Avec le Grand Continent nous suivons de près de près l’élection roumaine — l’une des plus importantes de ce premier semestre — avec des enquêtes, des profils (dont notamment ceux des deux candidats au second tour George Simion et Nicușor Dan) et des analyses à chaud. Pour recevoir l’essentiel de nos publications ou pour soutenir notre travail vous pouvez vous abonner à la revue
Points clefs
- Le candidat d’extrême droite dispose d’une base électorale non seulement plus nombreuse, mais aussi plus homogène que son concurrent centriste.
- Le 4 mai, Simion l’a emporté de très loin dans des zones rurales peu peuplées mais aussi dans les zones périurbaines et urbaines et dans la diaspora.
- Les résultats à l’échelle communale suggèrent que les transferts de voix éventuels ayant eu lieu entre décembre 2024 et mai 2025 ont principalement favorisé l’option nationaliste portée par Simion.
- Pour l’emporter, Dan devra convaincre les électeurs de la plate-forme populiste de l’ancien premier ministre Victor Ponta, qui a refusé de donner une consigne de vote, ou susciter une hypothétique remobilisation de son électorat.
- S’il est élu, George Simion a promis de tout faire pour nommer Călin Georgescu premier ministre, menaçant de dissoudre le parlement s’il n’y parvenait pas.
Dimanche 4 mai, le candidat nationaliste George Simion a remporté très largement le premier tour de l’élection présidentielle roumaine, obtenant 41 % des voix. Arrivé second, le maire de Bucarest Nicușor Dan, figure du mouvement libéral et anti-corruption, n’a convaincu que 21 % des votants.
La classe politique roumaine, largement décrédibilisée, apparaît aujourd’hui à bout de souffle ; l’électorat, peu mobilisé, semble de plus en plus tenté par une ligne dure.
Dans ce contexte qui incite au pessimisme, la capacité de Nicușor Dan à renverser la vapeur pose question.
Le profil du candidat et co-fondateur de l’Union Sauvez la Roumanie (USR) détonne : vainqueur de deux médailles d’or aux Olympiades internationales de mathématiques avant son baccalauréat, détenteur d’un doctorat de l’Université Paris-XIII, l’ancien enseignant est populaire dans sa ville de Bucarest mais peine à convaincre en-dehors des secteurs éduqués et urbains de la population. Comme en Bulgarie voisine, les mouvements centristes nés de la contestation d’une classe politique critiquée pour son clientélisme ont enregistré un succès certain. Mais en conflit à la fois avec l’establishment centriste, pro-européen mais dont ils critiquent la mainmise sur l’État, et avec un nationalisme anti-occidental de plus en plus puissant, l’USR est confrontée à un environnement politique dans lequel il est de plus en plus difficile de naviguer.
Son adversaire, George Simion, est lui aussi le fondateur de son parti politique, l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR). Tête de file d’un néo-nationalisme qui s’est d’abord fait connaître par ses revendications d’union de la République de Moldavie à la Roumanie ― mais sans jamais réussir à s’imposer dans le paysage politique moldave ―, Simion a bâti sa popularité sur une communication digitale offensive.
Construit sur un nationalisme ethno-linguistique, orthodoxe et anti-système, le parti occupe cependant une position inhabituelle au sein de l’extrême droite européenne : en conflit avec le Fidesz du fait de ses positions anti-magyares, dernièrement plutôt critique du Kremlin malgré son refus de l’aide à l’Ukraine, Simion a d’abord tenté de se rapprocher de Giorgia Meloni puis, de manière plus spectaculairement, de Donald Trump, avec des résultats difficiles à mesurer.
Mais c’est d’abord l’issue inédite du scrutin présidentiel de décembre 2024, depuis annulé, qui fait aujourd’hui de George Simion le favori dans la course pour le palais Cotroceni.
Vainqueur inattendu du premier tour de ce scrutin, Călin Georgescu avait mené une campagne éclair sur TikTok, recevant 23 % des suffrages au jour du vote alors qu’il n’avait pas même été testé par la plupart des instituts sondages. Sa plate-forme anti-occidentale, anti-LGBT et traditionnaliste avait attiré une part importante d’un électorat plutôt rural et jeune, rejetant radicalement la classe politique en place.
