Selon des documents publiés fin juillet par le groupe BlackMoon puis authentifiés par The Insider, l’agence russe Rosoboronexport aurait signé en juin 2024 un contrat d’un montant de 4,3 millions d’euros avec l’entreprise chinoise CETC International pour la livraison d’un système de commandement automatisé susceptible d’être utilisé par Pékin afin d’envahir Taïwan 1.

  • Le projet intitulé « Меч » (Mech) consiste à fournir à l’Armée populaire de libération de Chine (APL) une série de modules matériels et de logiciels permettant le commandement de forces.
  • Ces modules sont conçus pour être transportables, aéroportables ou installés sur des véhicules blindés. Ils incluent des systèmes de communication, des postes de commandement, des logiciels de simulation et des complexes portatifs pour les officiers et les soldats.
  • Le contrat prévoit également la formation de 60 militaires de l’APL qui devrait avoir lieu dans l’usine de Tulatochmash, une entreprise de défense russe basée à Toula.

Ces documents suggèrent que Moscou pourrait assister Pékin et, potentiellement, prendre activement part à une invasion de l’île — qui pourrait avoir lieu dès 2027, selon Taipei. L’an dernier, sous l’administration Biden, les services de renseignement américains estimaient que « la Chine souhaite clairement que la Russie coopère avec elle en rapport avec Taïwan, et nous ne voyons aucune raison pour qu’il en soit autrement » 2.

  • Dans le cadre des négociations du projet Mech, Pékin a accueilli l’an dernier une délégation comprenant 31 participants de haut niveau dont le directeur adjoint de Rosoboronexport, S. F. Ladygin, ainsi que des représentants des entreprises chargées des différents composants de la commande : JSC KBP, le groupe Sozvezdie, NPP Rubin, MKPK Universal, JSC Polet et JSC Technodinamika.

Ce nouveau partenariat sino-russe s’inscrit dans un renforcement plus large de la coopération militaire bilatérale, qui s’est considérablement accéléré depuis 2022.

  • Les exercices sino-russes se sont multipliés ces dernières années, atteignant un total de 14 l’an dernier. Sur les 113 manœuvres conjointes organisées depuis 2003, plus de la moitié ont eu lieu ces cinq dernières années 3.
  • Dans le même temps, globalement, les importations chinoises d’armements russes se sont effondrées depuis les années 2000, tandis que la Russie repose de plus en plus sur la Chine pour sa guerre contre l’Ukraine.
  • Cette dépendance — qui se traduit notamment par l’importation de composants utilisés pour l’assemblage de drones — est particulièrement visible à travers la hausse des importations russes de biens à double usage chinois depuis 2022.

La commande passée par CETC International auprès de Rosoboronexport indique que, si l’industrie chinoise est en mesure de produire en masse des armements sophistiqués, les ingénieurs et experts russes semblent conserver une certaine attractivité pour Pékin. L’armée chinoise, à travers des exercices conjoints, bénéficie également de l’expérience au combat acquise par Moscou en Ukraine — qui pourrait être mise à profit dans le cadre d’une invasion de Taïwan.

Sources
  1. « Documents confirm Russia is helping China develop a system for managing landing operations — potentially for use in a Taiwan invasion », The Insider, 14 août 2025.
  2. Daniel Flatley, « US Spies See China, Russia Militaries Working Closer on Taiwan », Bloomberg, 2 mai 2024.
  3. Brian Hart, Bonny Lin, Matthew P. Funaiole, Samantha Lu, Hannah Price, Nicholas Kaufman et Gavril Torrijos, How Deep Are China-Russia Military Ties ?, CSIS.