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À l’exception d’une brève parenthèse, le Mouvement vers le socialisme (MAS) est au pouvoir en Bolivie depuis près de vingt ans. Si vous étiez élu président, quels changements structurels comptez-vous mettre en place sur le plan économique ? 

Nous allons démanteler le modèle mis en place il y a 20 ans par Evo Morales et le Mouvement vers le socialisme, car il a conduit le pays à un échec économique. 

Nous construirons ainsi un nouveau cycle basé sur l’entrepreneuriat, le tourisme et la gestion durable des ressources naturelles.

Faut-il s’attendre à une vague de privatisations ?

Nous n’allons pas privatiser les entreprises publiques. Nous allons en revanche fermer les entreprises publiques inutiles que le MAS a créées pour des raisons purement idéologiques.

Nous maintiendrons les entreprises publiques d’utilité sociale — mais en améliorant leur gestion sur la base du mérite. Il faut arrêter de dépenser pour dépenser et apprendre à gérer avec austérité. 

Notre objectif est de mettre en place un plan de stabilisation qui s’attaquera à la principale préoccupation du pays, à savoir l’inflation galopante.

Quelles mesures concrètes proposez-vous pour sortir de la crise économique marquée par l’inflation importante que connaît le pays ? 

Il faut mettre un terme à l’inflation. C’est sans aucun doute notre premier et principal objectif.

Nous allons créer un fonds de stabilisation qui nous permettra d’apporter suffisamment de dollars dans le pays et de résoudre la crise monétaire, ce qui permettra d’unifier le taux de change.

Nous allons rendre les dollars qui sont bloqués dans les banques à leurs propriétaires.

Nous mettrons fin à l’aberration de la création monétaire voulue par Arce et Morales, et grâce à cela, ainsi qu’à une plus grande disponibilité des dollars, nous parviendrons à endiguer l’inflation avant qu’elle ne se transforme en hyperinflation et ne ruine le pays.

Quelles sont vos chances de gouverner face à un éventuel congrès fragmenté et à une opposition qui pourrait se montrer coriace ?

Nous espérons obtenir une majorité claire.

Nous croyons au pluralisme, donc, contrairement au MAS, nous savons conclure des accords avec d’autres forces politiques.

Je suis un businessman et j’ai toujours été connu pour ma propension à conclure des accords. J’espère donc pouvoir rallier toutes les forces du changement, qui sont largement majoritaires, derrière un plan très urgent pour mettre fin à l’inflation.

Nous croyons au pluralisme, donc, contrairement au MAS, nous savons conclure des accords avec d’autres forces politiques. 

Samuel Doria Medina

Nous savons tous qu’il n’y a pas de pire scénario que celui dans lequel le pays est malheureusement en train d’entrer : une inflation accompagnée d’un ralentissement quasi récessif de l’activité économique. 

Tous les Boliviens de bonne volonté peuvent se réunir pour éviter ce scénario catastrophique.

Evo Morales dispose encore d’une base solide et pourrait exercer une pression sur votre gouvernement en paralysant les routes et en provoquant des mouvements syndicaux créant de profondes perturbations économiques. Que comptez-vous faire pour éviter que le pays ne devienne ingouvernable ?

Evo Morales a tenté à trois reprises de renverser le gouvernement très faible de sa propre créature, Luis Arce — sans jamais y parvenir.

Nous ne tomberons pas dans le piège de Morales qui cherche à provoquer des effusions de sang.

Samuel Doria Medina

Notre gouvernement sera plus fort, et s’il parvient à résorber la crise en 100 jours, comme nous le ferons, il bénéficiera de l’affection et du soutien du peuple. Je ne suis donc pas aussi pessimiste que vous.

Son mandat d’arrêt sera-t-il exécuté ?

Nous devons respecter la loi et nous le ferons. Morales répondra devant la justice. 

Que va-t-il se passer dans le Chapare, la province fief de Morales ?

Les habitants du Chapare sont aussi boliviens que les autres.

Nous leur offrirons la possibilité d’améliorer leur quotidien et nous les protégerons de la dictature syndicale qui les pousse à mener des conflits auxquels ils ne croient pas.

Nous ne tomberons pas dans le piège de Morales qui cherche à provoquer des effusions de sang. 

L’État de droit bolivien paraît particulièrement affaibli. Quelles réformes envisagez-vous d’apporter pour améliorer le fonctionnement de la justice en Bolivie ?

C’est un constat que je partage.

Dès notre arrivée au gouvernement, nous convoquerons un référendum constitutionnel pour supprimer l’élection directe des magistrats et retirer le Tribunal constitutionnel de l’organigramme du pouvoir judiciaire.

Ainsi, si le peuple le souhaite, nous supprimerons deux institutions judiciaires qui ont lamentablement échoué ces dernières années. 

Nous ne nous en prendrons pas aux juges, nous les laisserons agir librement. 

Vous proposez de démanteler un modèle politique ancré dans les institutions et soutenu par de nombreuses personnes. Vous êtes-vous fixé des limites pour mener à bien cette transformation ?

Nous n’utiliserons jamais la justice et nous n’aurons pas de prisonniers politiques.

Je crois à la loi de l’exemple. Il faut changer le pays — la justice, l’économie — sinon totalement, du moins suffisamment pour sortir progressivement du bourbier dans lequel le MAS a enfoncé la Bolivie.

Rétablirez-vous les relations avec les États-Unis de Donald Trump ? 

Nous aurons des relations avec tous les pays qui nous respectent et veulent notre amitié, comme l’avait toujours préconisé la politique étrangère bolivienne jusqu’en 2006.

Quelles seront les relations avec des pays comme Cuba ou le Venezuela ?

Si je suis élu président, Cuba et le Venezuela devront cesser de s’ingérer dans nos affaires intérieures, sans quoi nous ne les considérerons plus comme des amis ou des alliés.

Notre position est très claire : ces deux pays, ainsi que le Nicaragua, sont des dictatures militaires déguisées en démocraties — et les démocrates du monde entier doivent le dénoncer.