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Face à la Russie, l’Ukraine est comme David contre Goliath ; pour poursuivre son combat, il lui a fallu développer des infrastructures spécifiques. Pouvons-nous revenir sur les transformations du pays dans le cadre de la lutte contre l’agression russe ?
Oleksandr Kamyshin L’Ukraine est passée du statut de bénéficiaire de la sécurité à celui de garant de la sécurité.
Durant la première année de la guerre, je dirigeais les Chemins de fer ukrainiens ; si mes trains avaient eu autant de retard qu’en période de récession, nous n’aurions jamais atteint un taux de ponctualité de 93 %, comme c’est le cas aujourd’hui, en temps de guerre.
Au commencement de cette guerre, nous devions faire avec ce que nous avions en stock, c’est-à-dire principalement du matériel hérité de l’Union Soviétique. Et je suis reconnaissant envers tous les pays, toutes les nations, tous les gouvernements, tous les militaires présents dans cette salle et à l’extérieur pour leur aide dans ce combat. Merci. Sans cela, nous n’aurions pas survécu.
Au début de l’année 2023, le président Zelensky nous a demandé de relancer l’industrie de la défense. À ce moment-là, nous ne produisions pratiquement rien, tout devait venir de l’extérieur, et nous étions très heureux de recevoir ces aides afin de riposter contre les Russes. Depuis, nous avons fait du bon travail et sommes désormais en capacité de produire.
La guerre a aujourd’hui changé, et nous produisons principalement des systèmes commandés à distance.
Ce qui a commencé par une ligne de chars avançant vers Kiev se termine par des drones survolant le Danemark, Bruxelles, Munich et d’autres villes européennes. Une vingtaine de drones sont entrés en Pologne en septembre 2025 ; il semble qu’aucun des pays ainsi visés n’ait les moyens de se défendre face à eux.
Nous avons appris à produire les équipements qui nous permettent de nous défendre et de tenir la Russie à distance depuis près de quatre ans déjà. C’est une chose difficile à imaginer. Je n’aurais jamais pensé que nous tiendrions aussi longtemps — maintenant, nous tiendrons aussi longtemps qu’il le faudra pour vaincre la Russie.
D’une manière ou d’une autre, l’industrie de défense ukrainienne a appris par nécessité ; comme on le dit, c’est cette nécessité qui est la mère de l’invention.
Nous avons dû tout réinventer et apprendre à combattre avec des drones. Certaines personnes présentes dans cette salle ont visité des usines en Ukraine et ont appris comment nous produisons toutes ces choses. Nous serions maintenant heureux de partager ces connaissances avec l’Europe, pour encourager la production conjointe avec les pays européens de ce que nous avons appris à produire en Ukraine.
C’est ainsi que nous nous sommes transformés. Je suis sûr que l’Europe va changer en conséquence son approche de la sécurité ; comme l’a dit Armin Papperger 1, si vous n’investissez pas dans votre sécurité, certains grands de ce monde diront que votre place est à la table des enfants et vous devrez l’accepter.
Je suis heureux que l’Europe se réveille et que le rôle de l’Ukraine passe de celui de bénéficiaire de la sécurité à celui de garant de la sécurité. Nous serions heureux de partager les leçons apprises et de rendre la pareille comme nous le pouvons : ces leçons sont une bonne monnaie d’échange.
Quelles vulnérabilités en Europe l’invasion russe de l’Ukraine a-t-elle mis à jour ? Et quelles mesures ont pris les États en première ligne de ce conflit pour y répondre ?
Hanno Pevkur Bien que nous soyons ici en sécurité, en Ukraine, malheureusement, des gens meurent chaque jour.
Il suffit de regarder les chiffres : lors du seul mois de novembre 2025, les Ukrainiens ont abattu près de 10 000 objets volants ; non pas des ovnis, mais environ 6 000 FPV, 3 000 drones à ailes fixes de types Geran ou Shahed et 100 missiles de croisière ou missiles balistiques.
En voyant la quantité d’intercepteurs dont dispose l’Europe, on se rend compte que certains pays ne pourraient pas tenir une journée. Nous devons donc être plus intelligents et trouver de nouvelles options.
C’est exactement ce que nous faisons en Estonie.
Bien sûr, développer plus de capacités nécessite plus de fonds. Nos dépenses dans le domaine de la défense dépasseront déjà les 5 % l’année prochaine, et ce uniquement pour les dépenses de défense de base, et non de ce que nous avons convenu à La Haye, à savoir 3,5 % pour la défense de base et 1,52 % pour les dépenses connexes.
Nous sommes convaincus que payer 5 % en temps de paix vaut bien mieux que payer 50 % en temps de guerre. Si l’on prend l’exemple de l’Ukraine, les dépenses de défense de ce pays s’élevaient à environ 3,4 % en 2021, si je ne me trompe pas. Aujourd’hui, elles s’élèvent à environ 34 %, auxquelles s’ajoute l’aide étrangère — ce qui porte le total à environ 60-65 % du PIB ukrainien.