Derrière lui, Elena Lasconi (USR) avait remporté de justesse la deuxième place avec moins de 3 000 voix d’avance sur le candidat du Parti social-démocrate (PSD), formation historique du centre-gauche post-communiste 1.
George Simion n’apparaissait alors pour sa part qu’en quatrième place, avec seulement 14 % des voix.
Mais l’annulation du premier tour par la Cour constitutionnelle, qui reprochait à Georgescu son manque de transparence dans le financement de sa campagne — le candidat avait déclaré un budget nul — et des allégations d’interférences russes, a ouvert une crise institutionnelle unique de l’Europe contemporaine. L’annulation a fait l’objet d’un rapport prudemment critique de la Commission de Venise 2, qui a notamment jugé problématique le rôle de la Cour constitutionnelle. Après que la décision d’une nouvelle élection en mai eut été prise, le Bureau électoral central a jugé non-recevable la nouvelle candidature de Georgescu, arguant qu’il avait « enfreint l’obligation de défendre la démocratie » en menant une campagne irrégulière lors du scrutin précédent 3.
Cette décision elle aussi sans précédent a fait de George Simion la principale tête de file du camp dit « souverainiste » dans la campagne électorale à venir.
La victoire écrasante de George Simion le 4 mai
Au soir du 4 mai, il apparaissait très peu probable que George Simion fît moins bien que Călin Georgescu, qui l’avait déjà emporté de 4 points lors du précédent scrutin : les deux candidats d’extrême droite avaient cumulé environ 37 % des voix lors du premier tour de décembre 2024.
Lors des semaines précédant le vote, les enquêtes d’opinion donnaient le leader d’AUR entre 27 et 36 % des voix. Simion a finalement dépassé toutes les attentes, obtenant près de 41 % dans les urnes et prenant la première place dans 68 % des municipalités du pays.
Arrivé second avec presque 21 % des voix, Nicușor Dan a certes dépassé à nouveau le candidat unique présenté par le PSD et le Parti national-libéral (PNL) de centre-droit, Crin Antonescu. Mais il ne l’a emporté que dans 90 municipalités — soit moins de 3 % du total, presque exclusivement dans les centres urbains. Signe du rôle majeur du clivage territorial dans ce vote, les 3 % de municipalités où Dan l’a emporté représentent 35 % de la population du pays, et les 68 % où Simion est arrivé en tête, seulement 49 %.
Les résultats du scrutin permettent de distinguer trois types de communes : les grands centres urbains, où Dan l’emporte mais où Simion dépasse presque toujours les 20 % des voix ; les zones rurales, où Simion est ultra-dominant voire majoritaire et où le vote pour Dan s’établit entre 5 et 10 % des voix, parfois même en-deçà de 5 % ; enfin les zones peuplées majoritairement par la majorité magyarophone de Roumanie, qui sont les seules où Simion et Dan obtiennent tous deux des scores très faibles.
Le parti magyar UDMR, dont les électeurs sont réputés suivre de manière très fiable les consignes de vote, soutenait dans ce scrutin la candidature de Crin Antonescu.
Le candidat d’extrême droite dispose donc d’une base électorale non seulement plus nombreuse, mais aussi plus homogène que son concurrent centriste : s’il l’emporte de très loin dans des zones rurales peu peuplées, c’est surtout sa capacité à engranger une part de voix relativement importante dans les zones périurbaines et urbaines qui lui a permis de dépasser les 40 % des voix, le plaçant en ballotage très favorable.
Dans la diaspora roumaine, qui constituait environ 10 % des votants au premier tour, le résultat a également été très favorable au candidat nationaliste, qui a recueilli 61 % des voix contre 26 % à Nicușor Dan et seulement 14 % à tous les autres candidats réunis.
