Face à Poutine, la défense de l’Europe commence peut-être au large. Dans un monde vertigineux, pour échapper aux idées reçues, découvrez nos offres pour s’abonner au Grand Continent

Imaginons : automne 2032. Après plusieurs mois de crise, la Russie lance une « opération spéciale de protection des minorités russophones » dans les pays baltes, avec pour cible militaire immédiate l’annexion de territoires revendiqués comme russes et comme effet stratégique recherché l’éclatement de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne. D’emblée, les troupes russes, opérant sous faux drapeau, attaquent les trois républiques en même temps, avec un effort principal contre la Lettonie considérée comme « le maillon faible ». Des feintes secondaires sont lancées contre Narva en Estonie et le corridor de Suwalki.

Depuis des mois, la crise couvait, sur fond d’opérations hybrides menées par la Russie. Le choix de la date par Moscou ne tient pas du hasard : les États-Unis sont en pleine campagne présidentielle et l’administration sortante, héritière du trumpisme, est hostile à toute intervention en Europe.

Fort heureusement, depuis 2025, celle-ci a réarmé. Les Européens sont solidaires et raisonnablement confiants : le rapport de force aérien et terrestre est, sur le papier, favorable aux défenseurs.

Pourtant, six mois plus tard, l’Europe est vaincue — par la guerre sous-marine russe.

Le sabotage atlantique russe : RETEX d’une guerre perdue

Rien dans la phase initiale de l’agression ne laissait penser que le conflit décisif se jouerait en mer.

Après une campagne d’attentats organisés par le FSB contre des minorités russes et attribués par la Russie à des « extrémistes néonazis aux ordres de Bruxelles », l’assaut russe commence, comme en 2014 en Crimée, par l’intervention de « petits hommes verts » sur fond de dénégations moscovites : Lituanie et Lettonie subissent les deux premières « feintes » russes. Les trois pays baltes invoquent immédiatement l’article 5 du Traité de l’Atlantique nord et l’article 42(7) du Traité sur l’Union européenne, ainsi que tous leurs accords de défense bilatéraux.

Sans surprise, la réunion du Conseil de l’Atlantique nord est difficile.

Si les États-Unis concèdent du bout des lèvres que l’agression vient bien des Russes, ils se refusent à tout engagement direct. Le président américain finit par autoriser un « service minimum » : la mise à la disposition des Européens de quelques moyens de soutien (ravitaillement en vol, renseignement) et de quelques stocks de munitions, mais aucune participation américaine directe aux combats. Il est également très équivoque sur les garanties nucléaires américaines envers les pays baltes ; le communiqué final de l’OTAN est un trésor d’ambiguïté.

Qu’importe : la résolution européenne est forte et, en dépit de quelques voix dissonantes qui agitent le risque d’escalade, le principe du soutien plein et entier aux pays baltes est acté par l’Union.

La « coalition des volontaires » animée par Paris et Londres depuis 2025 a porté ses fruits : au moins sur le plan défensif, les moyens sont là, et les structures pour les commander. Le Canada et la Norvège rejoignent la coalition, en dépit des avertissements de Washington.

Dès le début de la crise, la coordination politique franco-britannique de la dissuasion nucléaire décide d’activer le « bastion » du Golfe de Gascogne et d’y faire patrouiller quatre des SNLE français et britanniques disponibles. Si la manœuvre est un succès et si aucun sous-marin russe ne s’approche de la zone maritime pendant la crise, elle « consomme » une part très importante des moyens des deux marines : frégates, sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et avions de patrouille maritime quadrillent le bastion et ses approches immédiates.

Ce choix a des conséquences importantes pour la suite ; tout du moins, pendant la phase initiale, ce signalement stratégique de Paris et Londres décourage Moscou de tout chantage nucléaire

«  Automne 2032  : après plusieurs mois de crise, la Russie lance une «  opération spéciale de protection des minorités russophones  » dans les pays baltes, avec pour cible militaire immédiate l’annexion de territoires revendiqués comme russes et comme effet stratégique recherché l’éclatement de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne.  »

Sur terre : contenir les Russes

Malgré la chute rapide de Narva en Estonie et le bombardement de Vilnius, la défense tient bon.

Les groupes de combat de l’OTAN présents dans les pays baltes s’engagent immédiatement, malgré la légèreté de leurs moyens et le repli des soldats américains présents dans les trois républiques, sur ordre de Washington. Assez rapidement, l’armée polonaise mène des frappes « préventives » contre Kaliningrad, neutralisant l’enclave à l’aide de ses centaines de lance-roquettes, selon un plan de ciblage soigneusement pensé pour éviter les dépôts d’armes nucléaires sur place.

Alors que les combats durent depuis trois jours, la Russie lance son principal effort contre la Lettonie.

