Changer de régime ou de géographie ? Comment des faucons israéliens projettent le grand partage de l’Iran
Dans son éditorial du 18 juin, le quotidien conservateur The Jerusalem Post appelle Trump à former une coalition au Moyen-Orient pour organiser la partition de l’Iran.
Si elle ne reflète pas la position officielle du gouvernement ni de l’establishment israélien, cette publication, remarquée aux États-Unis, signale la désinhibition stratégique d’une partie des faucons en Israël, confortés par les succès tactiques d’Am Kalavi : aucune option ne saurait désormais être écartée.
- Auteur
- Le Grand Continent •
- Image
- © Berno/SIPA

Depuis le lancement de l’opération Am Kalavi et ses premier succès tactiques, la question des buts de guerre d’Israël est au centre des commentaires et des débats. Dans les milieux stratégiques israéliens, elle peut se résumer à une interrogation : jusqu’au est-il souhaitable et possible d’aller ?
Si le Premier ministre Benjamin a pris pour prétexte le risque annoncé de l’imminence du saut technologique permettant à l’Iran de se doter de la bombe nucléaire, il a surtout, depuis vendredi, multiplié les déclarations à destination des Iraniens appelant au regime change en espérant susciter une révolte de la population.
Dans un éditorial particulièrement virulent paru le 18 juin 2025, le quotidien anglophone The Jerusalem Post appelle les États-Unis à une intervention directe pour « finir le travail ». Concurrent du grand quotidien aussi en langue anglaise de centre gauche Haaretz, il est notamment lu par la communauté juive républicaine aux États-Unis.
En s’adressant au président américain, l’éditorial développe un plan en six points à destination des États-Unis qui aboutissent à une conclusion explicite : Trump devrait encourager la partition de l’Iran.
Quel poids accorder à cette proposition ?
S’il s’agit ici de l’éditorial d’un journal et non d’une déclaration officielle, elle donne un indice sur ce que serait une position maximaliste, inenvisageable il y a peu : après les nombreuses victoires d’Israël contre « l’Axe de la Résistance », un « rêve faucon » peut désormais être formulé.
Dans le texte, il prend la forme d’un appel à mobiliser les minorités pour semer le chaos à l’intérieur du pays et susciter la sécession. S’il est en effet difficile d’imaginer un renversement du régime sous le seul effet de frappes de décapitation, les relais locaux sont des clefs dans les dispositifs de changement de régime menés depuis l’extérieur.
Alors que Netanyahou a fait plusieurs fois référence à sa volonté de voir le peuple iranien se soulever contre le régime et que certains responsables israéliens, comme le ministre de la diaspora Amichai Chikli, se sont affichés aux côtés de la monarchie Pahlavi, la possibilité de jouer sur les minorités à la recherche d’une plus grande autonomie comme les Kurdes et les Baloutches est ici clairement évoquée. Dans la journée du 18 juin, des vidéos faisaient état du fait que la télévision publique iranienne aurait été piratée pour diffuser en boucle des appels au soulèvement 1.
Toutefois, les plus hauts responsables politiques ainsi que l’armée et la communauté stratégique israélienne restent pour l’instant extrêmement discrets sur la thématique du changement de régime.
Cette attitude de relatif retrait pourrait changer en fonction de la décision attendue du Président des États-Unis.
Vendredi à l’aube, des F-35 israéliens ont décollé en vrombissant de Nevatim, traversant l’espace aérien hostile pour se diriger vers le cœur nucléaire de l’Iran.
Au lever du soleil, les salles d’enrichissement nucléaire de Natanz étaient en ruines et les bunkers de missiles du Corps des gardiens de la révolution islamique autour de Kermanshah et Bid Kaneh fumaient encore.
L’usine d’enrichissement de Natanz a été touchée dès les premières vagues de bombardements israéliens. L’AIEA, qui avait initialement indiqué que les frappes n’avaient atteint que la partie aérienne de l’usine, a par la suite révisé son évaluation et confirmé que des impacts directs avaient vraisemblablement sérieusement endommagé « voire détruit » 2 les salles d’enrichissement souterraines.