Dan l’a certes emporté dans la plupart des grandes capitales européennes, à la population plus éduquée et aisée, dont Paris, Zurich, Amsterdam, Luxembourg ou Barcelone, mais aussi en Moldavie. C’est grâce à ces voix que Dan a pu dépasser Antonescu et se qualifier pour le second tour.
Mais cela n’a pas empêché George Simion, comme Călin Georgescu en décembre dernier, de s’imposer presque partout ailleurs, particulièrement en Italie, en Belgique, en Autriche, en Espagne et en Allemagne ― y compris, cette fois, à Berlin, où la candidate libérale Elena Lasconi était encore arrivée en tête en décembre.
Si le rejet de la classe politique traditionnelle a bénéficié aux deux candidats au premier tour, elle a davantage profité au candidat d’extrême droite qu’à son concurrent libéral.
Des transferts favorables à George Simion
Pour évaluer la probabilité d’un retournement de tendance au second tour, il est utile de comparer les résultats du scrutin du dimanche 4 mai à ceux de ceux du premier tour annulé du 8 décembre.
Le premier constat est celui d’une participation extrêmement stable dans tous les milieux : à l’exception d’une hausse de 150 000 votants dans la diaspora, les écarts de participation sont minimes lorsque l’on agrège séparément l’ensemble des zones urbaines, périurbaines et rurales. La participation totale, qui s’élevait à 52,6 % des voix en décembre, est désormais de 53,2 % ― un score faible pour une élection de premier plan, a fortiori dans un moment de crise institutionnelle historique.
S’il n’est pas formellement à exclure que les différents électorats se soient mobilisés de manière différenciée entre les deux scrutins, la situation politique et institutionnelle n’a pas produit de mouvement de remobilisation d’ampleur, hormis peut-être dans la diaspora.
Dans la diaspora, les candidats centristes pro-européens — dont Dan et Antonescu — ont obtenu environ 50 000 voix supplémentaires par rapport au scrutin de décembre 2024. Dans le même temps, ce sont 145 000 voix qui ont été engrangées par Simion en comparaison du score cumulé des candidats « souverainistes » lors du précédent scrutin.
La seule mobilisation significative de ce scrutin a donc principalement profité au candidat nationaliste.
Dans les communes rurales et périurbaines, tant le centre-droit que la droite radicale ont progressé. Dans ces mêmes communes, l’ex-premier ministre du PSD Victor Ponta, qui faisait campagne sur une plateforme ouvertement trumpienne (« La Roumanie d’abord »), a obtenu une part des voix variant entre la moitié (rural) et les trois-quarts (périurbain) du score du candidat officiel du PSD lors du scrutin précédent, Marcel Ciolacu, également premier ministre sortant. Le PSD s’était, cette fois, rangé derrière la candidature commune du membre du PNL Crin Antonescu.
Une fois encore, seules les communes urbaines font exception : les « souverainistes » y reculent très légèrement, tandis que le centre-droit obtient des gains d’environ 180 000 voix et que Victor Ponta engrange un nombre de voix égal à environ 80 % du score de Ciolacu au scrutin précédent.
De manière générale, si l’on considère les communes une à une, davantage de voix se sont portées sur Simion le 4 mai que sur le Georgescu le 8 décembre, alors même que la participation restait remarquablement stable. Ainsi, les résultats à l’échelle communale suggèrent que les transferts de voix éventuels ayant eu lieu entre décembre 2024 et mai 2025 ont principalement favorisé l’option nationaliste portée par Simion.
Dans la mesure où les candidatures libérale et d’AUR s’opposent frontalement, au plan programmatique comme sociologique, dans l’espace politique roumain (même si elles se retrouvent sur certains points de discours anti-establishment), les transferts de voix les plus probable concernent les électeurs du PSD et du PNL. Ces transferts de voix pourraient provenir soit du passage d’électeurs PSD ou PNL vers le candidat nationaliste, soit de la mobilisation, dans les zones de force du PSD ou PNL, d’une partie des anciens abstentionnistes en faveur de ce candidat. Ces deux interprétations sont indistinguables au niveau des communes ; dans les deux cas, le résultat observé est le même : on remarque une corrélation positive entre vote PSD ou PNL et augmentation de la part de voix de Simion.