Il faut comprendre que plus un pays est petit, plus ses dépenses de défense seront élevées en temps de guerre. Cela signifie que nous devons être plus intelligents, plus rapides, plus précis et viser plus loin avec nos moyens.
La guerre qui a commencé sera connue plus tard comme la première guerre par drones conduite au monde.
Oleksandr Kamyshin
Depuis l’invasion russe, nous avons modifié notre approche de plusieurs façons.
D’abord, nous avons changé la façon dont nous planifions la guerre ; non pas ce que nous devons faire pour défendre le pays mais, par exemple, notre calcul des munitions. Nous ne nous basons plus sur une approche de deux jours d’approvisionnement, mais sur une approche de destruction des cibles.
À cette fin, nous avons cartographié toutes les cibles que nous devons détruire et nous avons également calculé le nombre de ressources nécessaires pour détruire ces cibles. L’une des leçons que nous avons tirées est celle-ci : il est plus facile de détruire les nids au sol plutôt que de tuer les oiseaux dans les airs.
Deuxièmement, nous avons bien sûr augmenté les dépenses de défense.
Troisièmement, et bien que le service militaire soit déjà obligatoire dans notre pays, nous allons le modifier grâce à tout ce que nous avons appris de l’Ukraine. L’année prochaine, tous nos instructeurs seront formés de nouveau ; nous mettrons en place un service militaire totalement nouveau à partir de 2027.
Notre population nous soutient fortement : 80 % des gens se disent favorables à l’augmentation des dépenses de défense. Selon les derniers sondages, 68 % des gens sont prêts à défendre le pays et la nation, en prenant les armes si nécessaire.
Les attitudes changent, et ce que nous voyons en Ukraine est clair.
La principale leçon à retenir est qu’il faut s’adapter ou mourir. Bien que la guerre en Ukraine ait commencé comme une Blitzkrieg, nous assistons aujourd’hui à un conflit totalement différent, ce qui signifie qu’il faut changer d’approche.
Étant donné l’importance de se préparer à la guerre, de quels outils se sert le marché unique européen pour augmenter les dépenses de défense ?
Michel Barnier Il y a dix ans, j’étais conseiller spécial de Jean-Claude Juncker, qui fut le tout premier président de la Commission à non seulement parler, mais aussi à agir en matière de sécurité. L’enjeu était alors de mettre en œuvre le traité de Lisbonne, le renforcement de la solidarité, mais aussi de mettre en place un fonds d’investissement et une coopération renforcée.
En ce temps-là, beaucoup de choses étaient totalement impossibles au niveau de Bruxelles.
Ainsi, il était inenvisageable d’emprunter et d’investir ensemble, d’utiliser le budget de l’Union européenne pour financer un programme de recherche sur les munitions ou un programme stratégique pour la défense ; il était également impossible de contrôler les investissements étrangers dans le secteur stratégique en Europe.
J’ai écrit à cette époque une lettre au président de la Commission cosignée avec Antonio Tajani, l’actuel vice-président du Conseil des ministres italien, alors Commissaire à l’industrie ; cette lettre demandait simplement la création d’un nouvel organisme chargé de contrôler les investissements étrangers en Europe dans le secteur stratégique. José Manuel Barroso, le président d’alors, a cependant brutalement fermé la porte à ce type d’initiatives qui venait de France ou d’Italie.
Cette situation a aujourd’hui bien changé : désormais, la défense n’est plus un tabou. Parler et agir pour la défense et la sécurité ne l’est plus non plus.
C’est à cause de la guerre en Ukraine et de notre solidarité que ces choses sont devenues possibles.
Nous avons maintenant une deuxième chance : nous disposons d’argent pour nos projets.
Du côté de la Commission, 800 milliards d’euros ont été mobilisés, et 100 milliards d’euros du côté allemand. Il est pour nous essentiel, en raison de la crise et de la solidarité envers l’Ukraine que nous devons maintenir et renforcer, de mettre en œuvre ce nouvel esprit et de mieux dépenser cet argent.
Cette mise en œuvre passe trois points, sur lequel il reste un tabou, mais où il est possible d’avancer : être plus rapide, plus européens, et davantage concentré sur le secteur stratégique.
Les discussions sur la sécurité et la défense incluent toujours aujourd’hui les États-Unis, malgré le virage considérable réalisé par l’administration américaine. Dans ses dépenses, les priorités de l’Europe sont-elles les bonnes ? Quels progrès ont été réalisés sur ce front, du point de vue du secteur privé ?
Éric Béranger Certaines études de cas permettent de mesurer les progrès réalisés ; l’entreprise MBDA en est un bon exemple.