D’emblée, un léger flottement se produit, lorsque des groupes de « séparatistes » attaquent la frontière minée et fortifiée : le groupe de combat canadien reçoit d’abord d’Ottawa la consigne qu’en application de la convention d’interdiction des mines antipersonnel, il n’a pas le droit de monter en ligne pour occuper un secteur du front qui le placerait en responsabilité de tenir un tel champ de mines et doit rester en deuxième échelon. Fort heureusement, les troupes canadiennes contournent la consigne et encaissent le premier choc aux côtés de leurs camarades baltes, sous un déluge de drones. Dans les jours qui suivent, Européens et Canadiens mettent à jour leurs règles d’engagement face au choc du réel.

À Riga, des hommes du FSB infiltrés tentent de décapiter le gouvernement et de proclamer une « république de Vidzeme ». La tentative échoue en quelques heures.

Les forces de réaction rapide européennes, principalement franco-britanniques et issues du Benelux, arrivent le lendemain dans les pays baltes, trois jours après le début de la crise. Dans les airs, les forces aériennes européennes étrillent toute manœuvre russe au-dessus des pays baltes, même si les bulles de déni d’accès et les incertitudes politiques limitent les possibilités de frappe au-dessus de la Russie. Des centaines de drones Geran pleuvent sur la Pologne et les républiques baltes, mais la plupart sont abattus par les moyens développés par les Européens : roquettes guidées laser, hélicoptères de combat, canons automatiques… Partout, la Russie semble en échec.

Les sondages confirment que l’opinion européenne soutient un effort défensif ferme, même si les craintes d’escalade sont grandes.

Cette séquence empêche le « fait accompli » russe et laisse le temps à l’Allemagne, à la Pologne et aux Scandinaves de rappeler leurs réservistes et de monter en capacité, malgré des divisions politiques importantes dans les deux premiers pays. Dans la semaine qui suit, protégées par une défense aérienne étoffée et à la trame complète, les forces européennes peuvent dérouler leur doctrine de combat combiné, avec une importante composante dronisée.

Passés les trois premiers jours critiques, plus jamais le corridor de Suwalki ne sera sérieusement menacé ; Kaliningrad est neutralisée mais non envahie, ce à quoi les pays européens les plus prudents se refusent.

Si Paris et Londres ont des plans pour frapper la Russie depuis la Méditerranée orientale ou l’Atlantique nord, la coordination politico-militaire européenne décide, pour limiter les risques d’escalade nucléaire, de ne pas frapper la Russie à plus de cinquante kilomètres de la frontière balte et de maintenir Kaliningrad sous blocus tout en laissant la Russie y envoyer du « ravitaillement humanitaire » par l’intermédiaire de navires neutres…

Malgré ces restrictions, les forces russes de « libération » des « minorités opprimées » ne peuvent étendre leur percée au-delà de quelques kilomètres en quelques points de la frontière fortifiée ; elles s’avèrent incapables de tendre la main aux « milices séparatistes » composées de quelques centaines de soldats russes entrés en secret à la faveur de l’instrumentalisation des flux migratoires. En mer, une campagne agressive de minage du golfe de Finlande par la marine finlandaise paralyse la flotte russe de la Baltique, coincée à Saint-Pétersbourg.

Sous les mers : la guerre qu’on ne prévoyait pas

À peine plus de dix jours après le début de son agression, voyant que la défense européenne est solide et que les Européens parviennent à une forme de consensus politique pour défendre les républiques baltes presque sans soutien américain, Moscou active son plan de guerre sous-marine.

En quelques heures, des dizaines de planeurs pélagiques, ces drones sous-marins qui dérivent juste sous la surface de l’océan, pré-positionnés en mer du Nord, convergent vers les champs éoliens britanniques, néerlandais et allemands.

Les sous-stations situées sur le fond marin à moins de cinquante mètres sous la surface sont détruites une à une.

Une panne électrique gigantesque frappe le Royaume-Uni, privant des millions de foyers d’électricité, alors que le pays est déconnecté en urgence du reste du réseau européen pour tenter d’éviter un effet domino sur l’Europe continentale.

Au même moment, devant Hambourg, plusieurs de ces mêmes planeurs détruisent un porte-conteneurs.

Quelques heures plus tard, au milieu de l’Atlantique, un pétrolier encaisse trois torpilles lourdes lancées par un sous-marin non identifié et coule en quelques heures.

La panique s’empare immédiatement des marchés financiers et des assureurs maritimes.

Dans les deux jours qui suivent, comme cela avait été le cas pendant la guerre d’Ukraine, les primes d’assurance s’envolent à des niveaux insupportables pour les armateurs, alors que tout l’Atlantique au nord du tropique du Cancer est déclaré « zone de guerre ».

Les armateurs européens, peu sensibles aux appels au patriotisme de leurs gouvernements, décident de dérouter les navires qui peuvent l’être et de sortir le plus vite possible des eaux européennes.