Les données supportent une telle hypothèse, même si manquent pour les confirmer des enquêtes « jour de vote » précises interrogeant les électeurs sur leur choix lors des deux scrutins.
On observe en effet une corrélation positive entre le vote Ciolacu (PSD) ou Ciucă (PNL) et la croissance du vote souverainiste entre décembre 2024 et mai 2025.
Un modèle linéaire à deux variables suggère des taux de transferts de 20 à 30 % des deux partis centristes vers Simion ― des estimations qu’il convient cependant accueillir avec une grande prudence au vu de l’absence de sondages précis.
Quant au vote pour Ponta, arrivé en quatrième position, il suit assez précisément le profil du vote Ciolacu (PSD) dans les communes urbaines et périurbaines, mais pas dans les zones rurales, où les communes les plus favorables au PSD montrent une forme de plafonnement du vote PSD autour de 15 %. La candidature de Ponta, figure controversée que Politico qualifiait jadis d’« opportuniste agressif » 4, pourrait au regard de ces données avoir convaincu certains déçus du PSD partisans d’une approche plus provocatrice, sans réussir à s’imposer dans les milieux ruraux très structurés par les élus locaux du parti.
Une victoire impossible ?
L’étude des transferts de voix entre les « deux premiers tours » de décembre 2024 et mai 2025 a montré que la porosité entre les électorats, si elle existe, est probablement en faveur de la droite nationaliste roumaine. La seule hausse de mobilisation, celle de la diaspora, a manifestement profité à la candidature de George Simion ; ailleurs, malgré une crise inédite, aucun sursaut n’est venu conforter les candidats du centre. Pire encore pour le candidat libéral : les gains relativement modestes enregistrés par Simion par rapport aux candidatures « souverainistes » de décembre semblent avoir résulté d’une érosion de l’électorat PSD et PNL traditionnel en faveur d’une droite dure.
Cette érosion s’accompagne aujourd’hui d’un discours d’équidistance de la part de certaines figures de premier plan de l’establishment politique roumain. Le PSD, en particulier, a refusé d’émettre une consigne de vote, appelant ses soutiens à voter « en leur âme et conscience » 5, suscitant des spéculations sur une possible réorientation stratégique. Naguère critiqué pour ses attaques contre l’état de droit et son euroscepticisme entre 2017 et 2019, période qui l’avait vu se rapprocher du Fidesz et du PiS, le PSD pourrait être tenté de s’associer aux nationalistes pour préserver son influence politique. La direction du PNL a certes adopté une approche plus claire, soutenant ouvertement Nicușor Dan. Le parti, dont le profil pro-européen est plus net que celui du PSD, est sans doute le plus proche idéologiquement des positions de Dan. Pour autant, son candidat battu, Crin Antonescu, a eu des mots durs contre les deux candidats, écrivant sur Facebook le 11 mai que « deux sectes déchaînées ont occupé la Roumanie électorale et mènent une bataille apocalyptique » 6. Même au sein de son propre camp, Dan pourrait être fragilisé par le désordre causé par la candidature parallèle d’Elena Lasconi, ex-présidente de l’USR qui, arrivée deuxième le 8 décembre mais ayant perdu le soutien de son propre camp, avait toutefois décidé de se maintenir le 4 mai.
Dans l’hypothèse d’une participation stable, les scores de Dan (21 %), Antonescu (20 %) et Lasconi (3 %) au premier tour sont insuffisants pour réunir une majorité des votants. Mais ce cumul paraît même par trop optimiste : au vu de l’évolution des parts de voix entre décembre et mai, on peut anticiper qu’une partie des électeurs d’Antonescu (qu’ils soient plus proches du PNL ou du PSD) se tournent plus volontiers vers Simion que vers son concurrent libéral, particulièrement en zone rurale où Dan est très peu populaire. Les seules zones rurales où Dan devrait l’emporter nettement est celle peuplée par la minorité magyare : l’UDMR, inquiète des positions anti-hongroises de Simion, a donné une consigne de vote claire en faveur de la candidature de Dan.