MBDA est une entreprise véritablement européenne, qui regroupe cinq pays et fournit à tous les pays européens, s’ils sont intéressés, certains programmes et actifs développés en coopération. En plus d’en être le directeur général, je suis également vice-président de l’Association professionnelle des entreprises européennes de l’aérospatiale et de la défense, qui regroupe plus de 4 000 entreprises dans toute l’Europe.
Je voudrais soulever trois points.
Le premier est que l’industrie européenne fournit déjà aujourd’hui un certain nombre d’actifs très importants à l’Ukraine. Si je me limite aux actions publiques de MBDA, je pense que vous avez tous entendu parler des missiles Aster, un système de défense aérienne contre des cibles très difficiles ; il s’agit de l’équivalent européen du Patriot, et je pense même qu’il est même meilleur.
Je peux aussi citer les missiles Storm Shadows, fournis par le Royaume-Uni, et les SCALPs, fournis par la France, qui permettent de frapper derrière les lignes, très loin de leur point de lancement. Pour reprendre la métaphore déjà utilisée, ces armes sont très utiles pour détruire le nid plutôt que de tuer les oiseaux.
Beaucoup a donc déjà été fait.
Le deuxième point est qu’il est plus que temps pour l’industrie comme pour le reste de l’Europe de se réveiller.
Je pense que nous sommes dans une période de rattrapage, après une trentaine d’années à bénéficier des dividendes de la paix.
Pendant une trentaine d’années, il a été demandé à MBDA de produire le moins possible et de simplement conserver ses compétences, afin de pouvoir les mobiliser si le besoin de produire ressurgissait.
Nous sommes aujourd’hui dans une période où nous devons soudainement produire en volume, monter en puissance, accélérer, mais également étendre nos capacités. Désormais, les armes hautement sophistiquées sont toujours nécessaires, mais il faut aussi s’équiper, du côté de l’attaque, d’une masse de drones, et du côté de la défense, d’équipements anti-drones.
Nous devons donc travailler sur tous ces fronts, et l’industrie de la défense l’a bien compris. Pour prendre un exemple que je connais très bien, entre la fin de 2023 et 2025, MBDA a doublé le nombre de missiles livrés — ce dont personne ne nous pensait capables.
Ce changement radical n’est pas propre à MBDA, mais à l’ensemble de l’industrie.
Bien sûr, un tel changement n’est pas encore suffisant : il faut aller de l’avant.
Nous vivons dans un monde contesté et chaotique, où certains des anciens mécanismes du multilatéralisme mondial ne fonctionnent plus.
Richard Moore
Je pense qu’un point très important est que les Européens doivent avoir confiance en eux-mêmes.
Nous avons tout ce dont nous avons besoin en Europe : les compétences, les ressources humaines, l’industrie et même l’argent : il suffit de penser aux centaines de milliards d’euros qui partent chaque année de l’Europe vers les États-Unis pour financer l’économie américaine.
Il s’agit donc simplement pour les Européens de se mettre d’accord.
L’invasion de l’Ukraine a tant révélé la dépendance énergétique de l’Europe qu’éprouvé ses alliances de défense. Le soutien américain est aujourd’hui conditionné à l’importation de gaz et de GNL en provenance des États-Unis — à rebours de la transition énergétique à laquelle aspire l’Europe. Comment résoudre ce dilemme ?
Pierre-Étienne Franc Nous avons tendance à oublier que cette transition s’est accélérée en grande partie en réponse à la guerre en Ukraine ; il y avait certes eu des craintes pendant cinquante-cinq ans, mais elles étaient plus ou moins modérées.
Après le début de l’invasion, bien des personnes ont soudainement découvert que nous étions dépendants du gaz russe. C’est ainsi que le programme RePowerEU a été mis en place.
RePowerEU visait essentiellement à réduire la consommation de gaz, le chauffage urbain et l’industrie, notamment en augmentant l’utilisation du biogaz, en passant au GNL et à l’hydrogène.
Cette approche a porté ses fruits : en deux ou trois ans, la consommation de gaz naturel a considérablement diminué dans le domaine du chauffage urbain, et dans une moindre mesure dans l’industrie — dans celle-ci, certes, cela s’est également accompagné de quelques fermetures.
Désormais, le biogaz progresse de 30 % par an : il est donc en bonne voie pour atteindre l’objectif fixé par l’Union pour 2030. Le GNL a connu une forte croissance, mais 35 % de celui-ci est désormais fourni par les États-Unis et 20 % par la Russie.
Nous sommes encore dépendants de la Russie à d’autres titres ; les importations d’engrais en provenance de Russie représentent 30 % des besoins de l’Europe. Dans le même temps, 30 % de l’industrie manufacturière européenne dans ce domaine a fermé ses portes 2.
Cette approche a donc bien fonctionné, mais la question se pose à nouveau sous un autre angle : nous sommes toujours dépendants des énergies fossiles.
Le premier point que cette dépendance soulève concerne l’hydrogène.
