Les Évangiles de l’enfance du Christ (Matthieu et Luc), s’ils donnent quelques indications sur l’année, ne parlent ni du jour ni de la saison de la naissance de Jésus. Beaucoup d’historiens et d’exégètes en ont conclu que le choix, plus tardif, du 25 décembre pour la fêter était soit arbitraire, soit motivé par la ressemblance avec les fêtes polythéistes du solstice d’hiver dans l’Antiquité, comme les Saturnales romaines fêtes du dieu Saturne qui tenaient davantage du carnaval, mais voyaient déjà des offrandes de présents aux enfants (des figurines, les sigillaria). 

C’est aussi un 25 décembre que l’empereur Aurélien fixa, en 274, la fête de la « naissance du Soleil Invaincu » (Sol Invinctus).

  • Si l’on ajoute à cela que dans le culte oriental de Mithra, la fête de la naissance du dieu solaire, le Mithragan, la plus importante du calendrier, a aussi lieu le 25 décembre, la thèse d’un emprunt chrétien à ces cultes s’en trouve renforcée.
  • Le Christ ne fait-il pas lui aussi figure de « lumière du monde » (Jean, 8-12, 36) et de « soleil de justice » (Malachie, 3, 17-21) ?
  • Quoi qu’il en soit, c’est en Occident, à Rome, que l’on trouve une première attestation de la fête de Noël, le 25 décembre 336, sous le pontificat de l’évêque Libère 1.

Mais dans les premiers siècles du christianisme, la grande fête de l’apparition du Christ était plutôt l’Épiphanie, étymologiquement sa manifestation au monde, dont on décèle des traces dès le IIe siècle à Alexandrie puis dans toutes les communautés chrétiennes du bassin méditerranéen oriental. L’Épiphanie originelle faisait mémoire de la naissance du Christ, mais aussi de ses autres « manifestations » — son baptême dans le Jourdain à l’âge de 30 ans, et son premier miracle des jarres d’eau changée en vin aux noces de Cana.

  • Si, en Occident, la tradition l’a surtout retenue comme la fête de l’Adoration des Mages, en Orient, la « Théophanie du Seigneur » reste toujours une des plus importantes fêtes liturgiques, centrée sur le baptême du Christ.
  • Elle semble avoir été fixée très tôt au 6 janvier (parfois aussi le 10), et célébrée elle aussi comme une « fête de la Lumière » pour concurrencer des fêtes païennes de même date et symbolique, en lien avec la renaissance de l’année 2.

Finalement, la coutume de célébrer en une seule fête, le 6 janvier, la naissance du Christ et son baptême, « Noël » et « l’Épiphanie », ne subsiste aujourd’hui que dans l’Église apostolique arménienne, témoin des usages antiques.

  • Dans l’Empire romain, à mesure que se diffuse après 325 le christianisme nicéen qui met l’accent sur l’Incarnation réelle du Fils de Dieu dans la chair, la célébration de Noël prend le pas — sans jamais bien sûr l’éclipser — sur celle de l’Épiphanie, « manifestations » de Dieu en Jésus-Christ qui pouvaient donner lieu à des lectures adoptianistes en vigueur dans les courants ariens ou semi-ariens.
  • Au Haut Moyen Âge, Noël devient une des plus importantes fêtes du calendrier liturgique, marquée par des célébrations spécifiques (trois messes au lieu d’une : la messe de minuit, la messe de l’aurore et la messe solennelle du jour), et par un temps pénitentiel de préparation, les quatre semaines de l’Avent, équivalent des 40 jours de Carême précédant Pâques.
  • Mais contrairement à cette dernière qui est une fête mobile, reposant sur un calendrier lunaire, Noël est une date fixe du calendrier julien christianisé : du premier dimanche de l’Avent au 2 février (fête de la Chandeleur, commémorant la présentation de Jésus au Temple de Jérusalem), le cycle de Noël détermine la moitié du calendrier chrétien annuel. 
  • Au Moyen Âge central, la fête de Noël s’enrichit de nouvelles traditions : crèches de la Nativité, à partir de l’invention d’une crèche vivante dont on crédite François d’Assise en 1223 (elles se diffuseront plutôt en France à l’occasion de la Réforme catholique) ; représentations de mystères sur le parvis des cathédrales, qui rejouent les scènes les plus connues des Évangiles de l’enfance (issues des Évangiles canoniques, mais également des récits légendaires des Évangiles apocryphes) ; au XIe siècle, instauration de la Trêve de Dieu, période de suspension des guerres féodales en mémoire de l’ère de paix que devait apporter le Messie (tradition que les messages de Noël du pape se gardent bien d’oublier, et qui sera par exemple reprise lorsque Benoît XV approuvera à Noël 1914 les suspensions d’armes et fraternisations dans les tranchées). 

