Le 17 août, un communiqué de 27 organisations réformistes basées en Iran a appelé le gouvernement à arrêter l’enrichissement d’uranium, en échange de l’allègement des sanctions occidentales.

Considérant qu’il est nécessaire de mettre fin aux « activités hostiles » aussi bien sur le plan interne qu’externe, ces organisations proposent une série de mesures qui s’apparentent à un programme politique de transformation du pays 1.

  • L’une des premières propositions concerne l’amnistie des personnalités réformistes, dont Mir Hossein Mousavi, Zahra Rahnavard 2 et Mohammed Khatami, président de la République réformiste de 1997 à 2005. Les trois sont aujourd’hui en résidence surveillée ou interdits de prise de parole en public. 
  • La transformation de la doctrine politique du pays pour la centrer sur le développement économique est également mise en avant. Pour cela les organisations proposent un slogan : « La doctrine du développement et de la prospérité de l’Iran » (« دکترین توسعه و آبادانی ایران »).

Parmi les autres mesures, on retrouve également : 

  • la dissolution des institutions de gouvernance parallèles – c’est à dire l’architecture de contrôle politique de l’État par le Guide suprême et les Gardiens de la révolution – dont le Bureau du Guide et les Fondations religieuses ;
  • la transformation et la libéralisation de l’audiovisuel public, la mise en oeuvre de la liberté de la presse ;
  • la modification des lois concernant les femmes pour mettre fin à une « discrimination et violence qui touche la moitié de la population » ;
  • la coopération avec l’Arabie saoudite sur les questions régionales, le soutien à un État de Palestine indépendant et la reconstruction de son image comme puissance régionale stable et pacifique.

Ce communiqué s’inscrit dans le contexte de « libération » de la parole de certaines personnalités dissidentes à la suite de la guerre de douze jours avec Israël, mais cette tendance atteint le plus haut niveau de l’État.

  • Le 22 juillet, le président de la République Massoud Pezechkian a rencontré des leaders réformistes et à appelé à « poursuivre un chemin de réformes avec patience, rationalité et cohésion nationale » 3.
  • L’ancien président de la République, Hassan Rouhani (2013-2021), avait également pris la parole sur le même registre jeudi 14 août, appelant à reconnaître la souveraineté populaire, libéraliser la parole publique et surtout renouer avec la voie diplomatique avec les Européens — voire les États-Unis 4.
  • Le 8 juillet, 180 universitaires iraniens avaient publié une lettre ouverte à l’attention du président Massoud Pezechkian intitulée « Le temps d’un changement paradigme est arrivé » 5.
  • Le 15 août, Javad Zarif, ancien ministre des Affaires étrangères de Hassan Rouhani et architecte de l’Accord sur le nucléaire iranien, a également publié un article, à destination du public occidental, intitulé « The Time for a Paradigm Shift Is Now » (« Le moment est venu de changer de paradigme ») 6
  • De façon beaucoup plus étonnante, le conseiller du Guide suprême Ali Akbar Velayati, ancien ministre des Affaires étrangères sous Khamenei et Hachemi Rafsandjani (1981-1997), a déclaré le 21 juillet 2025 sur X : « Le peuple a fait ses preuves [en restant uni malgré la guerre]. C’est au tour des autorités. Les méthodes obsolètes ne sont plus adaptées après la guerre » 7.

Le communiqué des réformistes a fait l’objet de nombreuses réactions.

  • Pour le journal Keyhan, le plus virulent des journaux conservateurs iraniens, il s’agit d’une « traduction en persan des positions de Benjamin Netanyahou » 8.
  • D’autres le considèrent en partie irréaliste. Ali Motahari, conservateur modéré, a fait remarquer qu’il était peu probable que l’arrêt volontaire de l’enrichissement aboutisse à la levée des sanctions américaines 9.
  • Parmi les soutiens, l’intellectuel Sadegh Zibakalam, a utilisé les mesures avancées dans le communiqué pour vivement critiquer le programme nucléaire, estimant qu’il n’avait « rien apporté à la nation iranienne en vingt-cinq ans » 10.
  • Cette critique, très populaire dans le pays, affirme que l’Iran se priverait d’exporter ses immenses ressources gazières et pétrolières pour un programme nucléaire qui ne produit pas d’énergie.

Ces déclarations et prises de position publiques sont susceptibles de préparer le terrain à d’éventuelles transformations au sein de la République islamique, qui pourraient se concrétiser à la suite de la mort du Guide suprême ou d’une nouvelle crise majeure à laquelle l’Iran serait confronté.

Sources
  1. « بیانیه جبهه اصلاحات : تنها راه نجات کشور، بازگشت به مردم است », Asriran, 17 août 2025.
  2. Il s’agit de deux figures du mouvement vert, issues du rassemblement de contestation des résultats frauduleux de la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en 2009, mouvement qui avait été brutalement réprimé.
  3. « مسیر اصلاحات را با صبوری، عقلانیت و انسجام ملی دنبال کنیم », Présidence de la République islamique, 22 juillet 2025.
  4. « L’analyse de la situation par le docteur Rouhani après la guerre de douze jours », Site officiel de Hassan Rouhani, 14 août 2025.
  5. « وقت تغییر « پارادایم » است ! », Fararu, 8 juillet 2025.
  6. Javad Zarif, « The Time for a Paradigm Shift Is Now », Foreign Policy, 15 août 2025.
  7. Message sur X, 21 juillet 2025.
  8. « روزنامه کیهان بیانیه جبهه اصلاحات ایران را ترجمه فارسی اظهارات نتانیاهو دانست », KhabarFoori, 17 août 2025.
  9. « واکنش علی مطهری به بیانیه جبهه اصلاحات », Jamaran, 18 août 2025.
  10. « دفاع زیباکلام از بیانیه جبهه اصلاحات؛ واقع‌بینانه و به نفع مردم ایران است », KhabarFoori, 18 août 2025.