Lorsque RePowerEU a été lancé, nous venions de mettre en place une plateforme d’investissement liée à l’hydrogène et nous pensions qu’il fallait peut-être tout arrêter, car la guerre était à nos portes et les investisseurs allaient se montrer réticents. C’est le contraire qui s’est produit : cela a accéléré la collecte de fonds. Chacun avait parfaitement compris que tout l’écosystème devait changer. Cette réorientation vers l’hydrogène n’a cependant pas fonctionné, car elle nécessitait de changer les infrastructures et les réglementations au niveau européen.
C’est à ce sujet que se posent certaines des questions touchant à la capacité européenne à aller au-delà de l’accélération habituelle pour passer réellement à un nouveau modèle.
Le grand paradoxe de cette situation est que cette accélération a été déclenchée par la défense. Aujourd’hui pourtant, comme nous dépendons fortement des États-Unis pour la guerre, les armes à l’Ukraine, mais aussi pour le GNL, nous devons signer des accords commerciaux très difficiles dans lesquels nous nous engageons à acheter plus de gaz naturel et plus de GNL pour les satisfaire, afin qu’ils continuent à nous soutenir dans la guerre contre la Russie.
C’est ainsi que nous entrons donc dans un cercle vicieux qui place l’Europe dans une situation où elle doit prendre des décisions réelles.
Au lieu d’accélérer la transition, nous sommes en train de la ralentir, voire de la réduire ; les États-Unis utilisent leur propre pouvoir politique pour nous pousser dans cette direction ; ils font aussi usage des réseaux sociaux à cette fin.
Je pense donc que si l’Europe ne comprend pas que cette décision doit déclencher une action beaucoup plus audacieuse et la transition vers une véritable indépendance — en se débarrassant des énergies fossiles — alors nous ne sortirons jamais de cette situation.
Les Ukrainiens et les Européens dépendent toujours des renseignements américains, alors que le niveau de coopération en matière de renseignement entre les Européens est encore loin d’être satisfaisant. Comment remédier à ces lacunes ?
Richard Moore Il existe clairement un partenariat, tant sur le plan militaire que sur celui du renseignement, pour soutenir l’extraordinaire courage de nos amis ukrainiens ; celui-ci est un des aspects de la question plus large de la défense européenne et du rôle des États-Unis dans ce domaine.
L’Europe connaît actuellement un processus de rattrapage dans tous les domaines du renseignement et de la défense, afin de s’assurer qu’elle est plus équilibrée dans cet espace.
Il est clair que cela doit être une aspiration que nous devons tous poursuivre. D’ailleurs, je m’attends à ce que cela soit aussi bien accueilli de l’autre côté de l’Atlantique que de ce côté-ci.
Dans son dernier sondage Eurobazooka réalisé par Cluster17, Le Grand Continent a montré que l’opinion publique européenne s’inquiétait de beaucoup de choses ; cependant, ces craintes ne s’accompagnent pas toujours d’une prise au sérieux de la menace russe, ni d’un large soutien public en faveur d’un investissement accru dans la défense ; le scepticisme à l’égard de l’Union l’explique en partie. Comment résoudre cette dissonance ?
Michel Barnier Je pense que la France, ainsi que le reste des pays d’Europe, ne peuvent plus considérer ni la paix ni l’Europe comme acquises. Nous devons prouver la valeur ajoutée de l’Europe, la nécessité d’être ensemble. Ce qui est paradoxal, c’est que les différents événements survenant de par le monde pourraient nous y aider.
Pour la première fois en soixante ans, les deux grandes puissances à l’ouest et à l’est de l’Europe, les États-Unis et la Russie, veulent nous détruire, ou tout du moins démanteler. Ces puissances ont des motivations différentes : les raisons de Trump sont davantage économiques, financières et commerciales ; celles de Poutine sont géopolitiques.
Je pense que nous devons être prudents et prouver, surtout au peuple français, que si en tant qu’Européens, nous ne faisons pas ce qu’il faut pour nous-mêmes, personne ne voudra le faire à notre place. Le moment approche de réfléchir à une nouvelle gouvernance en matière de sécurité et de défense au niveau européen.
Il y a quelques jours, le chef de l’armée française a dit la vérité en soutenant que nous devons être prêts pour la guerre, prêts à faire des efforts et même prêts à mourir ; malgré la véracité de ces propos, sa déclaration a causé un grand scandale en France. Il nous importe donc d’être prudents, mais aussi de prouver que nous faisons face aux mêmes problèmes.
J’ai passé dix ans de ma vie en tant que Commissaire. Je sais que les nations sont nécessaires pour lutter contre le nationalisme. Et je pense que les nations doivent unir leurs efforts pour construire une défense européenne forte.
Il est difficile d’envisager une autonomie stratégique pour l’Europe si celle-ci ne peut cesser d’être dépendante des énergies fossiles.