La tradition du sapin de Noël décoré semble venir quant à elle des pays germaniques, et se répand surtout au XVIe siècle. Martin Luther l’aurait popularisée, quoiqu’elle lui préexistât.

  • Jusqu’au XVIe siècle, la précision du cycle annuel du calendrier julien, défini à 365 jours ¼ (d’où l’introduction des années bissextiles), est vue comme suffisante, malgré un décalage croissant avec le cycle solaire réel.
  • Tout change avec le calendrier grégorien de février 1582 (bulle Inter gravissimas), promulgué sous l’autorité du pape Grégoire XIII (1572-1585), qui avait suivi les conseils de ses astronomes et mathématiciens jésuites.
  • Le nouveau calendrier résorbe le décalage d’une dizaine de jours qui s’était creusé entre le calendrier julien et l’année solaire réelle, et pour augmenter encore la précision du calendrier grégorien, les années millésimées en 100 ne sont plus considérées comme bissextiles (à moins qu’elles ne soient multiples de 400).

La réforme grégorienne du calendrier julien s’impose sans difficulté dans les pays catholiques, qui reconnaissent l’autorité du pape : dans la plupart de ceux-ci, le jeudi 4 octobre 1582 est immédiatement suivi du vendredi 15 octobre, afin de rattraper les jours perdus.

  • Mais il en va bien autrement dans les États protestants et orthodoxes, qui, du moins dans un premier temps, conservent le calendrier julien ancien. 
  • Le décalage ne peut que s’accroître, d’un jour par siècle environ : il est actuellement de 13 jours.

Selon le mot prêté à Johannes Kepler, « les protestants préfèrent être en désaccord avec le soleil que d’accord avec le pape ». Isaac Newton est ainsi né le jour de Noël 1642 dans l’Angleterre protestante (encore que ses contemporains puritains ne regardent pas cette fête d’un œil favorable 3), mais le 4 janvier 1643 selon le calendrier grégorien.

  • Du moins au XVIIIe siècle se rallient-ils progressivement au calendrier grégorien : en 1700-1701 pour le Danemark, le Nord des Provinces-Unies, les cantons suisses et la Suède (qui définit un passage progressif au calendrier grégorien en 40 ans…), en 1750 (Calendar Act) pour la Grande-Bretagne.
  • Les pays orthodoxes, quant à eux, et les populations sous domination de l’Empire ottoman, où est en usage le calendrier islamique fondé sur l’Hégire, résistent bien plus longtemps.

Plus récemment, sous l’effet de la mondialisation, la célébration de Noël se répand véritablement sur tous les continents, à mesure aussi qu’elle se vide quelque peu de sa signification chrétienne, pour devenir une célébration communautaire de la famille et de l’enfance marquée par des repas festifs et l’offrande de cadeaux. 

Sources
  1. Selon certains, une attestation indirecte de la célébration de la Nativité un 25 décembre se trouverait même dès 204, dans un commentaire de l’évêque Hippolyte de Rome.
  2. Il semble qu’aux origines du calendrier romain ancien, le début de l’année ait précisément été fixé au 1er janvier car c’était alors le jour qui suivait immédiatement le solstice d’hiver ; quelques siècles plus tard, lors de la réforme du calendrier républicain par Jules César, le jour suivant le solstice d’hiver coïncidait plutôt avec le 25 décembre.
  3. Le Parlement puritain, puis le régime cromwellien, sous l’influence des radicals littéralistes pour qui toute fête qui n’est pas attestée dans l’Écriture est à proscrire, suppriment en effet la fête de Noël par un acte de 1645, réitéré en 1647.