Quelques explosions liées à d’autres planeurs pélagiques en Manche et sur les côtes britanniques suffisent pour maintenir une tension durable. Une frégate néerlandaise est coulée au mouillage au Helder, par une mine dérivante « intelligente ».

Sur le front diplomatique, l’embarras européen est palpable : les pays de la Mitteleuropa qui ont été au cœur du renforcement militaire continental depuis 2025 ont toujours considéré que l’Atlantique resterait un lac de l’OTAN.

Pourtant, la marine américaine reçoit l’ordre de ne participer à aucune opération à l’est du 40e méridien ; le président américain se contente de souligner, entre deux polémiques électorales, que si le Groenland lui avait été remis, jamais les Russes n’auraient osé se comporter de la sorte. Il annonce également que seuls les navires à destination ou en partance de ports américains bénéficieront de la protection de l’US Navy, et conclut en demandant aux Européens de « négocier avec la Russie » pour résoudre la crise.

Dans le même temps, la Russie paralyse les travaux du Conseil de sécurité des Nations unies, nie toute implication et accuse l’Ukraine d’avoir manigancé toute l’opération sous-marine par esprit de revanche.

La Chine fait chorus et accuse les Européens de provocations.

En mer pourtant, ces derniers ne sont pas inactifs et leurs moyens navals sont censés être très supérieurs à ceux de la Russie. Le groupe aéronaval français, en partance pour le Pacifique au début de la crise, est maintenu en Méditerranée orientale, tandis que le groupe aéronaval britannique, revenu d’une longue mission dans le Pacifique, doit être rendu disponible au plus vite. 

L’activation du bastion commun franco-britannique pour la dissuasion nucléaire pèse cependant sur les moyens ; la conséquence est qu’en l’absence d’un soutien naval américain, et compte tenu des impératifs européens pour faire front en Méditerranée et en mer Baltique, ne restent qu’une dizaine de frégates françaises, britanniques, espagnoles, canadiennes, belges et portugaises pour patrouiller dans un espace de plus de dix millions de kilomètres carrés, du Groenland à Madère, jusqu’aux côtes américaines.

Pire : compte tenu des divisions politiques des Européens sur les règles d’engagement en mer ou les frappes dans la profondeur du territoire russe, l’usage de ces moyens n’est pas coordonné.

Autant la défense des pays baltes avait été relativement bien préparée sur le plan politique et militaire, autant les Européens n’ont jamais envisagé ce que la Russie est en train de leur imposer : une bataille de l’Atlantique.

La Russie refusant de revendiquer les attaques sous-marines et accusant l’Ukraine d’en être responsable, certains pays européens refusent des règles d’engagement qui prévoiraient de tirer sur un sous-marin russe en l’absence de « flagrant délit » d’attaque. D’autres, comme la Norvège ou la Grèce, réservent leurs moyens navals à la protection de leurs côtes et de leur pavillon marchand national.

Alors que les séides de Moscou agitent la peur d’une catastrophe radiologique en cas de destruction d’un sous-marin nucléaire russe, seuls la France, le Royaume-Uni, le Canada et le Portugal décident d’assumer une chasse « active » dans l’Atlantique ; mais les moyens navals manquent, en raison de la multiplication des engagements et des priorités accordées depuis 2025 aux composantes terrestres et aériennes.

Sous la mer, un seul sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) français et deux SNA britanniques sont disponibles pour cette chasse aux sous-marins russes, tandis que les SNA américains reçoivent un ordre d’éloignement des eaux européennes.

C’est trop peu pour l’immensité de l’océan.

Le Royaume-Uni avait pourtant lancé un ambitieux projet « Cabot » de surveillance des fonds marins à l’aide de moyens dronisés.

Malheureusement, le projet a pris du retard, la fusion des données et leur échange s’avèrent trop ambitieux et la Russie parvient à neutraliser plusieurs drones en mer, la Royal Navy manquant de moyens pour assurer leur protection. Les Américains refusant de transférer les données de leurs propres réseaux de détection sur les fonds marins ; les sous-marins russes, naviguant à petite vitesse, sont difficiles à localiser précisément. 

En outre, ces sous-marins n’ont pas besoin d’être très nombreux et de mener une campagne active de destruction du commerce maritime : la simple mention par le pouvoir moscovite de leur présence dans l’Atlantique suffit à maintenir la pression sur les armateurs, pression qu’un torpillage occasionnel permet de réactiver en cas de retombée. 

Si la Royal Navy détruit rapidement un sous-marin conventionnel de la classe Kilo dans les approches maritimes du Royaume-Uni, le bilan en reste là pendant plus de dix jours. 