Éric Béranger
La réponse ukrainienne n’aurait pas été possible sans l’implication totale de la société civile ukrainienne, au-delà de l’armée et des structures étatiques. Une vision de la sécurité sociétale semble émerger des pays baltes et des pays nordiques, parallèlement à la sécurité militaire. Cette dynamique ne contraste-t-elle pas avec la politique en Europe occidentale ?
Oleksandr Kamyshin En Ukraine, les choses sont assez simples : tous ceux qui ne sont pas en première ligne sont tout de même engagés dans l’industrie de la défense et dans la production des armes dirigées contre la Russie.
Je développerais l’idée d’Éric, car il serait probablement déplacé que quelqu’un venant de l’autre bout de l’Europe apporte plus de foi en l’Europe aux Européens.
En effet, nous avons tout entre nos mains.
Nous avons tout dans cette salle.
Nous avons même ici ce jeune homme, Mouad M’Ghari, PDG de la société Harmattan AI, qui produit les intercepteurs de drones les moins chers — et ils sont fabriqués en France.
Nous avons Hélène Rey de la London Business School, qui apporte l’idée de comment nous pouvons financer l’industrie de la défense pendant une décennie. C’est l’avenir des obligations de défense.
Nous avons d’autres personnes intelligentes dans cette salle et dans le panel qui ont des idées sur la manière dont nous pouvons nous défendre.
Est-ce le bon moment pour rendre l’Europe à nouveau forte ? Je pense que oui.
Je serais heureux si l’Ukraine contribuait et aidait à le faire davantage.
Hanno Pevkur Je pense que nous devrions avoir un peu plus confiance en nous et en l’Europe.
Si l’on additionne tous nos budgets, nous faisons le poids : nos économies sont aussi bien plus importantes que l’économie russe. Le PIB russe est de l’ordre du PIB italien ou à peu près équivalent à celui des pays du Benelux. En Europe, nous avons trois fois plus d’habitants qu’en Russie.
En cas de besoin, nous avons aussi la capacité de nous renforcer si nécessaire.
Mais nous devrions avoir davantage confiance en nous pour une autre raison : nous n’avons pas d’autre choix que d’augmenter nos capacités et d’atteindre un nouveau niveau.
Depuis un siècle, la Russie a participé à des guerres avec dix-neuf pays ou déclenché celles-ci — cela commence avec l’invasion de l’Estonie en 1918 et la première guerre d’Ukraine.
Chaque décennie, la Russie a déclenché une guerre ou un conflit militaire, sauf dans les années 1980 sous Gorbatchev ; la guerre en Afghanistan était alors toujours en cours mais aucune autre ne fut déclenchée.
Après l’effondrement de l’Union soviétique, des guerres furent menées en Tchétchénie, au Tadjikistan, puis en Géorgie en 2008, en Crimée en 2014 ; enfin, nous avons connu en 2022 une invasion agressive à grande échelle.
Ne soyons donc pas naïfs. À se pencher sur l’Histoire, nous pouvons conclure que la Russie ne changera pas. J’aimerais les voir changer, car ils sont nos voisins ; nous n’avons pas choisi notre géographie.
En ce qui concerne notre population, nous devons la rallier à notre cause : nous avons besoin qu’elle croie que nous faisons ce qu’il faut. Cependant, comme toujours, le changement dans la société commence par des décisions politiques. Si vous ne prenez pas de décision, vous n’obtiendrez pas de changement.
La question est donc de savoir s’il faut diriger ou suivre. C’est exactement ainsi que cela se passe : lorsque nous voulons augmenter les dépenses de défense, nous devons prendre une décision. Cela apporte également de la certitude à l’industrie.
Dans les dix prochaines années, nous disposerons dans le domaine de la défense, de 2000 à 3 000 milliards d’euros supplémentaires. Aujourd’hui, nous dépensons environ 400 milliards, et si nous passons à des dépenses de défense de l’ordre de 3 % de notre PIB, cela signifie que nous disposerons de 200 milliards par an, soit 2 000 milliards en dix ans.
Si nous passons plutôt à 3,5 % du PIB, et que nous tenons également compte de l’inflation, ce sont plus ou moins 3 000 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés à la défense. Nous devons donc les dépenser à bon escient pour renforcer nos capacités de défense.
C’est précisément pour cette raison que nous devons entretenir une très bonne coopération avec l’industrie.
Aujourd’hui, pour financer la politique de défense, les dirigeants politiques ont des discours différents selon les pays. Certains pays ont la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour dépenser davantage ; d’autres disent qu’il faut augmenter les impôts ; d’autres encore disent qu’il faut réduire les dépenses dans d’autres domaines prioritaires, tels que l’État providence ou la transition écologique. Ces compromis sont-ils nécessaires ou faut-il croire que les investissements dans le secteur de la défense et l’innovation technologique qui en découlera constitueront à eux seuls l’écosystème économique qui convient ?
