Points clefs
  • Sur de nombreux fronts, la Chine est en train de rattraper les États-Unis — voire de les dépasser. Ses capacités économiques, commerciales et industrielles sont désormais comparables, sinon supérieures, à celles du géant américain.
  • Ce rattrapage quantitatif se double d’un autre dans le domaine de la recherche et de l’innovation. La Chine domine désormais la plupart des champs d’étude sur les technologies critiques, en particulier celles d’application militaire ; la majorité des articles significatifs sur le sujet sont le fait de chercheurs chinois.
  • Ce croisement de deux trajectoires intervient sur fond d’une dépendance croissante des États-Unis envers l’industrie chinoise, alors que Pékin arsenalise sa mainmise sur la production mondiale de terres rares.
  • Dans les technologies de pointe, nombre d’entreprises américaines ont la plupart de leurs sites de production en Chine.
  • Le décollage économique chinois n’est pas qu’un effet de masse, lié par exemple à la taille de la population chinoise : le niveau de vie de celle-ci s’améliore et l’espérance de vie en Chine a dépassé celle aux États-Unis en 2020. L’État chinois développe en quelques années un réseau d’infrastructures qui prit des décennies à être déployé aux États-Unis.

1 — Les États-Unis ont perdu la première place dans la recherche sur les technologies critiques

Au cours des deux dernières décennies, la place des États-Unis et de la Chine dans la recherche scientifique sur les technologies critiques s’est inversée.

Washington, qui dominait dans les années 2000 dans ces domaines d’étude, a progressivement été relégué à la seconde place, loin derrière Pékin — notamment dans les domaines ayant des applications militaires.

  • Selon un rapport de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), la Chine domine sur la période 2019-2023 la recherche scientifique mondiale dans 57 technologies sur 64 (soit 89 %) identifiées comme étant « critiques » par l’institution.
  • Il y a 20 ans, entre 2003 et 2007, ce sont les États-Unis qui dominaient la recherche dans 60 de ces champs d’étude 1. Aujourd’hui, la domination de Pékin dans la recherche technologique est particulièrement ancrée dans les domaines en lien avec l’industrie de défense.
  • À titre d’exemple, les chercheurs chinois travaillant sur l’IA ont publié en 2024 plus de travaux universitaires que leurs pairs européens, américains et britanniques réunis (24 000 publications contre 19 000).

L’excellence des institutions et de la recherche chinoise sur les technologies critiques résulte d’un investissement croissant dans la recherche et le développement, qui s’est particulièrement accéléré dans les années 2010.

  • Selon l’ASPI, la domination de la Chine dans ces champs n’est pas due à une diminution des activités de recherche des « pionniers technologiques » (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Japon) mais bien à une progression chinoise que ces derniers n’ont pas été en mesure d’égaler.

2 — En un an, la Chine a installé plus de panneaux solaires que l’ensemble du parc américain existant

Au mois de mai 2025, Pékin installait l’équivalent de 100 nouveaux panneaux solaires par seconde.

Depuis le début de l’année, 212 GW de nouvelles capacités ont été connectées au réseau — soit le double par rapport au premier semestre 2024 : c’est plus que la capacité solaire totale des États-Unis d’Amérique (178 GW), deuxième pays derrière la Chine en termes de capacité de production.

  • En raison de cette croissance sans précédent de l’installation de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable ainsi que d’une baisse du rythme de construction, les émissions chinoises de CO₂ se sont contractées de 1 % au premier semestre.

La croissance de l’installation de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable est soutenue par la mise en œuvre de nouvelles mesures visant à garantir aux producteurs de nouveaux contrats.

  • En juillet, le gouvernement chinois a annoncé de nouvelles règles dans le but de contraindre les industries parmi les plus polluantes — sidérurgie, cimenterie, centres de données… — à assurer un certain pourcentage de leurs besoins en électricité via des sources renouvelables.

3 — Alors que la marine américaine est dépassée, l’armée chinoise s’étend

Les États-Unis et leurs alliés en Asie sont aussi en train de perdre leur position de nette supériorité militaire, en particulier dans les points chauds potentiels comme le détroit de Taïwan.