Rien de choquant pour les spécialistes de la guerre sous-marine, mais plus compliqué à admettre pour les états-majors combinés et les opinions publiques, qui ont oublié depuis 1945 le caractère ingrat, défensif et laborieux des opérations océaniques anti-sous-marines…

«  Moscou menace explicitement Lisbonne du feu nucléaire sur les îles de l’Atlantique si celles-ci sont encore utilisées pour «  menacer la liberté de navigation et perpétrer des attaques illégales contre les sous-marins russes  ». Pour donner crédit à ses menaces, elle tire une salve de missiles Orechnik sur l’île de Flores, la plus éloignée des Açores.  »

La disruption du commerce maritime

Pendant les semaines suivantes, les premières tentatives d’escorte ad hoc se heurtent à une nouvelle difficulté : la Russie a modifié plusieurs navires marchands de sa « flotte fantôme » pour qu’ils emportent des essaims de drones navals, sous-marins et aériens.

Actifs en Manche, ils frappent Le Havre, Cherbourg, Hambourg et l’estuaire de la Tamise.

Car si les Européens avaient investi massivement dans un « mur anti-drones » sur la frontière orientale de l’Europe et la Baltique, ils avaient négligé la façade océanique.

Ils avaient négligé une vieille règle de l’art de la guerre : face à un effort strictement défensif, l’attaquant peut toujours choisir librement le jour, l’heure — et le lieu.

Les cargos responsables du lancement des attaques sont promptement détruits ou abordés. Les dommages restent faibles. Mais l’impact sur l’opinion est important et impose de renforcer la défense métropolitaine, au détriment du soutien des forces au sol dans les pays baltes.

Bien entendu, la Russie refuse de reconnaître toute responsabilité, soutenue par la Chine qui continue de dénoncer l’attitude belliciste et mensongère des Européens. Les marchés financiers européens continuent leur spirale vers le bas, et les taux d’intérêt s’envolent. Une réunion de crise conjointe de la BCE et de la Banque d’Angleterre fait discrètement passer aux gouvernements européens une note, mettant en garde contre un risque d’embolie de l’économie européenne dans les semaines qui viennent.

Espérant reprendre le commerce maritime via les ports de la Méditerranée, les Européens subissent, un mois après le début de la crise, une nouvelle déconvenue : les Houthis, avec le soutien de Moscou, mettent eux aussi en œuvre des drones sous-marins chargés d’explosifs, en plus de leur important stock de missiles et drones aériens livrés par l’Iran.

Avec cet arsenal, ils frappent en priorité tous les navires appartenant à des armateurs européens.

La Russie a pris soin de positionner au large de l’Afrique quelques vieux cargos de sa « flotte fantôme » chargés de drones aériens et navals, et a détaché dans l’océan Indien deux SNA de sa flotte du Pacifique. Il suffit de nouveau d’un torpillage et de quelques attaques au mouillage par des drones sous-marins pour que les primes d’assurance s’envolent et que se ferme la route maritime — sur fond d’effondrement des bourses européennes. 

Malgré une défense commune toujours solide au sol dans les pays baltes et une campagne d’interdiction aérienne limitée mais efficace, les Européens décrochent en mer, et les risques de pénurie retournent des opinions publiques européennes qui étaient initialement en faveur d’une réponse ferme.

Les semaines passant, les stocks pétroliers et gaziers européens s’épuisent, alors que l’hiver approche.

De graves pénuries de produits manufacturés commencent à survenir, et la suspension par Amazon de ses services de livraison depuis l’Asie vers l’Europe provoque des manifestations à travers tout le continent. 

Semblant toujours avoir un coup d’avance dans ses provocations, tout en continuant de nier avoir procédé à aucun torpillage, la Russie fait manœuvrer avec la Chine et l’Iran une flotte à proximité de la Nouvelle-Calédonie.

En Afrique, dans le canal du Mozambique, des flottilles de miliciens comoriens, armés et soutenus par des mercenaires de l’Africa Corps russe, embarqués sur des navires de « pêche » chinois, débarquent sur l’île française de Chissioua Mtsamboro, à quelques encablures de Mayotte ; ils entreprennent de s’y retrancher.

Au même moment, plusieurs câbles sous-marins sont coupés par une attaque non attribuée, au large de la France et du Royaume-Uni, ainsi qu’au large de plusieurs territoires ultramarins français et britanniques.

Ceux reliant d’autres pays européens sont épargnés.

Si les redondances sont suffisantes pour éviter une panne informatique généralisée, l’attaque constitue un signal fort envoyé aux Européens, sur fond de déclarations de la Russie contre la France et le Royaume-Uni, accusés de vouloir « entraîner le continent dans une revanche de la guerre d’Ukraine ». Le président français n’a pas d’autre choix que d’envoyer le groupe aéronaval du Charles de Gaulle dans l’océan Indien, l’Armée de l’air s’avérant incapable d’obtenir un résultat décisif avec les quelques raids occasionnels qu’elle peut lancer depuis Abu Dhabi.

