’assemblée. […] Puis, après une pause : “Vous avez provoqué la crise du régime”. Il dit cela, mais il n’y croit toujours pas. Il se lève. Scorza fait mine de saluer le Duce. Mussolini le retient d’un geste : “La séance est levée”. Il traverse lentement la salle, suivi de Scorza et d’autres » 13. En résumé, dans la nouvelle version de son récit du 25 juillet, Grandi ajoutait la phrase de conclusion que Mussolini prétendait avoir prononcée dans le récit qu’il avait donné de cette dernière séance.
On retrouve cette phrase de Mussolini dans le livre sur la nuit du Grand Conseil écrit par le dernier secrétaire du parti fasciste, Carlo Scorza, et publié en 1968. Scorza raconte que le Duce aurait terminé son premier rapport avec des mots très différents de ceux cités par Grandi : « Je pense que le Grand Conseil doit se poser le problème : guerre ou paix ? Résistance ou capitulation ? Je crois qu’avec cette discussion, la parole que la nation attend en ce moment peut sortir de ce Grand Conseil » 14. Scorza raconte que le Duce reprit la parole au cours de la discussion et conclut en disant : « Messieurs, attention ! L’ordre du jour de Grandi peut mettre en jeu l’existence du régime » 15. Enfin, écrit Scorza, après avoir appris le résultat du vote, Mussolini dit d’une « voix si égale et naturelle », qu’il ne semble pas « annoncer un fait inattendu et très grave, mais un fait réfléchi et considéré comme acquis depuis longtemps : “Messieurs, avec cet ordre du jour, vous avez ouvert la crise du Régime”. » 16.
Cependant, comme Grandi, Scorza a donné deux versions différentes des paroles prononcées par le Duce pendant et à la fin de la session. Six mois avant la parution de son livre en octobre 1968, il donna une « interview-procès » publiée par la Domenica del Corriere le 12 mars, dans laquelle le journaliste lui demanda si Mussolini avait dit « l’agenda de Grandi peut mettre en jeu l’existence du régime », et à quel moment. Scorza répondit : « Les termes utilisés par le Duce n’étaient pas aussi péremptoires. Par exemple, il n’a pas déclaré que le programme de Grandi pouvait “mettre en jeu l’existence du régime”, mais plutôt qu’il “pouvait avoir des conséquences imprévisibles”. Il s’agissait de son troisième et dernier discours, prononcé vers minuit et demi, après que Grandi lui a présenté un exemple de son ordre du jour, signé par vingt personnes » 17.
Cela dit, que Grandi et Scorza, dans une de leurs versions, attribuent à Mussolini les deux phrases cruciales sur la crise du régime que le Duce lui-même prétendait avoir prononcées, ne suffit pas à prouver qu’elles aient effectivement été prononcées. Il est en effet étrange qu’en dépit de la gravité de ces phrases pour toute l’affaire du 25 juillet, ni l’une ni l’autre ne soit mentionnée dans les récits des autres participants à la dernière séance.
Elles ne sont pas mentionnées par Tullio Cianetti dans les mémoires qu’il a rédigés alors qu’il était en prison lors du procès de Vérone, accusé de trahison pour avoir voté en faveur de l’ordre du jour de Grandi. Puisqu’il avait écrit une lettre au Duce, le matin du 25 juillet, pour retirer son vote, il échappa à la peine de mort prononcée par le Tribunal spécial de Vérone à l’encontre des autres accusés. Dans son cas, elle est remplacée par une peine de trente ans d’emprisonnement. Après la lecture des résultats du vote, raconte Cianetti, « Mussolini, impassible et fatigué, prononça ces simples mots de conclusion : “Compte tenu de ce résultat, je considère qu’il est inutile de soumettre au vote les autres ordres du jour”. Il ramassa ses papiers et retourna tranquillement dans sa salle de travail habituelle ».
En outre, non seulement Cianetti ne mentionne pas la déclaration de Mussolini sur la crise du régime provoquée par le vote, mais il ajoute même une note de bas de page à son récit, commentant le livre de Mussolini Storia di un anno (Histoire d’une année), qui contenait « beaucoup de choses correctes, mais aussi beaucoup de choses fausses ou manipulées avec art » : « À la page 79 du livre, Mussolini prétend avoir dit : « Messieurs, soyez attentifs ! L’ordre du jour. Grandi peut mettre en jeu l’existence du régime ». J’affirme catégoriquement que Mussolini n’a pas prononcé ces mots. À la page 82, il est dit qu’après le vote, Mussolini se serait levé et aurait dit : « Vous avez provoqué la crise du régime ». C’est faux ! Mussolini n’a fait que prononcer les paroles que j’ai citées ci-dessus » 18.