Aujourd’hui, la Chine dispose de la plus grande flotte militaire au monde, avec 370 navires et sous-marins de combat.

En parallèle d’investissements massifs dans sa marine et ses armées de terre et de l’air, Pékin a également considérablement développé son arsenal atomique.

  • Avec 550 lanceurs de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), l’Armée populaire de libération dispose désormais de capacités supérieures à celles de sa rivale américaine.
  • La courbe de progression du nombre de têtes nucléaires suggère de plus que l’armée chinoise pourrait égaler l’armée américaine au cours de la décennie 2030 en termes d’ogives déployées.

4 — La Chine robotise son industrie plus vite que tout autre pays

Soutenue par une politique d’investissements publics massifs, la robotisation des usines chinoises continue de croître à un rythme effréné : en 2024, la Chine a installé plus de robots industriels que le reste du monde, selon le rapport annuel de la Fédération internationale de robotique (IFR) publié le 25 septembre 2025 2.

  • L’an dernier, plus de 295 000 nouveaux robots ont été installés dans des usines chinoises, soit une hausse de 7 % par rapport à l’année précédente.
  • C’est quatre fois plus que dans l’Union (68 000 robots installés l’an dernier), sept fois plus qu’au Japon (44 500) et presque neuf fois plus qu’aux États-Unis (34 200).
  • Parmi les cinq pays (Chine, Japon, États-Unis, Corée du Sud et Allemagne) où le plus de robots ont été installés l’an dernier, seule la Chine a maintenu une croissance par rapport à 2023.

L’octroi par des banques d’État aux industriels de prêts à faibles taux d’intérêt, ainsi que d’aides pour racheter des concurrents étrangers, a également boosté les capacités de fabrication domestiques. En 2024 — et ce pour la première fois depuis 2014 lorsque l’IFR a commencé à compiler des données annuelles — une majorité (58 %) des robots industriels installés dans des usines chinoises étaient fabriqués dans le pays. 

5 — Le commerce chinois est bien plus dynamique que celui des États-Unis

Le renforcement de la position des entreprises chinoises dans les chaînes de valeur globales est particulièrement visible dans quatre des principaux secteurs du commerce international : l’habillement, l’électronique, le photovoltaïque et l’automobile.

  • À l’échelle mondiale, l’impact du choc de la pandémie de Covid-19 est visible sur l’ensemble des régions, mais le rythme des reprises varie. Alors que la Chine a rapidement rebondi et renforcé sa présence sur le marché mondial des exportations, les États-Unis et le Japon ont quant à eux connu des variations plus modérées et semblent avoir retrouvé une certaine stabilité, sans gains ni pertes significatives.
  • Comme le rappelle Dan Wang dans son analyse du décollage chinois, « les exportations de marchandises chinoises vers les États-Unis ont atteint un niveau quasi record en 2022, équivalent à celui de 2018, année où l’administration Trump avait instauré des droits de douane sur les produits chinois » 3.
  • La capacité des États-Unis à regagner du terrain dans le secteur automobile devrait quant à elle avant tout dépendre du maintien ou non des divers crédits d’impôts et subventions contenus dans l’Inflation Reduction Act — plusieurs ont déjà été gelés depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche.

6 — Dans l’industrie, la Chine tient les chaînes de valeurs américaines

Pékin joue aussi un rôle clef dans les chaînes de valeur industrielles ; au point d’être un maillon indispensable dans la production de nombreuses technologies de pointe.

  • Comme le souligne Dan Wang en citant un rapport d’Apple sur ses fournisseurs 4, 156 des 200 principaux fournisseurs de l’entreprise ont des sites de production localisés en Chine. Soixante-douze d’entre eux se trouvent dans la province de Guangdong : c’est autant qu’aux États-Unis, au Vietnam et en Inde réunis.
  •  En 2024, un rapport de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (UNIDO) estimait que, d’ici à 2030, la Chine concentrerait 45 % de la capacité industrielle mondiale 5.
  • Aujourd’hui, l’industrie manufacturière représente 28 % du PIB chinois ; elle est d’environ 10 % pour les États-Unis, la désindustrialisation de l’économie américaine expliquant cet écart 6.

