Le traité d’amitié et de coopération signé aujourd’hui entre Paris et Varsovie a une vocation large et entend rassembler les deux pays vers un horizon commun. En particulier, il accentue la solidarité mutuelle des deux pays en matière de défense : la Pologne est le pays de l’OTAN qui dépense le plus en matière de défense (4,15 % de son PIB en 2024 et 5 % cette année), tandis que la France est la seule puissance de l’Union dotée de l’arme nucléaire.

  • Le président polonais Andrzej Duda avait déjà déclaré le 17 avril qu’il souhaitait accueillir des armes nucléaires françaises sur le sol polonais.
  • Avant de se rendre à Nancy, Tusk a quant à lui dit que le traité de Nancy « ouvrait la possibilité » d’une extension du parapluie nucléaire français au territoire polonais.
  • En répétant à Nancy que les « intérêts vitaux » de la France intégraient aussi ceux de ses « principaux partenaires », Emmanuel Macron semble avoir répondu à ces attentes : « Depuis les années 60, avec les propos du général de Gaulle, la dimension européenne de cette dissuasion a été affirmée et elle a été constamment réaffirmée par tous mes prédécesseurs et j’ai pu le faire moi-même […] Ce qui veut dire que dans la prise de décision de ce que sont les intérêts vitaux, les intérêts de nos principaux partenaires sont intégrés ». 
  • Pour le Premier ministre polonais, qui a salué un accord qui renforce la stabilité européenne, c’est la clause de défense mutuelle contenue dans le document qui consititue son point le plus important, Tusk ayant parlé « d’essence de ce traité du point de vue des intérêts polonais ». 

La Pologne, qui repose sur le parapluie nucléaire américain ainsi que sur l’Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord pour dissuader d’éventuelles attaques russes, craint que Donald Trump — en raison de ses nombreuses déclarations vis-à-vis de l’OTAN et de sa remise en cause systématique de toute forme d’alliance — n’abandonne l’engagement de Washington en faveur de la sécurité européenne. En mars, Tusk avait déclaré qu’en raison du « profond changement de la géopolitique américaine […] Il est clair que nous serions plus en sécurité si nous disposions de notre propre arsenal nucléaire ».

Le Traité de Nancy signé vendredi 9 mai est, à certains égards, semblable aux précédents documents signés entre Paris et Berlin (1963), Rome (2021) et Madrid (2023).

  • Le document vise à créer un « partenariat de défense véritablement intégré » en améliorant notamment la coopération bilatérale en matière de lutte contre les cyberattaques, les ingérences étrangères, « ou tout ce qui menace nos démocraties », selon les mots du président français.
  • L’industrie, les technologies de rupture (intelligence artificielle, systèmes autonomes, quantique…) et le nucléaire font également l’objet de « garanties mutuelles ». 
  • La guerre à haute intensité en Ukraine a remis au cœur des préoccupations des états-majors la question du réarmement et de la masse, dont la Pologne s’est imposée comme le modèle en Europe ces dernières années.

Si les relations franco-polonaises sont riches depuis au moins la Renaissance, un demi-siècle de guerre froide a plongé les échanges entre les deux pays dans ce que l’historien Geremek a qualifié d’« asymétrie des sentiments », les Français ignorant souvent ce qui se passe au-delà de Berlin.

  • Avec l’entrée de la Pologne dans l’Union en 2004 et le retour du centre-droit au pouvoir fin 2023, la coopération entre les 2 pays s’est toutefois renforcée.
  • La France est le 5e partenaire économique de la Pologne, tandis que celle-ci est le 10e partenaire de Paris.