En plus des sites nucléaires, Tsahal a annoncé le 17 juin, avoir détruit « environ la moitié » des rampes de lancement de missiles balistiques iraniens, ce qui représenterait, selon l’armée israélienne, plus de 200 lanceurs.
Pourtant, dans son sanctuaire de Téhéran, l’ayatollah Ali Khamenei restait imperturbable, sa détermination aussi froide que la nuit du désert.
Le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, a prononcé un discours retransmis à la télévision iranienne à 17:28, heure de Téhéran, mercredi 18 juin, en opposant un refus catégorique à l’appel de Donald Trump à une « capitulation sans conditions » de l’Iran et en se disant convaincu que « le peuple iranien se tient fermement face à une guerre imposée, tout comme il se tiendra fermement face à une paix imposée ; et cette nation ne se soumettra à personne face à toute forme d’imposition. »
Dans un profond déni de réalité, l’ayatollah cherche à réactiver l’une des sources profondes de la propagande du régime iranien : la martyrologie chiite.
Alors même que les avions israéliens rentraient au pays, le Guide suprême réitérait sa promesse d’anéantir Israël et son principal soutien, les États-Unis d’Amérique.
Voici quelques-unes de ses déclarations effrayantes :
« Israël est une tumeur maligne, un cancer dans la région qui doit être extirpé et éradiqué. »
« Les sionistes agissent comme les chiens de garde de l’arrogance mondiale. Leur nature est d’aboyer et de mordre. »
« La tumeur cancéreuse appelée Israël doit être éradiquée de la région. »
« La mission de la République islamique est de rayer Israël de la carte. »
« S’ils commettent la moindre erreur, [nous] réduirons Tel-Aviv et Haïfa en poussière. »
« Par la grâce d’Allah, dans 25 ans, il ne restera plus rien du régime sioniste dans notre région. »
« Le virus sioniste qui sévit depuis des années sera bientôt éliminé. »
« Mort à Israël. »
Khamenei déteste également les États-Unis — peut-être d’ailleurs même plus qu’Israël :
« Mort à l’Amérique… c’est comme dire : « Je cherche refuge auprès de Dieu contre Satan le maudit »… afin que le croyant n’oublie jamais que Satan est toujours prêt à attaquer et à détruire son bouclier spirituel. »
« La mort de l’Amérique signifie la mort des politiques américaines et la mort de l’arrogance. »
« La mort de l’Amérique n’est pas seulement un slogan, c’est une politique. »
« L’Amérique est le grand Satan. Cette description est vraiment excellente. »
« L’hostilité des États-Unis et d’Israël a toujours existé… s’ils commettent le moindre méfait, ils recevront certainement un coup en retour. »
Il ne s’agit pas là de piques lancées à la légère, mais de menaces stratégiques.
Elles sont calculées pour rallier les partisans de la ligne dure dans le pays et intimider les adversaires à l’étranger.
Dans la vision du monde de Khamenei, Israël et l’Amérique sont les deux incarnations de « l’arrogance mondiale » et de « l’agression sioniste » : des cancers, des chiens, des virus et des ennemis sataniques qui doivent être éliminés.
Khamenei a déclaré mercredi 18 juin que Téhéran « ne se rendrait pas ». La veille, dans une série de messages publiés sur son réseau Truth Social, le président américain avait exigé la « capitulation sans condition » de l’Iran et adressé un avertissement direct à Khamenei : « Nous savons exactement où se cache le soi-disant ‘Guide suprême’. Il serait une cible facile, mais il est en sécurité là où il est — nous ne comptons pas l’éliminer (le tuer !) du moins, pas pour l’instant ».
En réponse à une possible intervention armée américaine en Iran, le Guide suprême a déclaré que « toute intervention militaire [américaine] causerait sans aucun doute un préjudice irréparable » aux Américains.