On ne retrouve pas non plus les deux phrases de Mussolini dans les récits des autres membres du Grand Conseil qui ont publié leur propre version de ce qui a été dit — et comment — lors de la dernière séance, notamment Acerbo, Alfieri, Bastianini, Bottai, De Marsico, De Stefani, De Vecchi, Federzoni, Galbiati et Polverelli. Selon le témoignage de ce dernier, Mussolini n’aurait évoqué que sa position personnelle face à l’attitude du roi :
Mussolini déclare que, compte tenu du moment difficile, l’ordre du jour Grandi est extrêmement sérieux pour plusieurs raisons. « Il [l’ordre du jour Grandi] pose le dilemme suivant : le Roi accepte ou n’accepte pas. S’il accepte, je dois alors quitter le commandement suprême des forces armées, ce qui soulève une question personnelle. Si l’ordre du jour n’est pas limité au problème militaire, il faut dire clairement où l’on veut aller et ce que l’on veut ». Aucun éclaircissement n’a été apporté sur ce point.
Mussolini soumet l’ordre du jour de Grandi au vote. 19
En lisant les témoignages des participants à la dernière session du Grand Conseil, on a l’impression d’avoir assisté ce soir-là à une adaptation italienne du film Rashōmon d’Akira Kurosawa. Dans ce film, un bûcheron, un moine et un passant s’abritent pendant un orage sous une poterne — qui est du reste ce que désigne le titre du film : « la porte de Rasho » — près de la ville de Kyoto. Pour passer le temps, ils se mettent à parler du procès d’un brigand, accusé d’avoir assassiné un samouraï après avoir violé sa femme. Ce fait est certain. Mais au cours du procès, le brigand, la femme du samouraï assassiné et le samouraï lui-même, rappelé du royaume des morts, donnent chacun des versions totalement différentes de ce qui s’était passé. Le bûcheron, témoin oculaire, ajoute sa version, qui contredit toutes les autres : mais les deux autres auditeurs soupçonnent que ce n’est pas vrai non plus. La mort du samouraï est certaine, mais la façon dont elle s’est produite et la raison pour laquelle elle s’est produite restent incertaines. Comme dans Rashōmon, le récit de la journée qui va de 17h15 le 24 juillet à 2h30 le lendemain, est organisé autour d’un fait certain, la séance du Grand Conseil, mais ce qui s’est réellement passé pendant les dix heures qui ont précédé le vote final est toujours incertain tant les témoignages sont contradictoires.
Pour revenir à l’exemple que nous avons choisi, il y a de bonnes raisons de penser que les deux phrases de Mussolini n’ont pas été prononcées au Grand Conseil, mais qu’elles ont été inventées et ajoutées par le Duce dans son rapport écrit un an après le Grand Conseil, et six mois après la conclusion du procès de Vérone et l’exécution de Ciano, De Bono, Gottardi, Pareschi et Marinelli. Mussolini connaissait les actes du procès, dont il avait conservé une copie photographique, lorsqu’il raconta sa version de la dernière session du Grand Conseil : il est évident que ses deux phrases constituèrent une sorte de légitimation posthume et rétroactive de la sentence prononcée par le Tribunal spécial. Pourtant, au cours du procès, aucun des hiérarques — Biggini, Buffarini Guidi, Farinacci, Frattari, Scorza et Suardo — qui avaient voté contre l’ordre du jour de Grandi et témoigné contre les accusés lors du procès n’a mentionné les phrases de Mussolini pour démontrer que les accusés étaient conscients, après l’avertissement du Duce, que leur vote mettrait en péril l’existence du régime.
Jusqu’à présent, les historiens qui ont reconstitué l’affaire n’ont pu s’appuyer que sur les récits et les témoignages des protagonistes, seules sources auxquelles ils ont eu recours pour reconstituer les dix heures au cours desquelles le Duce et les hauts responsables du régime fasciste ont discuté pour la dernière fois. Et les interprétations du comportement des acteurs individuels et de la signification de la session dans l’épisode final de la crise du régime fasciste ont jusqu’à présent été basées exclusivement sur ces documents. Il est pourtant clair que tous ces rapports, ainsi que ceux publiés plus tard par d’anciens membres du Grand Conseil, ont été rédigés pour confirmer ou infirmer, directement ou indirectement, la version des événements de Mussolini, qui se concentrait sur ses deux phrases cruciales concernant la crise inévitable du régime à la suite de l’approbation de l’ordre du jour du Grand Conseil.