Arsenalisant la crise économique qu’ils ont provoquée, les Russes imposent une paix armée

Alors que la bataille fait rage en mer, à Bruxelles, on s’active pour organiser un système de convois et tenter de rassurer le monde maritime.

Il n’est cependant plus question de réquisitions comme en 1914 ou en 1940 : il faut convaincre les acteurs privés du transport.

L’attitude de certains pays européens pro-russes ralentit les initiatives ; et lorsqu’une solution semble enfin en vue, Moscou propose un sauf-conduit aux navires qui se dirigeraient vers les ports de pays acceptant de cesser immédiatement toute attitude hostile envers la Russie, de rappeler leurs troupes et de reconnaître la situation humanitaire préoccupante des « minorités russes » dans les pays baltes. La Russie propose ce marché — sans reconnaître son implication dans le torpillage de la douzaine de pétroliers, méthaniers et porte-conteneurs détruits depuis le début du conflit.

La Grèce et Chypre acceptent aussitôt la proposition sous la pression de leurs armateurs, semant la division dans l’Union européenne. 

Le ton monte encore entre Européens lorsqu’un sous-marin nucléaire russe est détruit par une attaque franco-portugaise d’opportunité au large des Açores, sans qu’il ait été impliqué de manière certaine et immédiate dans un torpillage de navire marchand.

En réponse, Moscou menace explicitement Lisbonne du feu nucléaire sur les îles de l’Atlantique si celles-ci sont encore utilisées pour « menacer la liberté de navigation et perpétrer des attaques illégales contre les sous-marins russes ».

Pour donner crédit à ses menaces, elle tire une salve de missiles Orechnik sur l’île de Flores, la plus éloignée des Açores.

Si la réaction de Paris et Londres est ferme et rassurante en termes de garanties de sécurité, Washington tergiverse de nouveau à propos de sa dissuasion élargie, estimant qu’en l’occurrence « le Portugal est l’agresseur ». La seule action américaine notable de la crise consiste à débarquer sans préavis quelques milliers d’hommes au Groenland pour en prendre le contrôle « avant la Russie » ; Copenhague ne peut que protester. Certes, l’arrivée du groupe aéronaval britannique dans le Grand Nord bloque une tentative d’action similaire de la Russie contre le Svalbard, mais les Européens sont trop absorbés par la crise du transport maritime en Atlantique pour aider le Danemark, faute de moyens et de vouloir agir sur deux fronts.

Dix jours après avoir quitté la Méditerranée orientale, le groupe aéronaval français commence les opérations aériennes contre les envahisseurs de l’archipel de Mayotte, les Rafale survolant toute l’Afrique. Les protestations de l’Angola sont relayées à l’Assemblée générale des Nations unies et les appels au boycott se multiplient contre la France, qualifiée de « puissance néocoloniale ».

Si le périple du Charles de Gaulle est un succès militaire et parvient à sauver Mayotte d’une invasion ou d’un blocus, il ne règle pas la situation en Atlantique nord — où les sous-marins et les planeurs pélagiques russes continuent de s’en prendre au trafic marchand.

Plusieurs pays européens instaurent un rationnement des produits alimentaires, ce qui déclenche des grèves générales et des manifestations en faveur d’un arrêt des combats. 

Dans les jours qui suivent, plusieurs pays de l’arc balkanique lancent avec le soutien de la Turquie une initiative de paix prévoyant un cessez-le-feu immédiat et la création d’une zone démilitarisée de cinquante kilomètres de profondeur entre la frontière russe et les forces de l’Alliance. Le vote d’une résolution par la Chine, la Russie, les États-Unis et la majorité du Conseil de sécurité des Nations unies soutenant l’initiative divise les Européens. La France et le Royaume-Uni sont isolés ; un « parfum de Suez » flotte entre Whitehall et le Quai d’Orsay.

Les deux puissances nucléaires européennes, pourtant soudées depuis le début de la crise, font face à une agitation intérieure croissante, sur fond de pénuries et de coupures d’électricité : Londres souhaite préserver la relation transatlantique en n’opposant pas un veto à une résolution américaine, d’autant que Washington a menacé explicitement l’avenir du programme balistique britannique ou la fourniture de services pour la flotte de F-35 ; à Paris, le « réflexe gaullien » pourrait pousser le pays à utiliser seul son droit de veto, mais de discrètes pressions de la part de Berlin et de la Commission européenne l’en dissuadent : la crise économique liée aux pénuries énergétiques, de matières premières et de biens de consommation est trop sévère. Les notes de la Direction générale de la sécurité intérieure sur les risques d’explosion sociale achèvent d’emporter la décision : la France se résout à ne pas bloquer la résolution, prise sous le Chapitre VII des Nations unies. 