7 — L’hégémonie de Pékin sur les terres rares accule Washington

Le 9 octobre 2025, le ministère chinois du Commerce a publié de nouvelles mesures de contrôle des exportations élargissant son cadre réglementaire sur les terres rares.

Ces règles pénalisent lourdement les États-Unis qui, pour 51 minéraux importants pour l’industrie, dépendent des importations à plus de 50 %.

  • Selon le United States Geological Survey, la Chine était le premier fournisseur de 17 d’entre eux et figurait parmi les trois premiers pour 24 autres.
  • La Chine contrôlait déjà ses exportations de terres rares 7 — dont elle domine l’ensemble de la chaîne de valeur —, mais elle a ajouté cinq nouveaux éléments à la liste, portant à douze le nombre total de matériaux soumis à des restrictions.
  • Elle a également restreint l’exportation de dizaines d’équipements et de matériaux utilisés pour l’extraction et le raffinage de ces minéraux.

Les mesures chinoises pourraient avoir un impact direct sur la chaîne d’approvisionnement mondiale de semi-conducteurs, ce qui compliquerait la production de puces IA ; or, la croissance économique américaine dépend actuellement du développement de l’intelligence artificielle. 

  • Selon l’économiste de Harvard Jason Furman, sans les data centers liés pour la plupart à l’IA, la croissance du PIB américain n’aurait été que de 0,1 % au premier trimestre de cette année 8.

En réponse à ces restrictions, Washington a accéléré ces derniers mois la création de capacités nationales de traitement des terres rares.

8 — L’espérance de vie en Chine a rattrapé celle des États-Unis

Selon des données publiées par la Commission nationale de la santé chinoise et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, l’espérance de vie moyenne d’un Chinois avait dépassé celle d’un Américain en 2020.

  • La pandémie de Covid-19 a provoqué une chute significative de l’espérance de vie moyenne à la naissance dans la plupart des pays touchés par le coronavirus.
  • Aux États-Unis, celle-ci est passée de 78,79 ans en 2019 à 76,33 ans deux ans plus tard, passant en dessous de l’espérance de vie moyenne en Arabie saoudite ou en Chine cette année-là — respectivement 76,94 ans et 78,21 ans, selon les chiffres de la Banque mondiale.

Aux côtés de l’Afrique, l’Asie est la région du monde ayant connu l’évolution la plus importante de son espérance de vie au cours des dernières décennies.

Celle-ci était en moyenne de 41 ans pour un Asiatique en 1950, contre 73 ans en 2019.

  • Lorsqu’on compare l’évolution au sein des pays asiatiques, la Chine a connu une augmentation fulgurante à partir de la moitié des années 1960 jusqu’aux années 1980, pour ensuite connaître une augmentation similaire à celle des pays les plus développés.

9 — Le développement des villes en Chine : un siècle d’urbanisation américaine en quelques années

La croissance chinoise s’est accompagnée d’une politique d’urbanisation de très grande échelle.

Par sa taille, elle surpasse le précédent américain.

  • Entre 2018 et 2019, la Chine a produit 4,4 milliards de tonnes de ciment ; c’est presque autant que les  4,56 milliards de tonnes produites par les États-Unis au cours du XXe siècle 11
  • Pendant trente-cinq ans, l’État chinois a construit chaque année une nouvelle ville de la taille de l’agglomération de New York et de celle de Boston réunies 12. La population de Shenzhen est ainsi passée de 300 000 habitants en 1980 à 7 millions en 2000 ; en 2020, elle a atteint le seuil des 18 millions 13.

Cette urbanisation s’effectue en parallèle d’une élévation du niveau de vie moyen en Chine. 