Éric Béranger Je pense que nous ne devrions pas mettre la charrue avant les bœufs : la première question est de savoir si l’Europe existera toujours avec nos valeurs dans dix ans. Nous sommes aujourd’hui à un moment crucial : l’existence d’une telle Europe dépendra de nos forces.
Je suis fermement convaincu qu’aucun de nos pays européens ne peut y parvenir seul : nous sommes tous au mieux des puissances moyennes. Or une puissance moyenne seule n’a aucune chance face à la Russie, à la Chine ou même aux États-Unis.
Notre seule chance de préserver nos valeurs est de rester unis. Pour ce faire et pour travailler ensemble, nous devons disposer d’une défense adéquate — ce qui signifie que nous devons trouver les moyens de la financer.
Ensuite, ces investissements génèrent également des avantages économiques très importants : s’ils étaient faits à hauteur de 5 % du PIB européen, 660 000 postes seraient créés sur le continent 3.
Ce chiffre est considérable : de fait, la défense utilise un type d’activités très large, à double usage. Tous nos fournisseurs ou presque sont actifs à la fois dans le domaine de la défense et dans le domaine commercial ; lorsque vous les renforcez dans le domaine de la défense, vous les renforcez bien sûr à l’échelle mondiale, ce qui aide le domaine commercial.
Pour la première fois en soixante ans, les deux grandes puissances à l’ouest et à l’est de l’Europe, les États-Unis et la Russie, veulent nous détruire, ou tout du moins démanteler.
Michel Barnier
Pour être suffisamment autonome, il convient aussi de ne pas délocaliser l’industrie sous-jacente : celle-ci doit être implantée en Europe. Aujourd’hui, l’industrie de défense est implantée presque partout sur le territoire : peu d’autres sont capables de maintenir ce lien entre les différentes régions d’Europe.
Les avantages économiques sont donc réels ; nous pouvons le constater dans différents pays. En Allemagne, cette année, le nombre d’emplois perdus dans l’industrie automobile est à peu près équivalent au nombre de nouveaux emplois créés dans l’industrie de défense.
Malgré ces avantages, il convient de ne pas perdre de vue l’essentiel : la question est surtout de savoir si l’Europe telle que nous la connaissons, avec ses valeurs, sera encore présente dans dix ans.
Beaucoup de jeunes Européens espéraient que l’Union soit pionnière dans la transition verte ; ils sont plutôt déçus que ce soit en fait le contraire qui se produise et que l’Union édulcore les décisions prises lors de la législature précédente — d’une part en raison de la montée de l’extrême droite qui promeut un programme très anti-vert, mais aussi en raison des impératifs la défense. Peut-on réconcilier ces derniers avec la transition verte ?
Pierre-Étienne Franc Il est difficile d’envisager une autonomie stratégique pour l’Europe si celle-ci ne peut cesser d’être dépendante des énergies fossiles. C’est en abandonnant celles-ci que l’on peut passer à des énergies plus propres et développer progressivement un programme climatique.
En matière de climat comme dans le domaine de la défense, nous sommes confrontés à la tragédie des horizons 4. Dans le domaine de la défense, nous devons maintenant nous réarmer de manière conséquente ; mais en même temps, il nous faut en effet développer une chaîne d’approvisionnement durable incluant l’énergie.
La défense, l’armée et l’industrie aérospatiale ont besoin de carburants synthétiques ou durables : or, les carburants dédiés à l’aviation militaire représentent 5 à 7 % de tous les carburants utilisés par les compagnies aériennes en Europe. Développer des carburants durables serait un moyen de bâtir progressivement notre indépendance ; il convient d’aller plus vite.
Aujourd’hui, notre approche nuit à notre gouvernance politique et notre programme : nous n’avons pas encore décidé de donner à l’Europe les capacités de financement nécessaires pour développer une politique énergétique commune ou se doter d’une stratégie de réglementation qui ne soit pas dictée par des débats politiques sans fin pour ne durer que quelques années.
Toutes les réglementations liées au climat dont nous disposons aujourd’hui ont été initiées au début du premier mandat de von der Leyen ; elles ne sont pas encore transposées dans les États et font cependant déjà l’objet de nouvelles discussions. Faudrait-il donc que les investisseurs privés prennent des décisions d’investissement dans les carburants durables ou l’acier vert ? Sans savoir si les réglementations vont rester en vigueur, comment garantir à l’industrie de la défense qu’il existe un approvisionnement durable et indépendant en acier et en énergie ?
Cette tragédie de l’horizon peut être résolue en accélérant la gouvernance en Europe, en cultivant un sentiment d’urgence.
Elle peut être aussi résolue en veillant à ce que, lorsque nous convenons des technologies à développer, nous ne nous mettions pas dans une impasse en en choisissant qui sont très longues à déployer. Les infrastructures nucléaires, par exemple, prennent beaucoup de temps à être construites et coûtent très cher.