Pour espérer encore l’emporter, Nicușor Dan devra remplir au moins l’une des deux conditions suivantes, et de préférence les deux : soit réussir à attirer à lui une proportion significative de l’électorat de Victor Ponta (13 %), soit créer en sa faveur un mouvement de mobilisation qui, à ce stade, ne semble plausible que dans les zones urbaines et périurbaines. Or Ponta, qui partage avec Simion une ligne nationaliste, populiste et pro-Trump, semble avoir bien davantage de proximités idéologiques avec le candidat d’AUR, même si une certaine modération dans ses positions politiques le rapprochait historiquement du centre. L’ancien premier ministre a annoncé mercredi 7 qu’il avait demandé aux deux candidats de révéler leurs premières mesures et les principales figures de leur futur gouvernement sur le plan économique, suite à quoi il annoncerait sa position vis-à-vis du second tour à venir 7. Le 10 mai, il a cependant indiqué qu’il avait renoncé à donner une consigne de vote 8, critiquant les deux candidats et laissant ses électeurs dans le flou.
Ponta a reproché à Simion d’avoir « insulté ses électeurs » par son attitude et les commentaires de son camp à son égard, ce qui pourrait tendre à favoriser l’option d’un report vers Dan.
Le scénario d’un sursaut de participation n’est pas impossible, mais il tient pour le moment de l’hypothétique : un sondage du 5 mai voyait Simion en avance de 9 points 9, tandis que ceux réalisés avant le premier tour donnaient, comme souvent ces derniers mois, des résultats contradictoires. Une enquête AtlasIntel pour Hotnews publiée mardi 13 mai 10 suggère une course très serrée entre les deux hommes, qui obtiendraient chacun 48 % des voix (marge d’erreur : 2 points), pour environ 3 % d’indécis. Ce sondage suggère un report important des électeurs d’Antonescu (91 %) et Ponta (69 %) vers Dan, qui pourrait cependant être biaisé par une sous-déclaration des reports vers Simion — au premier tour, AtlasIntel avait sous-estimé le vote Simion de 7 points. Paru presque simultanément, un sondage CURS pour la télévision publique roumaine 11 donne Simion vainqueur à 52 % (marge d’erreur : 1,8 points), avec des reports égaux des électeurs de Ponta vers Simion et Dan. Ce second sondage, contrairement au premier, ne prend pas en compte le vote de la diaspora.
À ce stade, en l’absence de dynamique claire visant à prolonger le timide « cordon sanitaire » existant depuis la montée en puissance d’AUR, les principaux mécanismes de mobilisation à l’œuvre depuis l’automne 2024 semblent plutôt en faveur du camp « souverainiste ».
Des manifestations pro-européennes ont certes eu lieu pendant l’entre-deux-tours, notamment à Bucarest, mais leur capacité à affecter le résultat du scrutin en dehors des centres urbains est peu claire. Le néo-nationalisme roumain, pour sa part, a su agréger les mécontentements économiques et sociaux tout en mobilisant efficacement autour du rejet de la candidature de Călin Georgescu, entretenant le récit d’une élection volée qu’il appartiendrait au « vrai peuple » de gagner à nouveau.
Les conséquences d’une victoire de Simion
Le président de la Roumanie, membre du Conseil européen, désigne un candidat au poste de premier ministre, qui doit ensuite obtenir la confiance du parlement. Il est commandant en chef des forces armées et peut dissoudre le parlement.
En cas d’élection de George Simion à ce poste, les conséquences sur chacun de ces points seraient considérables, avec des répercussions nationales comme européennes. Lors des débats d’entre-deux-tours, Simion a ainsi entretenu l’ambiguïté sur la possibilité d’opposer son veto à l’aide à l’Ukraine, se présentant en défenseur exclusif des intérêts nationaux roumains.