Ultime humiliation, une force de « maintien de la paix » est confiée quelques jours plus tard à des casques bleus chinois et pakistanais.

Pour les républiques baltes, la potion est amère : alors qu’elles n’ont presque pas cédé de terrain à l’envahisseur, elles doivent se retirer de dizaines de localités et perdent tout leur système de défense frontalier.

Plusieurs pays d’Europe centrale prennent acte de cette défaite, décident dans les semaines qui suivent de quitter l’Union européenne et l’OTAN, proclament leur neutralité et annoncent « souhaiter établir un dialogue et des relations de confiance avec la Russie ». 

Moscou a gagné. 

La défense sous-marine : point aveugle de la défense européenne

Ce court récit prospectif, bien que sombre, ne décrit pas quelque chose d’inéluctable.

Il a pour objet d’attirer l’attention sur la réalité d’une menace russe sous-marine assez sous-estimée en Europe et, plus largement, de rendre apparente la vulnérabilité de notre continent à une disruption du commerce dans l’Atlantique.

S’il semble à la fois impératif et urgent de réarmer les composantes terrestres et aériennes de l’Europe et de disposer de forces, de stocks et de réserves humaines en nombre suffisant pour soutenir un conflit prolongé sur le sol européen, nous aurions tort de considérer que l’Atlantique sera toujours libre et ouvert à notre navigation.

Face à la combinaison de forces sous-marines russes anciennes, mais encore nombreuses et aguerries, et compte tenu des potentialités offertes par le développement des drones sous-marins dans toute la colonne d’eau — du planeur pélagique au rover de fond —, nous ne disposons pas en Europe de la capacité de faire face à une nouvelle « bataille de l’Atlantique » sans soutien américain.

Alors que nous avons souvent l’image d’un combat naval moderne — bref et violent — où l’avantage décisif va à l’attaquant, à celui qui le premier peut se placer en position d’ouvrir le feu, nous oublions le rôle clef des opérations sous la mer.

Pendant les deux conflits mondiaux, la protection des voies de communication maritimes s’est révélée un travail ingrat, de longue haleine, qui consomme une quantité de moyens très importante dans la durée.

Même si la recherche active et offensive des sous-marins adverses est une composante importante de ces opérations, leur volet « défensif » ne doit pas être sous-estimé : protéger un navire isolé ou même un convoi peut conduire le défenseur à se contenter d’interdictions d’approches, d’un travail harassant de « labourage des eaux », sans pouvoir forcément poursuivre et détruire chaque contact, la priorité étant à la survie des navires escortés.

Cette situation a failli entraîner par deux fois la défaite des Alliés dans l’Atlantique nord, alors que les Européens disposaient d’importantes marines marchandes sous pavillon national, de marines de guerre dotées d’escorteurs en nombre plus important et de populations maritimes plus nombreuses.

La défaite du Japon face à la campagne sous-marine américaine et celle de l’Italie face à la campagne britannique montrent ce qu’il en coûte d’ignorer cette menace ou d’y consacrer des moyens insuffisants.

Cette difficulté de la guerre sous-marine défensive est décuplée par les caractéristiques du transport maritime moderne : il s’agit d’une industrie mondialisée, dont les navires sont construits en Asie et sont la propriété d’armateurs asiatiques ou européens ; assurés par des entreprises européennes, armés par des équipages de marins le plus souvent issus de pays émergents sans lien avec notre continent, ils battent le pavillon de pays lointains ayant des registres maritimes de complaisance, tout en étant soutenus par une industrie financière pouvant s’appuyer sur des juridictions extra-européennes et des « paradis fiscaux ».

Ce secteur présente une très forte aversion au risque de guerre ; il n’est pas acquis à un pays particulier.

L’évolution des primes d’assurance dès le début du conflit ukrainien — lorsqu’il est devenu clair que des mines marines avaient été mouillées en mer Noire — a montré que la menace sous-marine est celle qui génère la plus grande crainte ; elle peut interrompre un flux maritime presque instantanément.

Le front russe est en Atlantique — et le planeur pélagique pourrait être le char d’assaut de la guerre qui vient

Le risque posé par la guerre sous-marine n’est donc plus proportionnel au nombre de sous-marins opérant dans l’Atlantique comme pendant les deux conflits mondiaux, mais plutôt à la capacité de faire planer une menace crédible, concrétisée par quelques incidents. 

Certes, la flotte russe du Nord ne dispose que d’une douzaine de SNA et d’une dizaine de sous-marins conventionnels, loin des effectifs de la Guerre froide ; mais quatre ou cinq sous-marins positionnés en Atlantique nord pourraient suffire à paralyser le commerce, surtout si en parallèle deux ou trois sous-marins venus du Pacifique menaçaient les flux passant par la Corne de l’Afrique.