Les historiens qui ont jusqu’à présent raconté la fin du régime fasciste ont tenu pour acquis que Mussolini avait prononcé ces phrases cruciales et les ont utilisées pour prouver que le Duce avait compris que l’adoption de l’ordre du jour Grandi entraînerait la fin du régime 20. Renzo De Felice écrit également qu’elles auraient effectivement été prononcées, tandis qu’il juge le démenti de Cianetti « peu fiable ». Pour le biographe de Mussolini, la preuve indubitable de la véracité des phrases de Mussolini est que « les mots en question apparaissent aussi dans la reconstruction donnée par Grandi de la réunion du Grand Conseil » 21. Il est toutefois surprenant qu’un historien aussi scrupuleux que De Felice ait, sans émettre le moindre doute, accrédité les phrases de Mussolini sur la base des citations de Scorza et de Grandi dans leurs livres, sans tenir compte que ces derniers les avaient ignorées dans une autre version de leur récit.
De nouveaux démentis de la véracité des phrases de Mussolini ressortent de certains documents inédits sur la dernière séance du Grand Conseil, qui proviennent des papiers de Luigi Federzoni, qui ont été récemment mis au jour et acquis par la Direction générale des archives et maintenant déposés aux Archives centrales de l’État. Parmi ces documents figurent huit pages de notes écrites au crayon de Federzoni. Très concises, elles rapportent, sous forme de minutes, le contenu de presque toutes les interventions. Un autre document est constitué de 22 feuilles manuscrites, mais avec des insertions et des ajouts divers, qui ont l’apparence d’un véritable procès-verbal de la dernière réunion, mais rédigé dans une écriture différente. Il est très probable que ce second document soit le procès-verbal qui, selon divers témoignages que nous verrons plus loin, a été rédigé dans la maison de Federzoni par certains des signataires de l’ordre du jour Grandi, dans la matinée ou l’après-midi du 25 juillet, c’est-à-dire avant la nouvelle de l’arrestation de Mussolini.
Au terme de notre enquête, on constatera l’importance extraordinaire de ces nouveaux documents pour vérifier la validité historique de ce qui a été écrit jusqu’à présent sur le Grand Conseil, tant du point de vue des événements du 25 juillet que de leur interprétation. Nous nous contenterons ici de noter que les deux phrases cruciales de Mussolini sur la crise du régime ne sont mentionnées dans aucun d’entre eux. Et ce n’est pas tout : aucun de ces documents n’évoque la possibilité que le Duce puisse quitter la scène, ou encore le risque d’une fin du régime fasciste.
Les nouveaux documents ont permis de réexaminer de manière critique les récits et les témoignages disponibles et de comparer les différentes versions des protagonistes, en mettant en lumière ce qui peut être considéré comme vrai et ce qui est le fruit de l’invention, de la falsification et de la mystification. En effet, les nouveaux documents prouvent que les versions de la nuit du Grand Conseil données par Grandi, Federzoni et d’autres hiérarques dans leurs rapports ont été maintes fois retravaillées et modifiées de façon téléologique. En outre, les nouveaux documents réfutent non seulement la plupart des versions données par les principaux acteurs de la dernière session du Grand Conseil, mais ils jettent aussi une lumière nouvelle sur ce qui s’est réellement passé, en particulier en ce qui concerne le comportement de Mussolini.
L’exemple des phrases de Mussolini, précisément en raison de leur pertinence particulière, n’est qu’un exemple des doutes — parfois très importants — qui pèsent sur la véracité des nombreux témoignages sur ce qui s’est passé dans la journée qui est entrée dans l’histoire sous la dénomination « 25 juillet ». De plus, à la lumière des nouveaux documents, les questions centrales de cet événement se posent à l’historien. Mentionnons les principales, qui font l’objet de notre enquête.
Qui sont les hiérarques qui ont pris l’initiative de demander et d’obtenir du Duce la convocation du Grand Conseil ? Les dix-neuf hiérarques qui ont voté la défiance à l’égard de Mussolini avaient-ils tous le même objectif ? Est-ce cet objectif qui s’est concrétisé dans l’après-midi du 25 juillet ? Les dix-neuf avaient-ils prévu que les conséquences de l’ordre du jour du Grand Conseil seraient la destitution du Duce et la fin du régime fasciste ? Voulaient-ils réellement évincer Mussolini, rendre les pouvoirs militaires et politiques au roi et mettre fin au régime fasciste, parce qu’ils pensaient que ce n’était qu’ainsi qu’il était possible de sauver le pays d’une catastrophe totale, comme ils l’ont écrit dans leurs mémoires ? Ou bien étaient-ils au contraire des traîtres, comme le prétendait Mussolini, parce qu’ils avaient comploté contre leur Duce, de mèche avec le roi et les militaires, pour négocier la capitulation avec les Anglo-Américains ?