Si la volonté d’un retrait de l’Union est explicitement exclue, l’élection de Simion pourrait créer un élément de déstabilisation supplémentaire sur le flanc est de l’OTAN et de l’Union et fournir à l’administration Trump un nouveau relais. Mais à court terme, c’est au plan intérieur que la plus grande instabilité est attendue : Simion a promis de tout faire pour nommer Călin Georgescu premier ministre, menaçant de dissoudre le parlement s’il n’y parvenait pas 12.
Les partis de droite nationaliste disposent de 109 sièges sur les 330 de la Chambre des députés. Un soutien d’une partie des 86 députés du PSD ― éventuellement au prix d’un schisme ― semble à ce stade le seul moyen crédible pour George Simion de tenter de réunir une majorité derrière lui. Dans ce contexte institutionnel, les tergiversations du chef du PSD Marcel Ciolacu et l’ex-PSD Victor Ponta prennent une coloration claire : celle de la préparation à une victoire probable de Simion. L’issue du premier tour a fait plonger brutalement le cours du leu roumain, même si les pertes restent encore limitées (3 % face à l’euro), et augmenter dans le même temps le coût des obligations d’État.
La Roumanie, qui a le déficit budgétaire le plus important de l’Union et souffre d’une croissance en berne, pourrait faire face à un classement de sa dette publique en catégorie « spéculative » en cas de crise prolongée. Dans ce scénario, l’instabilité pourrait provoquer d’après les analystes de JPMorgan une dévaluation beaucoup plus importante et accroîtrait le risque de crise de la dette dans le pays 13.
Si Nicușor Dan réussissait malgré tout à renverser la barre, il serait le premier candidat à une fonction présidentielle d’un État démocratique à rattraper un retard de presque 20 % au premier tour depuis Mário Soares en 1986 14.
Mais le contexte du Portugal d’alors était bien différent : derrière le social-démocrate Soares, deux candidats de gauche radicale se partageaient presque 30 % des voix…
Sources
- Le PSD présente une idéologie qui n’est pas comparable à celle des partis sociaux-démocrates d’Europe de l’Ouest, alliant conservatisme social, pro-européanisme modéré et interventionnisme économique.
- Commission de Venise, Urgent Report on the cancellation of election results by Constitutional Courts, 18 mars 2025.
- DOCUMENT Cum motivează Biroul Electoral Central respingerea candidaturii lui Călin Georgescu. „Candidatul a încălcat obligația de a apăra democrația”, HotNews.
- Andrew Gardner, « Aggressive opportunist », Politico, 17 octobre 2012.
- « Partidele care au anunțat că-l vor susține pe Nicușor Dan în turul al doilea al alegerilor prezidențiale. Ce a decis PSD », Digi24.
- « Crin Antonescu vorbește despre „Ayatollahul Georgescu” și „salvatorul de meserie” : „Bătălia apocaliptică a două secte dezlănțuite” », Digi24.
- « Ce condiții le pune Victor Ponta lui Nicușor Dan și lui George Simion pentru a-i sprijini în turul doi », Digi24.
- « Victor Ponta explică de ce nu a mai anunțat cu cine votează în turul doi al alegerilor prezidențiale : „Simion mi-a înjurat alegătorii. Nu vreau să fie președinte cu mâna mea” », HotNews.
- SONDAJ DE OPINIE, HotNews.
- « EXCLUSIV. Primul mare sondaj pentru turul doi al alegerilor prezidențiale din 18 mai 2025. Luptă extrem de strânsă între George Simion și Nicușor Dan. Ce se întâmplă cu electoratul lui Crin Antonescu și Victor Ponta », HotNews.
- « Noul sondaj CURS : George Simion – 52 %, Nicușor Dan – 48 % înaintea turului doi al alegerilor prezidențiale », TVR Info.
- « George Simion nu exclude alegerile anticipate dacă Georgescu nu este acceptat de Parlament ca premier. Ce spune Constituția », Știrile ProTV.
- Gergely Szakacs et Marc Jones, « S&P Global raises fears of Romania rating cut to junk category », Reuters, 9 mai 2025.
- Gianluca Passarelli et Matthew Bergman, « Runoff Comebacks in Comparative Perspective : Two-Round Presidential Election Systems », Political Studies Review, 2022.