Nous devons donc veiller à développer également les voies qui sont aujourd’hui les plus répandues dans le monde : les systèmes renouvelables. Cela nous conduit à une question problématique, qui est comme l’éléphant dans la pièce : que faire avec la Chine ?
Sans le leadership technologique chinois, nous ne sommes rien. Si nous ne trouvons pas un moyen de jouer à armes égales, nous devons trouver une stratégie gagnant-gagnant où ce que nous obtenons, le marché spatial européen, soit bâti par des technologies, des unités de fabrication ou de la robotique située en Europe.
Nous devons trouver un moyen pour avancer dans cette voie ; sans quoi, nous nous retrouverons seuls, moins compétitifs et exposés à un fort danger du côté de la frontière russe.
Depuis l’élection de Trump, l’Europe se sent isolée sur la scène internationale. D’autres coopérations sont-elles envisageables pour élargir notre horizon mondial ?
Richard Moore Peut-être pouvons-nous élever notre regard et examiner la situation d’un autre angle.
Nous ne devons donc pas nous faire d’illusions : le schéma d’agression russe que nous observons depuis de nombreuses années est bien établi, et les éléments d’activité hybride sont de plus en plus présents.
Nous sommes aujourd’hui pris dans une forme de compétition : nous devons faire preuve de résilience et être prêts à dissuader et à punir les mauvaises actions.
D’un point de vue plus général, nous vivons dans un monde contesté et chaotique, où certains des anciens mécanismes du multilatéralisme mondial ne fonctionnent pas. Ces mécanismes sont aujourd’hui inutilisables en raison des structures mises en place après 1945, en particulier au Conseil de sécurité des Nations unies. Leur utilisation nécessiterait l’accord des principaux acteurs, qui aujourd’hui ne peuvent s’entendre.
Cette situation conduit donc à une série d’accords plus souples et plus agiles et à des arrangements pragmatiques avec plusieurs pays ; désormais il faut faire cause commune sur des sujets particuliers avec plusieurs États ; le problème est qu’ils ne partagent pas toutes les valeurs que nous pouvons attribuer aux Européens.
Nous devons toutefois trouver un moyen de négocier avec ces personnes sans leur demander trop souvent de faire des choix qu’elles ne sont pas prêtes à faire.
Ces choix sont parfois très inconfortables pour eux. La Turquie, par exemple, a réussi à maintenir ses relations avec la Russie tout en apportant un très bon soutien à l’Ukraine.
Il est inutile que nous soyons trop moralisateurs à ce sujet. Nous devons simplement repousser certains éléments si nous ne les apprécions pas, tout en trouvant un moyen pragmatique de travailler avec ces pays.
Le monde d’aujourd’hui est plus compliqué ; nous ne retrouverons pas l’environnement multilatéral ordonné dont nous avons peut-être bénéficié jusqu’à récemment.
D’une manière ou d’une autre, l’industrie de défense ukrainienne a appris par nécessité ; c’est cette nécessité qui est la mère de l’invention.
Oleksandr Kamyshin
L’Union a été, au cours des soixante-dix dernières années, un projet de paix en raison de la guerre en Europe. Pouvons-nous à la fois mettre en œuvre toutes ces mesures pour la défense de l’Europe et espérer la paix ? Dans quelle mesure cette dernière figure-t-elle encore au tableau ?
Oleksandr Kamyshin La dernière fois que l’Europe a été touchée par la guerre, Theodore Roosevelt a déclaré que les États-Unis étaient l’arsenal de la démocratie.
Il semble plutôt que nous devions désormais compter sur nous-mêmes : l’Europe doit devenir l’arsenal du monde libre. À cette fin, nous avons besoin de nouvelles technologies que l’Ukraine apportera pour rendre l’Europe plus forte ; elle a su les développer pendant cette guerre.
La guerre qui a commencé sera connue plus tard comme la première guerre par drones conduite au monde ; nous devons être prêts.
Michel Barnier Nous avons des leçons à tirer de la guerre. Elle n’est pas finie, et seul vous et le président Zelensky pouvez décider quand et comment la guerre prendra fin.
Toutefois, il n’est pas trop tôt pour essayer de tirer des leçons durables pour l’Europe pendant et après cette guerre.
Premièrement, nous devons rester unis.
Deuxièmement, nous devons être moins naïfs.
Troisièmement, nous devons agir avec moins de formalités administratives et de bureaucratie.
Quatrièmement, nous devons investir davantage dans les domaines clés de notre indépendance et de notre autonomie. Cela signifie l’énergie, la défense et l’IA.
Je pense que le moment approche de réfléchir à une nouvelle gouvernance en matière de sécurité et de défense au niveau européen — de réfléchir à ce que pourrait être un Conseil européen de défense. Nous devons aussi songer au moyen de nous associer et de coopérer avec des pays, grands ou petits, qui ne sont pas encore membres de l’Union ou qui ne le sont plus.