Et encore : si le Duce considérait que l’ordre du jour de Grandi, dont il avait eu connaissance avant la réunion, était « inadmissible et lâche », ainsi qu’il semble l’avoir lui-même qualifié, pourquoi a-t-il permis qu’il soit discuté au Grand Conseil et demandé qu’il soit voté, alors qu’il n’y était pas obligé, puisque seul le chef du gouvernement, président de droit du Grand Conseil, était chargé de fixer l’ordre du jour des réunions ? Et si, par ailleurs, le Duce était sûr que la séance du 24 juillet se terminerait, comme toutes les précédentes, par l’approbation de sa volonté, pourquoi n’a-t-il pas proposé son propre ordre du jour pour l’intégralité de la séance, jusqu’au vote, ou reporté la séance, comme il en avait le pouvoir et comme cela s’était déjà produit en d’autres occasions dans le passé ? Peut-être était-il résigné à perdre ? Ou bien encore, comme l’ont prétendu certains participants à la dernière séance du Grand Conseil, est-ce Mussolini lui-même qui a souhaité, voire voulu, l’approbation de l’ordre du jour parce que, accablé par la défaite militaire et l’enchevêtrement d’une situation tragique qu’il ne savait pas comment résoudre, il voulait quitter la scène ?
Avec notre enquête, nous entendons fournir au lecteur de nouveaux éléments factuels et interprétatifs, afin de mieux comprendre les attitudes et les comportements des protagonistes de la nuit du Grand Conseil. Il s’agit de comprendre historiquement si ce qui s’est passé entre l’après-midi du 24 et l’après-midi du 25 juillet 1943 a été une entreprise téméraire de patriotes, comme l’a prétendu Grandi, une conspiration sournoise de traîtres, comme l’a prétendu Mussolini, ou le suicide — conscient ou involontaire — d’un régime, comme l’a prétendu Badoglio. Ou encore, comme nous tenterons de le démontrer à la fin de notre enquête, l’euthanasie du Duce qui aurait perdu son charisme.
Sources
- Cité dans R. Zangrandi, 1943 : 25 luglio-8 settembre, Feltrinelli, Milano 1964, p. 1056.
- D. Grandi, 25 luglio. Quarant’anni dopo, a cura di R. De Felice, il Mulino, Bologna 1983, pp. 225-227.
- L. Federzoni, Italia di ieri per la storia di domani, Mondadori, Milano 1967, p. 200.
- A. De Stefani, Gran Consiglio ultima seduta. 24-25 luglio 1943, Le Lettere, Firenze 2013, p. 78. Il s’agit d’un livre écrit par De Stefani entre 1943 et 1944, et resté inédit pendant près de soixante-dix ans.
- G. Bottai, Diario 1935-1944, a cura di G.B. Guerri, Rizzoli, Milano 1982, p. 431.
- G. Bottai, Diario 1944-1948, a cura di G.B. Guerri, Rizzoli, Milano 1988, p. 441.
- V. Napolitano, 25 luglio, Vega, Roma 1944, p. 7.
- N. Valeri, Tradizione liberale e fascismo, Le Monnier, Firenze 1972, p. 8.
- B. Mussolini, Opera omnia, a cura di E. e D. Susmel, 35 voll., La Fenice, Firenze 1951-63, XXXIV, pp. 349, 351.
- « Dino Grandi Explains », Life, 26 février 1945.
- Grandi, 25 luglio, cit., pp. 255-256.
- Idem, p. 266.
- Ibid. p. 268.
- C. Scorza, La notte del Gran Consiglio, Palazzi, Milano 1968, p. 37.
- Idem, p. 124.
- Ibid., p. 149.
- D. Susmel, « Seconda puntata dell’intervista-processo a Carlo Scorza sui fatti del 25 luglio 1943. La carta segreta : la pace con la Russia », Domenica del Corriere, 12 mars 1968.
- T. Cianetti, Memorie dal carcere di Verona, a cura di R. De Felice, Rizzoli, Milano 1983, p. 420.
- G. Polverelli, « La notte del Gran Consiglio negli appunti dell’unica persona autorizzata a stenografare », Il Tempo, 15 novembre 1952.
- Cf. F.W. Deakin, Storia della repubblica di Salò, vol. I, Einaudi, Torino 1963, p. 607 ; Zangrandi, 1943 : 25 luglio-8 settembre, cit., p. 917 ; G. Bianchi, Perché e come cadde il fascismo. 25 luglio 1943 : crollo di un regime, Mursia, Milano 1982 ; R. De Felice, Mussolini l’alleato, I. L’Italia in guerra 1940-1943, 2. Crisi e agonia del regime, Einaudi, Torino 1990, p. 1355.
- De Felice, Mussolini l’alleato, op. cit., p. 1355.