  • Plusieurs indicateurs, comme la consommation de café ou la possession d’animaux de compagnie, reflètent une évolution du niveau de vie qui stimule la demande intérieure.
  • À mesure que les revenus augmentent, la transition des biens vers les services comme principal moteur de la croissance chinoise devrait s’accélérer. Pékin compte sur ce changement pour préserver sa croissance, alors que la politique douanière de l’administration Trump gêne son modèle d’exportation.

Si la part de la Chine dans le PIB mondial est désormais comparable à celle de l’Union européenne, la richesse de ses habitants, mesurée par le PIB/habitant, est encore bien moindre que celle de la plupart des pays occidentaux.

  • En 2023, le PIB par habitant des États-Unis était de 82 300 dollars, contre 12 950 dollars pour la Chine.

10 — La Chine investit dix fois plus dans ses infrastructures que les États-Unis

L’effondrement du pont Francis Scott Key à Baltimore en mars 2024 14 a mis en évidence le décalage qui s’est installé entre l’évolution des infrastructures aux États-Unis et dans le reste du monde. Le cas américain ne peut qu’être opposé à la grande politique de construction conduite en Chine. 

  • La Chine dispose aujourd’hui d’un réseau ferroviaire à grande vitesse plus long que ceux de l’ensemble des autres pays du monde réunis 15.
  • Ce réseau se développe très vite : entre 2003 et 2013, Shanghai a ajouté autant de voies de métro à son réseau que l’ensemble des voies constituant celui de New York 16

D’une manière générale, les infrastructures américaines souffrent d’un défaut considérable d’investissement par rapport à celles des pays européens ou de la Chine.

  • En 2021, l’OCDE estimait que seulement 0,51 % du PIB américain était investi dans la construction de nouvelles infrastructures ou l’amélioration d’infrastructures existantes ; la même année, 5 % du PIB chinois était consacré aux infrastructures — soit dix fois plus.
Sources
  1. Jennifer Wong Leung , Stephan Robin et Danielle Cave, ASPI’s two-decade Critical Technology Tracker : The rewards of long-term research investment, août 2024.
  2. World Robotics 2025, International Federation of Robotics, 25 septembre 2025.
  3. Eric Martin et Ana Monteiro, « US-China Goods Trade Hits Record Even as Political Split Widens », Bloomberg News, 7 février 2023.
  4. « Apple Supplier List 2023 », Apple Inc., 2024.
  5. Rapport sur le développement industriel 2024, « Turning Challenges into Sustainable Solutions : the New Era of Industrial Policy », Organisation des Nations Unies pour le développement industriel.
  6. Arendse Huld et Qian Zhou, China Manufacturing Tracker 2025, China Briefing.
  7. Gracelin Baskaran, Meredith Schwartz, The Consequences of China’s New Rare Earths Export Restrictions, CSIS, 14 avril 2025.
  8. Voir Jason Furman sur X.
  9. Tom Moerenhout, « MP Materials Deal Marks a Significant Shift in US Rare Earths Policy », Center on Global Energy Policy at Columbia, 11 juillet 2025.
  10. Jamie Smyth, Camilla Hodgson, Lauren Fedor, US government to take 10 % stake in Canada’s Trilogy Metals, Financial Times, 7 octobre 2025.
  11. Vaclav Smil, How the World Really Works, Londres, Penguin Books, 2022.
  12. Arthur Kroeber, China’s Economy : What Everyone Needs to Know, Oxford University Press, 2016, p. 67.
  13. « 深圳市第七次全国人口普查公报[1](第一号)—全市常住人口情况 »” [2020 Shenzhen Seventh National Population Census Bulletin [1] (No. 1)—City Permanent Resident Population Status], Bureau des statistiques de la municipalité de Shenzhen, 17 mai 2021.
  14. Steve Thompson et Ian Duncan, « Long before Key Bridge collapse, Baltimore mariners warned of ‘ship strikes’ », The Washington Post, 23 mai 2024.
  15. Luo Wangshu et Li Peixuan, « High-speed rail showcases prowess again », China Daily, 16 septembre 2024.
  16. « Shanghai Metro : from nothing to world leader », Shine, 8 septembre 2018.