Le Royaume-Uni est un point essentiel. Je ne peux imaginer aucune stratégie d’autonomie, de sécurité et de défense en Europe sans lui.
J’ai passé quatre ans à organiser le divorce du Brexit de la meilleure façon possible ; au bout du compte, il reste cependant beaucoup à faire et à concrétiser avec le Royaume-Uni en matière de défense, de sécurité, de lutte contre le terrorisme, de coopération en Afrique et même en matière d’énergie et d’investissement importants sur l’IA.
Je pense donc que nous devons réfléchir à ce que pourrait être le cadre dans lequel nous pourrions travailler ensemble.
Hanno Pevkur Nous croyons sincèrement en l’OTAN et en ce que nous pouvons construire tous ensemble.
Nous devrions tous nous poser cette question simple : voulons-nous que se rallie à notre côté une armée de 800 000 soldats et un pays doté du plus grand potentiel industriel en matière de défense — ou bien qu’il passe du côté adverse ?
Une fois que nous aurons la réponse à cette question, nous saurons également comment répondre à celle-ci : faut-il aider davantage l’Ukraine ou non ?
Un autre point doit être souligné : personne n’est à l’abri de la menace. Un conteneur de cargo peut contenir cinq à sept drones Shahed ; c’est dire que toute la côte italienne ou française peut être menacée.
C’est là notre réalité. La situation n’est donc pas différente en Estonie, où nous avons une frontière terrestre avec la Russie, ou en Italie ou en France.
Si nous voulons avoir une force de dissuasion crédible pour la Russie, nous devons montrer notre puissance, pour lui faire comprendre que nous avons les moyens et les capacités nécessaires ; c’est la seule chose que la Russie peut entendre.
Si nous voulons la paix, nous devons donc nous préparer à la guerre ; c’est malheureusement une réalité.
Au début des années 1990, alors que nous étions en difficulté économique, le président estonien Lennart Meri a prononcé des paroles pleines de sagesse : « La situation est merdique — mais c’est l’engrais de notre avenir. »
Éric Béranger Pouvons-nous maintenir le projet de paix en Europe ? Oui, sans aucun doute.
Sans être naïfs, nous devons reconnaître pourtant que l’ordre international, sans être tout à fait révolu, a été constamment et fortement remis en question.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde où nous avons effectivement besoin du pragmatisme ou de la souplesse britanniques ; mais nous vivons également dans un monde où la force compte.
Si nous préparons la guerre, nous voulons pourtant la paix ; pour l’obtenir, nous devons être en mesure de dissuader tout agresseur potentiel, pour le convaincre que nous avons les moyens de lui faire du mal.
C’est dans ce domaine que l’industrie de la défense peut apporter une contribution, comme elle le fait déjà. Il suffit que l’Europe se mobilise pour que nous fassions encore mieux. Il convient aussi de convaincre la Russie que nous utiliserons la force si nécessaire : c’est là le travail des femmes et des hommes politiques.
Aujourd’hui, l’Ukraine est passée du statut de bénéficiaire de la sécurité à celui de garant de la sécurité.
Oleksandr Kamyshin
Pierre-Étienne Franc Je pense que nous sous-estimons la leçon que nous donne l’Ukraine sur la dynamique des drones : celle-ci est une leçon de gestion de l’urgence, bien meilleure que n’importe quel programme ou recette que l’on apprend dans les écoles de commerce ou ailleurs.
Les drones étaient auparavant un outil ; aujourd’hui, ils changent complètement la dynamique d’évaluation de ce qui est important dans une armée. La première leçon à tirer de cet état de fait est donc que l’urgence crée la rapidité.
Il faut aussi compter avec un certain soutien : grâce à l’action de Trump, le sentiment européen existe désormais ; le sondage Eurobazooka l’illustre bien. Il convient donc d’insuffler en Europe le sentiment de l’urgence pour que celle-ci montre la voie. Les fondations ont déjà été jetées.
Richard Moore La paix doit être gagnée par le sacrifice et un travail acharné.
Sources
- PDG de Rheinmetall AG, fabricant d’armes allemand. Voir Roula Khalaf, Laura Pitel et Patricia Nillson, « Europe consigned to kids’ table in Ukraine peace talks, says defence CEO », Financial Times, 18 février 2025.
- Stéphanie Ayrault, « Engrais russes : ‘Nous attendions cette proposition depuis longtemps’, Tiffanie Stephani, Yara », Agromatin, 5 février 2025.
- « Évaluation des investissements dans la défense européenne », EY/Deka, juillet 2025.
- Allusion à un discours du premier ministre canadien Mark Carney au Lloyd’s de Londres, en septembre 2015. Alors gouverneur de la Banque d’Angleterre, il y soutenait que les effets de la crise climatique, se déployant sur le long terme, n’étaient pas inclus dans l’horizon temporel de la plupart des acteurs. Leur évincement au profit des problèmes de court terme constituait à cet égard une « tragédie des horizons ».