Hier, dimanche 11 mai, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accepté la proposition de Vladimir Poutine de se rencontrer jeudi 15 mai en personne à Istanbul, en Turquie, afin de « reprendre » les négociations de paix abandonnées en mai 2022 1. La veille, Kiev, avec le soutien des principales puissances européennes et des États-Unis, posait un ultimatum à Poutine : ordonner à ses troupes de respecter un cessez-le-feu dès aujourd’hui, lundi 12 mai, ou faire face à des sanctions supplémentaires.

Le président russe a de facto refusé la proposition ukrainienne de cessez-le-feu.

  • Au cours de la nuit, l’armée russe a frappé l’Ukraine avec plus d’une centaine de drones. Dans la matinée, des infrastructures civiles ont été endommagées par des attaques russes à Bilhorod-Dnistrovskyï, dans la région d’Odessa, provoquant plusieurs blessés civils 2.
  • Vraisemblablement en réaction au non-respect du cessez-le-feu par Poutine, le Royaume-Uni a annoncé que de nouvelles sanctions allaient être dévoilées dès aujourd’hui, lundi 12 mai, lors d’un sommet à Londres réunissant les pays du groupe dit « Weimar+ » 3.
  • Dans un entretien publié aujourd’hui, le directeur de cabinet du président ukrainien, Andriy Yermak, a déclaré que de nouvelles sanctions américaines « seront appliquées immédiatement lorsqu’il deviendra clairement évident que la Russie a définitivement rejeté toute proposition de cessez-le-feu » 4.

Il est à cette heure incertain que la rencontre entre Zelensky et Poutine à Istanbul ait lieu jeudi 15 mai. Les soutiens européens de l’Ukraine — principalement la France, le Royaume-Uni, la Pologne et l’Allemagne — insistent sur la nécessité d’instaurer un cessez-le-feu total avant d’entamer des négociations de paix et la Maison Blanche avait été convaincue de cette approche samedi. Mais hier, dimanche 11 mai, Donald Trump a très vite répondu favorablement à la proposition de Poutine, déclarant dans un message sur Truth Social : « Organisez cette réunion, immédiatement ! » tout en admettant que la Russie n’allait pas respecter le cessez-le-feu. 

  • Les deux camps s’affrontent également pour influencer la perception qu’a le président américain de leurs pays respectifs, ainsi que sur la question de savoir lequel est, selon lui, responsable de la prolongation du conflit.

Tandis qu’elle temporise, la partie russe a d’ores et déjà fait savoir qu’une reprise des négociations de paix devrait « prendre en compte les résultats des négociations interrompues en 2022 et de la situation sur le terrain » 5. Ces déclarations du conseiller de Poutine Iouri Ouchakov suggèrent que Moscou entend maintenir ses demandes maximalistes et ne souhaite pas parvenir à un accord de paix immédiatement.

  • Ouchakov fait ici référence au deuxième cycle de réunions qui a eu lieu dans les premières semaines ayant suivi le lancement de l’invasion à grande échelle de février 2022. Après une première série de rencontres entre négociateurs russes et ukrainiens à Homiel, au Bélarus, les négociations se sont poursuivies en Turquie avant de prendre fin en mai 2022.
  • Ces rencontres ont produit un document intitulé le « Communiqué d’Istanbul », également appelé dans certaines versions rendues publiques le « Traité sur la neutralité permanente et les garanties de sécurité pour l’Ukraine ». Aucun accord contraignant n’a toutefois été signé à l’issue de ces séries de négociations.
  • Si les deux parties semblaient prêtes à faire d’importantes concessions, les discussions avaient lieu en Turquie alors que les combats continuaient de faire rage en Ukraine. Après la découverte du massacre de Boutcha le 1er avril 2022, les négociations se sont enlisées avant de prendre fin un mois plus tard.

Le Communiqué d’Istanbul est largement perçu comme étant à l’avantage de la Russie, qui offrirait peu de concessions.

  • Selon le document, l’Ukraine serait transformée en un État neutre dont la Constitution l’interdirait de rejoindre toute alliance militaire, notamment l’OTAN.
  • Le soutien militaire occidental ainsi que les accords de sécurité bilatéraux seraient également interdits, tout comme l’organisation d’exercices militaires avec d’autres États sur le territoire ukrainien 6.
  • Moscou exige également que les membres du Conseil de sécurité de l’ONU — dont la Russie fait toujours partie — soient considérés comme des États « garants » de la sécurité de l’Ukraine.
  • La Crimée resterait de facto sous contrôle russe, et l’armée ukrainienne serait réduite à la portion congrue. Son armée serait ainsi soumise à une limite de 85 000 hommes — contre 200 000 avant la guerre et un million aujourd’hui —, 342 chars, 102 appareils, et 519 pièces d’artillerie 7.

Plusieurs experts estiment que la signature par Kiev du Communiqué d’Istanbul constituerait un acte de capitulation 8. Le document s’inscrit par ailleurs dans un contexte radicalement différent en termes de rapport de force sur le front : si l’armée russe continue d’avancer chaque mois en Ukraine, Kiev a été en mesure de récupérer à l’automne 2022 les territoires occupés dans les régions de Kharkiv et de Kherson.

Sources
  1.  У нас в Україні немає жодної проблеми вести перемовини – ми готові до будь-яких форматів – звернення Президента, Présidence d’Ukraine, 11 mai 2025.
  2. Ірина Балачук, « Росіяни вдарили по Білгород-Дністровському : пошкоджено цивільну інфраструктуру, постраждав чоловік », Українська правда, 12 mai 2025.
  3. Alex Morales, « UK to Unveil New Russia Sanctions as European Ministers Meet », Bloomberg, 12 mai 2025.
  4. Мілан Лєліч, « Андрій Єрмак : Ми не дамо Росії приводу звинуватити нас у зриві мирного процесу », РБК-Україна, 12 mai 2025.
  5. « Переговоры в Стамбуле пройдут с учетом итогов прерванных в 2022 г. и ситуации « на земле » », Интерфакс, 11 mai 2025.
  6. Treaty on Permanent Neutrality and Security Guarantees for Ukraine, Draft as of 4/15/2022 (12.15) Sent to the President of the Russian Federation on April 15, 2022.
  7. Fact Sheet : Istanbul Protocol Draft Agreement of April 15, 2022, Institute for the Study of War, 24 février 2025.
  8. Nicole Wolkov, Angelica Evans, Grace Mappes, Daria Novikov, Anna Harvey et Frederick W. Kagan avec William Runkel, Russian Offensive Campaign Assessment, May 11, 2025, Institute for the Study of War.