Encore ne s’agirait-il là, avec ces sous-marins et ces mines, que de menaces assez classiques. L’arrivée des drones sous-marins a le potentiel de compliquer bien davantage la lutte sous la mer.

Si l’Alliance atlantique teste le potentiel du drone pour la maîtrise des espaces maritimes sous la surface — ainsi de la « Task Force X » en Baltique ou du projet britannique « Cabot » —, elle se prépare peu pour lutter contre les menaces que pourraient représenter les drones sous-marins, et notamment les planeurs pélagiques.

Ces engins, moins coûteux que des torpilles classiques, peuvent dériver des semaines durant dans les courants marins.

Emportant un module de positionnement par GPS et une centrale inertielle, ils peuvent être dotés de détecteurs acoustiques simples et emporter une charge explosive importante.

Leur consommation énergétique est faible, car ils naviguent en modifiant leur flottabilité pour suivre les courants.

Même si les planeurs pélagiques ne peuvent menacer des navires de guerre au large, ils pourraient exploiter les vulnérabilités des infrastructures fixes en mer — énergétiques ou de communication —, mais aussi celles des navires marchands mouillant devant les grands ports.

En complément, comme la Russie le fait dans notre récit prospectif, il serait en outre possible de frapper les ports militaires et civils européens dès le début d’un conflit avec des essaims de drones aériens et navals pré-positionnés dans des cargos civils, ce qui compliquerait les phases initiales du déploiement naval. Dans un cas comme dans l’autre, l’absence de marquage et d’équipage, l’opacité du milieu et la mise en œuvre discrète compliqueraient l’attribution de l’attaque et permettraient un « déni plausible » sur fond de guerre informationnelle.

La réponse à ces menaces n’est ni unique, ni strictement « capacitaire ». 

Faire un chèque ne suffira pas — pas plus que d’acheter quelques frégates.

Il importe d’abord, sur le plan stratégique, de retrouver une conscience claire et commune de l’importance de l’océan Atlantique pour les communications de l’Europe.

Depuis cette façade libre de détroits, l’Europe a accès à « l’océan-monde » ; mais pour profiter de cet accès, il faut être en capacité de dominer cet espace pour l’interdire aux sous-marins hostiles.

C’est ce qu’ont dû faire les Alliés pendant les deux guerres mondiales, menant de longues, ingrates et trop souvent oubliées campagnes navales profondément défensives.

Si l’approche de l’OTAN est, depuis 1957, centrée sur l’idée de « tenir » la « ligne GIUK (Greenland, Iceland, United Kingdom) » une future crise entre la Russie et une Europe délaissée au moins en partie par les Américains pourrait voir, dès son déclenchement, une présence sous-marine russe suffisamment importante devant la façade atlantique européenne pour menacer les flux, en tablant sur l’aversion au risque des acteurs du transport maritime.

Combinée à des essaims de planeurs pélagiques et de robots sous-marins en mer du Nord, en mer Baltique et dans la Manche, cette menace sous-marine aurait le potentiel de gripper des économies européennes qui n’ont, dans leur histoire, jamais été aussi dépendantes d’un accès permanent et sans entraves au commerce maritime. Enfin, s’agissant d’une crise lente à advenir, une crise complexe, impliquant de nombreux acteurs privés et se déroulant en mer loin des territoires nationaux, l’usage de la dissuasion nucléaire serait sans doute plus complexe et moins évident que s’il s’agit de garantir la survie de populations civiles européennes ou de forces armées au sol.

«  Il vaut sans doute mieux pour l’Europe que la France et le Royaume-Uni commandent davantage de frégates et de sous-marins que de chars de combat.  »

Soulager le duo franco-britannique 

Survivre à une telle crise, une fois qu’on en a compris le risque systémique, suppose de développer pour l’Europe une stratégie intégrale, qui ne se limite pas à une ambition de « mur » terrestre et aérien sur la frontière terrestre de la Russie.

Sur le plan politique, il faut que les Européens s’entendent sur un « partage des tâches ». On ne peut pas demander à la France et au Royaume-Uni d’assurer seuls à la fois la dissuasion nucléaire du continent, les capacités de supériorité aérienne et de frappe dans la profondeur, « l’entrée en premier » des troupes au sol, et de maintenir la supériorité navale sur les approches maritimes du continent et sur ses voies de communication lointaines.

À ce jour, la France et le Royaume-Uni sont les seules nations en capacité de mener un effort naval réel, comme l’ont montré les opérations récentes contre les Houthis, où les autres marines européennes ont brillé par leur absence et leurs déconvenues. Le burden sharing européen doit entériner le principe que seules les deux puissances nucléaires européennes et les États de la péninsule ibérique sont pertinents pour assurer cette supériorité navale océanique et lointaine, en raison de leur accès libre à l’Atlantique : cela doit conduire à les décharger de certaines obligations, notamment sur le plan terrestre.

