Une motion de censure ne peut être adoptée — et donc entraîner la chute du gouvernement — qu’à la majorité absolue des membres de l’Assemblée. Le gouvernement peut donc être sauvé par l’abstention de quelques députés dans ce cas de figure.

  • Mais pour un vote de confiance (article 49, alinéa 1 de la Constitution), la règle est différente : une simple majorité des suffrages exprimés suffit pour le refuser.
  • Or depuis 2022 les exécutifs successifs ne disposent qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale.
  • C’est précisément pour cette raison qu’aucun gouvernement depuis 1958 n’avait, jusqu’ici, pris le risque d’un tel vote de confiance sans disposer d’une majorité assurée 1.
  • Puisque l’ensemble des groupes d’opposition ont déjà annoncé qu’ils s’y opposeraient, l’issue du vote du 8 septembre semble d’ores et déjà scellée.

Trois hypothèses principales s’ouvrent désormais.

Le premier scénario : une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale.

  • L’issue d’une nouvelle dissolution serait très incertaine : bien que Marine Le Pen ne puisse pas être candidate, le Rassemblement national pourrait réussir en 2025 son plan Matignon, porté par l’affaiblissement du front républicain.
  • À gauche, un accord de type NUPES ou NFP resterait probable malgré les tensions entre PS et LFI, mais il aurait un caractère purement défensif, utilitariste, et susciterait des candidatures dissidentes.
  • Si depuis juillet le Président a retrouvé ce pouvoir, la dissolution de l’an dernier avait été très mal reçue par les Français 2, accroissant à la fois la défiance envers Emmanuel Macron et la pression sur l’Élysée. Une récidive paraît peu probable.

Le scénario central : la poursuite de la configuration actuelle avec un nouveau Premier ministre.

  • Déjà pressenti en décembre dernier, le nom de Sébastien Lecornu circule à nouveau. Il pourrait proposer un budget plus limité que celui de François Bayrou et tenter de le faire passer en négociant avec l’opposition de gauche.
  • Les noms du ministre de la Justice Gérald Darmanin et du ministre des Finances, Éric Lombard sont également en train de circuler — ce dernier permettant d’engager un dialogue avec les marchés.
  • Pour que ce scénario fonctionne, le bloc central devrait cependant accepter des concessions substantielles — sur la fiscalité des plus aisés, l’assurance chômage, l’environnement ou encore l’éducation.
  • La gauche de gouvernement semble disposée à aller dans ce sens, mais cela impliquerait un renoncement clair au projet de budget défendu par François Bayrou sur ces dossiers clefs 3 — ce qui demeure loin d’être acquis.
  • Le contexte politique rappellerait celui du début de l’année 2025, lorsque François Bayrou avait échappé à la censure grâce au PS. Mais les enjeux seraient cette fois bien plus lourds, entre des risques de crise financière accrus et l’horizon de 2027 qui polarise déjà en profondeur le champ politique.
  • Le risque d’un blocage, et donc d’un retour à la case départ, demeure élevé.

Le troisième scénario, le moins probable : un changement d’orientation du gouvernement avec un « compromis Cazeneuve » entre le bloc central et une partie de la gauche.

  • Aucun signe n’a pour l’instant indiqué une volonté du président de la République d’aller dans ce sens.
  • Par ailleurs, à la veille de municipales délicates, peu d’élus de gauche prendraient le risque de brouiller leurs alliances locales.
  • Un tel compromis risquerait d’affaiblir lourdement la gauche de gouvernement au profit de La France insoumise.

Face à ce blocage institutionnel, la France est donc selon toute vraisemblance à l’aube d’une nouvelle crise politique qui commence déjà à avoir des conséquences économiques.

  • Le pays doit désormais offrir des taux d’intérêt plus élevés que la Grèce pour pouvoir financer sa dette publique.
  • À 5 et 10 ans, seule l’Italie affiche des taux d’intérêt plus élevés que la France, mais les courbes pourraient bientôt se croiser.

Cette crise de confiance risque de s’aggraver rapidement si une solution durable ne se dessine pas dans les prochaines semaines.

Sources
  1. Une seule fois, un gouvernement a été renversé par une motion de censure (49-2) : le 5 octobre 1962, lorsque l’Assemblée nationale a censuré le gouvernement de Georges Pompidou.
  2. « Le regard des Français sur la dissolution du 9 juin 2024 : retour sur l’évènement et perspectives législatives en cas de nouvelles élections », Ifop, juin 2025.
  3. François Bayrou a présenté le 15 juillet dernier un projet de budget pour 2026 prévoyant 43,8 milliards d’économies, soit 1,45 % du PIB. Ce budget, présenté dans un contexte de finances publiques critiques, ne comportait pas de mesures spécifiques concernant les détenteurs des plus hauts revenus et patrimoines. Il a fait l’objet de critiques sur ce point, et ses chances d’adoption à l’Assemblée nationale dans les mois suivants apparaissaient limitées.