Monsieur le Président américain Donald Trump, il est temps de joindre le geste à la parole :
1 — Adoptez le changement de régime comme politique.
Les dirigeants iraniens ont montré à maintes reprises que leur idéologie est imperméable à la dissuasion ; les frappes militaires ne font qu’alimenter leur propagande.
Vous devriez déclarer publiquement que la République islamique dirigée par l’ayatollah Khamenei est un régime hors-la-loi et que son renversement est un objectif stratégique des États-Unis.
2 — Renforcez la guerre économique pour qu’elle soit d’une précision chirurgicale.
Les sanctions existantes doivent être intensifiées pour cibler toutes les sources de revenus qui soutiennent le régime. Gelez tous les avoirs liés au Corps des Gardiens de la révolution et à sa Force Qods, sanctionnez la Banque centrale de la République islamique d’Iran et imposez des sanctions secondaires aux banques et entreprises étrangères qui traitent avec Téhéran.
3 — Intensifiez les opérations secrètes en Iran.
Si Téhéran veut la violence, qu’il la retrouve chez lui.
Étendez les cyberattaques pour désactiver les réseaux de commandement et de contrôle du Corps des Gardiens de la révolution, perturbez les systèmes de guidage des missiles et interférez avec les logiciels de contrôle nucléaire.
4 — Désignez les Gardiens comme organisation terroriste étrangère et poursuivez sans relâche ses réseaux mondiaux.
Obligez les banques du monde entier à choisir entre traiter les transactions en dollars et faciliter le blanchiment d’argent par le Corps des Gardiens.
5 — Affichez une préparation militaire écrasante.
Envoyez des groupes aéronavals américains dans le golfe Persique, prépositionnez des destroyers Aegis dans la mer d’Oman et déployez des bombardiers à longue portée pour dissuader toute riposte iranienne.
Les États-Unis disposent de plusieurs moyens militaires actuellement en cours de déploiement dans la région susceptibles d’apporter un soutien à Israël, aussi bien défensif qu’offensif. Il s’agit notamment des porte-avions Nimitz et Carl Vinson et de leurs escortes.
28 avions ravitailleurs ont par ailleurs quitté les États-Unis dimanche 15 juin.
6 — Formez une coalition au Moyen-Orient pour la partition de l’Iran.
Encouragez les plans à long terme visant à fédérer ou à partitionner l’Iran, en reconnaissant que le régime théocratique de Khamenei ne peut être réformé. Offrez des garanties de sécurité aux régions minoritaires sunnites, kurdes et baloutches désireuses de faire sécession.
Le 17 juin, une journaliste du média israélien i24News a cité une source anonyme au Kurdistan iranien affirmant que les Kurdes d’Iran se tenaient prêt à prendre les armes les armes si une « ligne de communication fiable » était établie avec l’IDF 3.
La rhétorique génocidaire de Khamenei exige une réponse radicale. Des sanctions timides et des frappes aériennes occasionnelles ne feront qu’encourager les partisans de la ligne dure à Téhéran et prolonger la durée de vie du régime.
Monsieur le Président, cette théocratie extrême doit tomber. Faites de sa destruction une politique aussi explicite que la défaite de l’Allemagne nazie ou de l’Irak de Saddam Hussein.
Mobilisez tous les moyens dont dispose l’Amérique, qu’ils soient diplomatiques, économiques, secrets ou militaires, pour démanteler le régime de l’ayatollah Khamenei avant qu’il ne puisse réaliser son vœu de rayer Israël et l’Amérique de la carte. Ce n’est qu’alors que la région pourra respirer librement, loin de la tyrannie et de la terreur, et que le cancer de la théocratie radicale sera éradiqué une fois pour toutes.
Sources
- Voir sur X.
- David Gritten, « Centrifuges at Iran’s Natanz site likely destroyed, nuclear watchdog says », BBC, 16 juin 2025.
- Voir le post de Laura Cellier sur X.