Le règlement devrait fixer un objectif d’indépendance partielle à atteindre sur la prochaine décennie. 

  • À l’horizon 2030, l’Union devra extraire 10 % de sa consommation de matières premières critiques, en transformer 40 % et en recycler 15 % ; aucun État tiers ne pourra à lui seul représenter plus de 70 % des importations européennes d’un matériau critique.
  • La liste des matériaux critiques, établie sur la base de leur importance stratégique, économique et des risques potentiels d’approvisionnement, n’est pas encore définie ; elle sera rédigée sur la base de l’importance d’un matériau pour la transition, ainsi que pour les usages militaires et spatiaux. 
  • Pour les terres rares qui sont indispensables à la fabrication des technologies vertes — telles que la production d’énergie éolienne, le stockage de l’hydrogène ou les batteries —, l’Europe dépend aujourd’hui à 98 % de la Chine. Par exemple, à peine trois pays représentant plus de 90 % de la production de lithium, métal nécessaire à la fabrication des batteries.
  • Dans les prochaines années, la demande pour ces terres rares augmentera significativement : selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande de lithium pour les voitures électriques devrait passer à plus de 1000 kt en 2040, contre 21,6 en 2020.

Pour pouvoir atteindre les seuils fixés et consolider les chaînes d’approvisionnement, le règlement crée également un statut de « projets stratégiques ». 

  • Ces projets bénéficieront de procédures d’octroi de permis accélérées et de financements facilités via un mécanisme commun d’achat – des mesures similaires à ce que la Commission prévoit pour les projets industriels « zéro émission » dans un règlement en cours de rédaction, qui sera aussi présenté le 14 mars. 
  • La Commission demandera aux États-membres de cartographier leurs ressources en matières premières critiques : chaque pays de l’Union doit mettre au point un programme national d’exploration dans un an après l’entrée en vigueur du règlement, et communiquer régulièrement l’état de ses stocks. 
  • Enfin, des audits de dépendance pour les entreprises pourraient être mises en place : les entreprises jugées pertinentes doivent évaluer tous les deux ans leur chaîne d’approvisionnement (en matériaux bruts ou traités et en matériaux recyclés).

Le règlement repose en partie sur  le développement d’une économie circulaire à l’échelle européenne qui devrait optimiser les stocks en matières critiques ; dans un intervalle de trois ans après l’entrée en vigueur du règlement, chaque État devra avoir perfectionné ses chaînes de recyclage ; la directive incite aussi les États-membres à renforcer leur investissements dans la recherche et le développement pour substituer aux métaux critiques d’autres moins stratégiques dans tous les domaines possibles. 

La proposition de règlement intervient alors que les chaînes d’approvisionnement en matériaux critiques sont l’objet de pressions géopolitiques. 

  • En effet,  en septembre 2010, suite à la détention d’un capitaine de navire chinois par Tokyo, la Chine avait interrompu les exportations de terres rares à destination du Japon
  • En 2021, l’approvisionnement européen en magnésium en provenance de Chine avait été interrompu, alors que le pays représente 95 % des importations de l’Union pour ce métal. 

Le règlement devrait accompagner la réponse européenne à la loi américaine sur l’inflation, qui soutient fortement le développement de l’extraction des minéraux critiques sur le sol américain : à l’horizon 2027, pour qu’un véhicule électrique puisse bénéficier d’un crédit d’impôt, 80 % de la valeur des minéraux critiques contenus dans sa batterie devront provenir des États-Unis ou d’un État partenaire. L’administration démocrate avait également fait recours à la Defense Production Act, afin d’accélérer la production de ces métaux sur le sol américain. 

Le règlement devrait marquer le premier jalon de la « nouvelle législation qui vise à réduire les dépendances en matières premières » qu’avait esquissé  la présidente de la Commission à l’occasion d’un discours prononcé dans la ville suédoise de Kiruna le 13 janvier ; ce alors que des gisements susceptible de contenir plus d’un million de tonnes d’oxydes de terres rares — 1 % des réserves mondiales – ont été découverts dans la région. La création d’un « club des matières premières critiques » rassemblant des partenaires stratégiques, annoncée par Ursula von der Leyen lors de son discours de Davos, devrait marquer l’une des prochaines étapes.