Dit autrement, il vaut sans doute mieux pour l’Europe que la France et le Royaume-Uni commandent davantage de frégates et de sous-marins que de chars de combat. La condition principale pour être crédibles serait en revanche de donner une priorité sans ambiguïté à la défense des eaux européennes et des flux de communication.

À ce titre, il faudrait renoncer à tout grand déploiement ou grande ambition à l’est de Singapour, pour se concentrer sur l’Atlantique et la Corne de l’Afrique. Les ambitions politiques franco-britanniques en Indo-Pacifique consomment un potentiel aérien et naval important, pour un intérêt stratégique plus que discutable.

Prévenir une nouvelle « bataille de l’Atlantique »

Sur le plan économique, il faut anticiper les éventuelles ruptures d’approvisionnement, en encourageant les stocks, la substitution et les relocalisations dans toutes les chaînes de valeur ; il faut aussi se doter d’un « plan » public en termes de rationnement et d’arbitrage des ressources et biens de consommation.

Ce sont des choix longs à envisager, souvent coûteux, peu compatibles avec les habitudes des consommateurs et acteurs économiques européens, qu’il faut mener sans surestimer notre capacité à nous sevrer du transport maritime.

Sur le plan militaire, nous ne pourrons faire l’économie d’une doctrine cohérente au sein de l’Alliance mais si nécessaire sans les États-Unis pour être en mesure d’assurer efficacement la composante océanique des dissuasions nucléaires française et britannique sans consommer tous nos moyens navals, tout en rassurant les acteurs privés du transport maritime. Cela suppose, dès le début de la crise, de leur proposer des mécanismes de réassurance publique, des schémas de réquisition robustes incluant la substitution d’équipages, un système de rationnement et de priorisation du transport maritime européen pour assurer les importations et les exportations les plus cruciales, des modes d’escorte adaptés et, éventuellement, des modules d’armement « conteneurisés » pouvant être installés sur les navires marchands pour lutter contre certaines menaces de bas du spectre comme les drones aériens, de surface ou sous-marins 1.

Cette doctrine, pensée avec et pour les acteurs civils du transport, doit être complétée d’une réflexion capacitaire urgente. 

S’il est trop tard pour lancer la mise en chantier de nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque, d’autres pistes existent : entre autres moyens, on peut considérer de nouveaux navires d’escorte, de nouveaux effecteurs contre les drones sous-marins — actant peut-être le retour des charges de profondeur et des roquettes anti-sous-marines —, des réseaux de capteurs sur le fond marin pour certaines zones sensibles et des drones de patrouille aériens et navals disposant de capacités d’engagement autonomes — notamment pour défendre les infrastructures en mer et les ports.

D’autres mesures de moyen terme peuvent être envisagées en France, mais avec des coûts importants : relocaliser durablement le groupe aéronaval sur la façade atlantique pour maintenir sa liberté d’action, disposer d’une base de sous-marins conventionnels sur cette même façade pouvant accueillir des sous-marins d’autres marines européennes, envisager le retour d’une composante anti-sous-marine embarquée à voilure fixe — par exemple, un drone Alizée 2.0 —, renforcer la défense des bases littorales et des grands ports marchands et militaires face aux menaces des drones…

Le chantier capacitaire est vaste et complexe, mais il est urgent que l’Europe se saisisse, d’un point de vue politique et stratégique, de la question de sa vulnérabilité maritime. 

Cette prise de conscience nous permettrait aussi de nous préparer sur le plan informationnel, pour contrer les manœuvres de désinformation de la Russie et de ses soutiens et pour faire comprendre aux opinions publiques — même celles d’Europe centrale — que leur défense commence loin au large.

L’Europe est un continent qui dépend de manière vitale de son accès à l’océan.

Cet accès dépend lui-même d’un système économique à la fois performant, redondant et fragile face au risque de guerre.

La Russie le sait.

Elle ne se privera pas de peser sur cette vulnérabilité — surtout si l’allié américain n’est pas présent pour maintenir une suprématie occidentale sur et sous les eaux de l’Atlantique.

Il ne s’agit pas de choisir entre « Tahiti et Varsovie ». 

Il faudra en revanche se rappeler que les eaux les plus importantes pour l’Europe et la France ne sont pas celles de l’Indo-Pacifique, mais bien celles de l’Atlantique : pour la défense du continent, Brest et Lisbonne sont aussi importantes que Vilnius ou Varsovie.

Sources
  1. Ces systèmes seraient en fait des effecteurs « déportés » de navires de combat européens, qui assureraient leur contrôle via une liaison tactique, le navire marchand se bornant à en assurer l’alimentation électrique (ce qui permet de prendre en compte les questions de « loyauté des équipages »).